La guerre des Camisards : une révolte protestante méconnue

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La guerre des Camisards est une insurrection des protestants du Languedoc – autrement appelés les huguenots – contre les lois despotiques du roi catholique Louis XIV. Ce conflit de religion, qui commence en juillet 1702 et dure jusqu’en 1704, oppose les insurgés protestants aux soldats du roi.

Ces lois disciplinaires débutent déjà à l’aube de la Réforme, contre Luther en Allemagne, deux cents ans auparavant. A la même époque en France, Calvin instaure le protestantisme. Mais le Roi refuse cette nouvelle religion dans son royaume et les hostilités commencent à l’égard des réformés ; c’est l’époque des guerres de religion. « Ces guerres vont durer près de quarante ans. Les partis catholique et protestant, encadrés par des familles nobles rivales, se sont affrontés pour le contrôle de l’Etat et le statut de la religion réformée dans le royaume. »(1) Un épisode tristement connu, qui s’est déroulé le 24 août 1572 à Paris, est le massacre de la Saint-Barthélemy : il causa la mort de milliers de protestants.(2)

Les Calvinistes sont persécutés jusqu’à ce que le roi Henri IV promulgue l’Édit de Nantes en 1598, autorisant ainsi la liberté de culte de la religion réformée dans le royaume de France.(3) Mais tout se complique pour les protestants lorsque le roi est assassiné et que Louis XIII lui succède. Les lois anti-protestants ressurgissent de plus belle, entraînant des peines comme le bûcher, l’empalement, la condamnation aux galères et l’emprisonnement à vie.(4) De ces persécutions nous retiendrons surtout les dragonnades, nom donné aux pillages par les troupes du Roi chez les protestants jusqu’à ce que ces derniers abjurent : « La terreur des dragons déclenche des vagues de conversion, par villages entiers. »(5) Ainsi, en 1685, après avoir déclaré qu’il n’y a officiellement plus aucun protestant dans le royaume, le roi Louis XIV révoque l’Édit de Nantes.(6)

Dès lors, pour les réformés qui persistent malgré le danger, les assemblées sont contraintes d’être secrètes ; les protestants se retrouvent dans des grottes, ou dans des lieux déserts : « on nous a privés de nos temples, mais nous les avons retrouvés dans les bois et dans les montagnes. »[7] Le refus des réformés d’abandonner leur religion et de se soumettre aux lois royales aboutira à une guerre : la guerre des Camisards.

Le 24 juillet 1702, un événement de grande ampleur survient dans la région du Languedoc : l’abbé de Chayla, un homme particulièrement anti-protestants, est assassiné.(8) L’écho de cet acte fait scandale auprès de l’Église dominante et les protestants, auteurs de ce meurtre se décident à s’insurger. Les pères de familles et les jeunes hommes s’en vont combattre pour leur religion et la liberté de pensée. Les huguenots, qui sont majoritairement des paysans sans formation militaire(9), partent se battre contre les armées royales avec une forte conviction religieuse. Ils sont dirigés par des chefs dont le plus connu est Jean Cavalier, fils de boulanger et âgé de seulement dix-neuf ans lorsque commence le soulèvement armé.(10) Bien qu’ils soient moins nombreux que leurs ennemis, les Camisards – nommés ainsi en raison des chemises qu’ils portent, camise en occitan(11) – n’hésitent pas à foncer sur eux en chantant le psaume 68, dit le psaume des batailles : « Que Dieu se montre seulement… »(12)

Face à cette détermination inhabituelle, les soldats du roi perdent toute organisation et la résistance à laquelle ils sont confrontés leur cause des pertes considérables. Loin de Versailles, le siège du roi, la révolte fait rage. La parole est donnée à ceux qui n’y avaient pas droit, en particulier les jeunes hommes. En effet, la plupart des Camisards sont âgés de quinze à vingt-cinq ans : c’est la révolte de la jeunesse, l’affranchissement des interdictions pour retrouver la liberté, la nécessité de passer par la résistance à l’oppression.(13) Tous ces huguenots se battent pour leur liberté de conscience, acceptant le sacrifice de leur vie en échange de la pérennité de la religion réformée.

Les combats durent deux longues années, jusqu’en 1704, lorsque Cavalier se rend le 16 mai à Nîmes(14), suite notamment à la découverte de la caverne des munitions par les soldats du roi, après une importante défaite du côté des Camisards(15). « Dans ce pays où presque personne n’était capable de trahir les rebelles, ce fut la trahison qui livra le secret de ces magasins de vivres. Les troupes royales s’emparèrent de la caverne de Magestavols et les Camisards n’osèrent pas les attaquer. La disproportion des forces était trop grande et les royaux pouvaient recevoir en quelques heures des renforts importants, tirés des garnisons de Florac, de Vébron et du Pont-de-Montvert. »(16)

Certains mouvements de révolte subsistent encore après cette capitulation, mais sans grand effet. Les protestants n’obtiendront officiellement la liberté de culte qu’à la faveur de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, après plusieurs décennies de persécution.(17)

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