Hugo Molineaux, secrétaire à la CUAE, nous a offert un entretien afin de discuter des changements des modalités d’examen provoqués par la crise sanitaire et parler des problèmes identifiés par ses membres.

La CUAE, Conférence Universitaire des Associations d’Etudiants, est une association faîtière et syndicat des étudiants de l’Université de Genève. Son rôle est double : d’une part, elle coordonne plusieurs associations et peut les représenter auprès des instances universitaires ; d’une autre, elle est aussi syndicat étudiant auprès d’étudiants individuels (opposition à une note, problème avec l’administration, etc.) [1].

Florent Gacon : Pensez-vous que la crise actuelle et toutes les restrictions qui en découlent a découragé les étudiants à s’engager dans la vie associative ? Et également à défendre leurs droits ?

Hugo Molineaux : Suite à la crise sanitaire, il est devenu plus difficile de trouver des étudiants qui s’engagent. La grande majorité des associations n’ayant plus la possibilité d’organiser des évènements festifs et/ou culturels, le simple fait de trouver des nouveaux membres est devenu bien plus difficile, car il y a peu d’événements physiques pour se faire connaitre. De la même façon, il est devenu plus difficile de se mobiliser pour défendre nos droits. C’est sur le terrain que se forme l’engagement politique et associatif, la fermeture des lieux de sociabilisation a grandement limité les moyens d’action et de communication. Malgré tout, beaucoup d’associations restent actives et essayent d’organiser des événements.

Selon vous, quels sont les plus gros problèmes générés par les modalités d’examen à distance, notamment le logiciel TestWE ?

Il y a deux points importants : d’abord, l’université ne consulte pas suffisamment les étudiants et les associations. Les choses sont annoncées tardivement. Mais c’est surtout le stress supplémentaire qui pose problème. Selon l’observatoire de la vie étudiante, le stress est l’un des thèmes qui préoccupe le plus les étudiants. [2]
Le fait de se faire filmer, d’être dans un environnement d’examen nouveau avec des modalités souvent communiquées tardivement amplifie un stress déjà élevé. Certaines filières ont notamment vu leur durée d’examen réduite ou encore la mise en place de restriction de réponse, notamment l’impossibilité de revenir sur les questions précédentes.
Malgré des réunions avec le rectorat ce semestre, qui n’avaient pas eu lieu au semestre précédent, les mesures annoncées sont déjà fixées et absolument pas discutées avec les associations.

Selon vous, quel type d’examen l’université aurait-elle pu mettre en place pour éviter ce surplus de stress ?

C’est la modification du format qui est le plus important, en passant par des dossiers à rendre, faire des QCM avec plusieurs versions et des questions mélangées. Mais aussi avoir une plus grande confiance dans les étudiants et ne pas toujours imaginer la pire triche possible.

Aviez-vous eu des retours d’étudiants lors des examens du semestre dernier ?

Certains étudiants qui ne voulaient pas se faire filmer ont pu le passer en présentiel. En faculté de Droit et de Psychologie notamment, comme aujourd’hui, beaucoup de modalités ont été changées tardivement. Ce qui avait mobilisé beaucoup d’étudiants, notamment à travers de pétitions.
Après les examens, il y a eu certains retours, notamment sur le port d’écouteurs par un étudiant, qui lui avait valu la note de 0. Mais également des cas de bug informatique, où les étudiants ont dû repasser l’examen en rattrapage.

L’Université souhaite préserver la valeur des diplômes et met ainsi en place des logiciels et des moyens d’assurer des conditions égales aux sessions d’examens précédentes, qu’en pensez-vous ?

Ce qui est dommage c’est que l’argument de la valeur des diplômes permet de tout faire passer, ce n’est que leur point de vue. Passer un examen à livre ouvert même sans surveillance n’enlèvera pas forcément de la valeur aux diplômes. Cela aurait pu être des tests de connaissances approfondies par exemple. On insiste souvent sur l’excellence universitaire, mais il y selon nous d’autres enjeux plus humains à mettre en avant, la solidarité, avoir une institution participative, réduire le stress. La pression existe déjà dans le monde du travail actuel, l’additionner à celle de l’université n’est pas forcément un combo gagnant. L’université pourrait au contraire défendre un monde du travail plus solidaire et responsable.

Quelles sont vos prochaines actions ?

Dès que les directives ont été annoncées, l’idée a été de lutter contre deux choses, la surveillance filmée d’une part : pour s’y opposer, la volonté est de mobiliser les étudiants afin qu’ils refusent de se faire filmer, d’autant que l’université est à priori tenue de leur fournir une alternative. Notre volonté est de faire passer une motion à l’assemblée de l’université et également d’essayer de retirer cette directive, même si cela s’annonce difficile car les examens ont déjà été organisés par l’université. Un gros travail a été fait avec la presse et une campagne de dénonciation a été lancée sur les réseaux sociaux.

Le jeudi 17 décembre à 18h, est organisé ‘L’examen du Rectorat’, il aura pour but de dénoncer l’intrusion fait par le rectorat sans le consentement étudiant par le biais de la vidéosurveillance. La CUAE laisse planer le doute sur cet événement qui sera à découvrir en ligne à travers les réseaux sociaux. [3]

Une fois la crise sanitaire passée, pensez-vous que l’université maintiendra certains éléments mis en place par la crise sanitaire ?

Il est difficile de prévoir ce que l’université souhaitera garder ou non en place, notamment car elle communique peu sur ce sujet. Mais dans les faits c’est peu probable, car le Préposé cantonal à la protection des données a donné des avis très négatifs sur TestWe et la vidéosurveillance en général. Il a donc limité cette utilisation à juin 2021 au plus, en s’appuyant sur le côté exceptionnel de la crise sanitaire. [4]

Le mot de la fin ?

Pour la CUAE, les modalités d’examens du semestre passé relevaient de la solution d’urgence. Aujourd’hui, ce n’est plus une solution d’urgence, elle a été mûrement réfléchie. Cela fait des mois que le Rectorat réfléchit aux modalités d’examen. Il pouvait faire participer les associations mais a décidé de ne pas le faire.

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