La Suède et la Finlande bientôt membres de l’OTAN ?

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Le conflit russo-ukrainien mettra-t-il fin à la politique de neutralité militaire de la Suède et la Finlande ?

L’offensive russe en Ukraine a revalorisé l’image de l’alliance Atlantique aux yeux des Suèdeois.es et des Finlandais.es. Pour la première fois, les sondages d’opinions montrent qu’ils et elles sont majoritairement favorables à une adhésion de leurs États respectifs à l’OTAN [1]. Les deux pays en ont donc profité pour officialiser leur demande le 18 mai dernier [2]. 

La Suède et la Finlande travaillent déjà main dans la main avec l’OTAN depuis de nombreuses années. Depuis 1994, les deux pays sont partis prenants du PPP, le Partenariat Pour la Paix, une structure d’association libre bilatérale entre les Etats membres de l’Otan et d’autres pays. L’interopérabilité des armées suédoise et finlandaise avec les forces de l’OTAN est déjà développée. Des soldats finlandais et suédois ont participé aux exercices BALTOPS 2022 en Mer Baltique, coopérant avec 14 autres pays de l’Alliance Atlantique [3]. 

Cependant, le processus d’adhésion ne se valide qu’à l’unanimité des trente partenaires qui composent actuellement l’OTAN et un pays peut refuser d’en signer les protocoles ou d’en ratifier l’adhésion. Actuellement, ce pays pourrait bien être la Turquie, dont les représentant.es ont émis une liste de conditions nécessaires pour que suédois.es et finlandais.es se voient accepter leur adhésion. 

Impliquée dès les premières tentatives de négociations entre Russes et Ukrainien.ne.s, la Turquie occupe une position délicate dans le bloc atlantiste depuis l’achat de systèmes de défense sol-air de conception russe en 2019 [4]. Cet investissement a valu à l’armée turque une exclusion des programmes de ventes d’avions américains F-16. Pour autant, depuis le début de l’offensive russe, la Turquie a vendu à l’Ukraine des drones Bayraktar [5] même si depuis quelques mois, ces ventes se font plus rares, preuve de l’ambivalence de la stratégie d’Ankara [6]. Enfin, la Turquie a également fermé l’accès de ces détroits à tous les navires de guerre étrangers, en application des articles 20 et 21 de la convention de Montreux de 1936, afin d’éviter toute escalade potentiel du conflit [7].

Cependant, la participation d’Ankara à l’Alliance Atlantique pourrait reprendre des couleurs si ces négociations s’avèrent fructueuses ; et pour causes, le 12 juin dernier, le Secrétaire général de l’OTAN, le norvégien J. Stoltenberg, s’est rendu à Kultaranta, en Finlande, afin de participer à une réunion qui avait pour thématique « Une région nordique forte, stable et responsable ». Il était accompagné du Premier Ministre norvégien Jonas Gahr Store, du Parti Travailliste norvégien, Det norske Arbeiderparti ; ainsi que du Président finlandais S. Niinisto, membre du Parti de la Coalition Nationale, le Kansallinen Kokoomus. Lors de son allocution à la presse en fin de rencontre, M. Stoltenberg a déclaré que les inquiétudes de la Turquie concernant la question des réfugié.es kurdes et l’embargo sur la vente d’armes à Ankara, étaient légitimes à ses yeux. Le lendemain, le Secrétaire général de l’OTAN était en Suède auprès de la Première ministre Magdalena Andersson, du Parti Social-démocrate des travailleur.se.s suédois.es, le Sveriges Socialdemokratiska Arbetareparti (SAP) [8][9].

Ces réunions se sont tenues en prévision du Sommet de Madrid marquant les 40 ans de participation de l’Espagne à l’Alliance Atlantique. Ce sommet s’est déroulé les 29 et 30 juin dernier, dans l’optique de relancer l’OTAN, dans le contexte de confrontation russo-ukrainienne, annonçant la stratégie des années à venir dans un document intitulé « Stratégie OTAN 2030 » [10]. Une rencontre s’est tenue la veille du sommet entre la première ministre suédoise, le président finlandais et le président turc, afin de signer un protocole d’accord pour l’adhésion des deux États nordiques à l’OTAN [11]. 

A l’issue de ces négociations, Ankara a obtenu de la part de ces alliés une série de concessions indispensables à l’obtention de sa signature. De la part de la Suède d’abord, la levée de l’embargo sur les ventes d’armes suédoises en Turquie, l’inscription de groupuscules politiques kurdes indépendantistes sur les listes des organisations classées « terroristes » par le gouvernement suédois, en adéquation avec la législation européenne comme américaine ; et l’extradition prochaine de 73 responsables politiques d’opposition kurdes exilé.e.s en Suède [12] : « Comment allons-nous leur faire confiance ? La Suède est une pépinière de terroristes », a déclaré Erdogan au dernier sommet de l’OTAN, à Bruxelles [13]. Enfin, les Etats-Unis devraient concéder la réouverture des négociations afin que la Turquie réintègre le programme F-16 dont elle fut exclue après l’achat de système de défense russe S-400 [14]. 

Afin de s’assurer un succès à l’international à moins d’un an d’une élection législative cruciale, Erdogan a déjà prévenu : en cas de non-respect de cet accord, le parlement turc ne ratifiera pas l’intégration de la Suède et de la Finlande à l’OTAN [15]. De son côté, Helsinki a prévu la Turquie : elle ne rentrera pas dans l’alliance sans son voisin [16].

Le Sommet de Madrid a été l’occasion pour les membres de l’Alliance de redéfinir une stratégie commune pour les années à venir. L’OTAN a profité de l’invasion de l’Ukraine pour réorienter ses objectifs : pour la première fois, la Russie et la Chine ont été identifiées comme les principales menaces pour la sécurité des alliés. Il est important de noter que pour la première fois également, l’Australie, la Nouvelle Zélande, le Japon et la République de Corée ont été invité.e.s à un sommet de l’alliance, preuve de son intérêt croissant pour le Pacifique. En plus d’une aide militaire pour l’Ukraine, les alliés se sont engagés à consacrer 2% de leur PIB aux questions de défense, et ont adopté une série de mesures de soutien à destination de pays pouvant être potentiellement menacés par la Russie, en particulier la Géorgie et la Moldavie [17]. 

Cependant, l’intégration de la Suède et de la Finlande à l’OTAN pourrait présenter une série de risques pour ces alliés. D’abord car la Finlande possède plus de 1340 km de frontière commune avec la Russie. Comme dans les pays baltes, les forces de l’OTAN et leurs alliés se retrouvent cette fois nez à nez avec les forces russes. Enfin, plusieurs pays de l’Europe orientale ont déjà annoncé une augmentation importante de leur budget militaire. Concernant nos deux candidats à l’adhésion, il s’agit d’une augmentation de 4,5% en Finlande pour la seule année 2022 et de 27% en Suède pour la période 2021-2024 [18]. 

La Finlande et la Suède attendent maintenant la décision de l’ensemble des parlements nationaux pour officialiser leur entrée dans l’OTAN.

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