Enquête: Le mal-être des étudiant.e.s ferait-il plus de dégâts que le coronavirus?

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Après plus d’un an de restrictions dues à la pandémie de coronavirus, l’Association des étudiant.e.x.s de la Faculté de Psychologie (Adepsy) publie les résultats d’une enquête menée auprès des étudiant.e.s évaluant le déroulement des enseignements à distance, la session d’examens de janvier-février 2021 et surtout l’état actuel de leur santé mentale.

Pour avoir accès au rapport dans son entièreté:

https://www.unige.ch/asso-etud/adepsy/actualites/rapport-denquete-automne-2020/

« Cette enquête a pour but de savoir comment les étudiant.e.s ont vécu et accepté jusqu’à maintenant l’enseignement à distance, quelles étaient leurs difficultés et constater comment la situation a évolué depuis mars 2020, explique Quentin Zongo, membre de l’association [1]. Nous voulions recueillir des témoignages afin de faire un bilan de la situation qui permettrait d’alerter l’Université en particulier sur l’aspect psychologique. Elle invite à réfléchir à un moyen de les aider car, à la vue des données, il devient urgent de trouver des solutions. »

Une partie de l’enquête est dédiée à l’expérience des étudiant.e.s sur les cours et les examens en ligne, mais l’essentiel concerne leur santé mentale : comment vivent-il.elle.s la situation et que faire pour s’en sortir ? L’Adepsy aurait apprécié étendre le questionnaire à l’ensemble des étudiant.e.s de l’Université mais, pour éviter d’être redondante avec le travail de l’Observatoire de la Vie Etudiante (OVE), l’association a dû se restreindre à la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (FPSE). Une telle enquête doit nécessairement être approuvée par le Rectorat et implique des droits que l’ADEPSY n’a pas.

« En tant que futur.e.x.s psychologues, nous sommes plus conscient.e.x.s de l’impact de la situation actuelle sur la santé mentale et c’est notre rôle de l’évaluer. De plus, soumettre ce questionnaire, c’était également donner un moyen de s’exprimer à des étudiant.e.x.s qui ne se sentent pas assez écouté.e.x.s  » précise Quentin Zongo. En effet, si nous parlions jusqu’alors essentiellement de la détresse des restaurateur.rice.s, des acteur.rice.s de la culture ou des travailleur.se.s indépendant.e.s, les jeunes et en particulier les étudiant.e.s se sentaient pour la plupart encore privilégié.e.s. Mais lorsqu’il s’agit d’entamer un troisième semestre à distance, la saturation prend le dessus.

Podcast de la RTS sur la détresse des étudiant.e.s

https://www.rts.ch/info/suisse/11964662-podcast-quelles-vraies-solutions-pour-la-communaute-etudiante-en-detresse.html

Les questionnaires du semestre de printemps 2020 avaient révélé de premières difficultés au milieu du semestre. La différence avec ces derniers mois réside dans la durée des restrictions. En effet, si la population est parvenue à s’adapter lors du premier confinement, c’est en raison de l’aspect provisoire et de l’adaptation à court terme.

La reprise en présentiel en septembre a été bénéfique et appréciée, notamment pour ceux et celles qui commençaient leur première année, avant que les étudiant.e.s ne rencontrent de nombreux problèmes lors de la deuxième vague. Le moral en prend un coup. Le rapport de l’Adepsy en atteste : les étudiant.e.s ont senti que la situation durerait et que leurs efforts étaient vains, faisant émerger en outre un profond sentiment d’injustice. Les difficultés s’intensifient depuis octobre et les cours en ligne engendrent une solitude pesante et beaucoup d’anxiété en vue des examens.

« En tant qu’étudiant, une telle situation est supportable si elle reste passagère. Mais plus elle dure, plus la solitude, les problèmes financiers, le manque de loisirs et de vie sociale augmentent, jusqu’à devenir un mauvais étudiant. », partage Quentin Zongo. Pour 88% des participant.e.s, l’absence de vie sociale a aggravé leur santé mentale, les loisirs restreints pour 76% d’entre eux.elles et l’isolement pour 73%.

Extrait du rapport d’enquête de l’ADEPSY

Au semestre de printemps 2020, l’Université était surtout préoccupée par les conditions de travail des étudiant.e.s et la réussite de leurs examens. Aujourd’hui, on remarque que c’est surtout leur santé mentale qui est en danger. 

« Lors de la première vague, malgré l’adaptation pénible aux cours à distance, il restait des moyens de décompresser et de relativiser, d’autant plus que certain.e.s étudiant.e.x.s n’ont pas perdu leur travail. Mais le fait que rien ne change révèle la tension de la situation. L’absence d’amélioration se ressent au niveau du travail ; la baisse de moral empêche de travailler sur le long terme et les études n’ont plus de sens, conduisant même pour certains à la dépression. »

L’Adepsy a été agréablement surprise et marquée par le nombre d’étudiant.e.s qui se sont exprimé.e.s via ce questionnaire, traduisant un véritable besoin de parler : pas moins de 509 étudiant.e.s y ont répondu. En découvrant les résultats, bien que consciente des conséquences psychologiques de la situation, l’association ne s’attendait pas non plus à un taux si élevé de pensées suicidaires parmi les étudiant.e.s : « C’est déjà grave lorsqu’il s’agit d’un seul étudiant. Aujourd’hui, c’est 10 % ! » Une autre donnée marquante reste que 55% des participant.e.s ont vécu la pandémie de façon négative, et 27% de façon très négative. 

L’association souligne l’importance de préparer régulièrement des études afin de suivre l’évolution de l’état psychologique du corps estudiantin et, par conséquent, alerter pour éviter d’aggraver. Car cette enquête permet également de relever les points qui pourraient améliorer le semestre de printemps 2021, programmé en ligne jusqu’au 1er avril au moins.

Extrait du rapport d’enquête de l’ADEPSY

L’Adepsy, en tant qu’association facultaire, a la tâche de représenter les étudiant.e.s en FPSE devant le Décanat et la présidence. Il s’agit pour les membres de son comité, de signaler à la direction, à la fois ce qui fonctionne et ce qui est à repenser. C’est pour cela que l’association a transmis le rapport à la Faculté : « pour partager ces données au maximum, non pas pour ajouter des conflits au sein de l’Université mais plutôt pour travailler avec elle », précise Quentin Zongo.

Pendant longtemps, les étudiant.e.s ne se sentaient pas légitimes d’exprimer leur mal-être, perçu.e.s comme « n’étant pas à plaindre » : à première vue, transposer les cours à domicile et retourner vivre chez ses parents n’est pas une situation pénible pour les étudiant.e.s. Néanmoins, force est de constater que les étudiant.e.s pâtissent des restrictions et que, malgré l’aspect bénin du virus pour la majorité d’entre eux.elles, d’autres maux affectent leur santé.

Extrait du rapport d’enquête de l’ADEPSY

Peu après le mouvement Etudiants fantômes [1] en France qui a pris de l’ampleur, les étudiant.e.s suisses en détresse font résonner leur voix dans le même élan et osent davantage s’exprimer sur leur mal-être [2]. Les médias leur donnent également la parole. Pour Quentin Zongo « il ne s’agit pas d’une compétition entre ceux et celles qui auraient le droit ou non d’aller mal et de se plaindre. C’est important de leur permettre d’en parler, et aussi d’évoquer l’accès à des soins psychologiques ! »

Dans la même optique, l’Adepsy prône la solidarité et « réfléchit à de nouveaux moyens de garder un lien social entre les étudiant.e.x.s ». Car si la grande majorité de la jeunesse échappe aux risques graves du coronavirus, elle n’est au contraire pas exemptée des conséquences négatives et à long terme sur le plan psychologique, cela étant dû aux restrictions ainsi qu’au climat anxiogène. Après bientôt un an d’adaptation, les étudiant.e.s saturent et espèrent se faire entendre : le mouvement est désormais lancé.

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