La Librairie du Boulevard : la coopérative autogérée de Genève

Avatar de Tristan Boursier

«  Il est absolument inutile qu’un chef de musique soit propriétaire des instruments de son orchestre, tout comme il peut parfaitement diriger ses musiciens en restant étranger à la question de leur «  salaire  ». Les fabriques coopératives démontrent qu’en tant que fonctionnaire de la production, le capitaliste est devenu tout aussi superflu que l’est suivant lui-même le propriétaire foncier. Son travail est complètement indépendant du capital du moment qu’il ne résulte pas du caractère capitaliste de la production, qu’il ne répond pas à la fonction qui a pour seul but l’exploitation du travail des autres et qu’il a pour point de départ le travail social, dans lequel la coopération de plusieurs est nécessaire pour atteindre un résultat déterminé.  » 

Karl Marx

        Alors que nous prônons sans cesse une société socialiste composée de coopératives autogérées uniquement, il paraît fort pertinent d’étudier celles qui existent d’ores et déjà, qui plus est à Genève. Ainsi, à deux pas du siège du Parti Socialiste, à la rue de Carouge, se trouve la Librairie du Boulevard, la coopérative autogérée de Genève fondée en 1975.

La Librairie du Boulevard est une excellente librairie qui propose un choix de livres variés, allant de la littérature jeunesse, aux ouvrages anti-capitalistes, en passant par la psychanalyse ou l’alimentation, sans oublier un beau rayon de littérature en poche. Mais au-delà de la qualité de son offre, c’est la qualité de son mode d’organisation qui est à relever. Fonctionnant en autogestion, les 6 travailleurs (à temps partiel) qui la composent se retrouvent tous les lundis matins pour se répartir les tâches et s’organiser pour la semaine. Convivial, ce mode d’organisation supprime la hiérarchie, et conduit les travailleurs à s’impliquer fortement.

            En sus de l’autogestion, la Librairie du Boulevard est aussi une coopérative. Les coopérateurs (il y en a 200) ne travaillent pas tous à la librairie, mais participent à des assemblées générales. Ils ne touchent aucun revenu de l’activité de la librairie, mais soutiennent ainsi ce beau projet. Quant aux travailleurs, ils deviennent généralement à la longue eux-aussi coopérateurs.

Tous les profits que réalise la librairie sont partagés entre les travailleurs, qui touchent tous le même salaire, le temps de travail étant rémunéré de manière égalitaire. En cas de problème financier, les travailleurs ont toujours réussi à s’arranger, que ce soit avec le départ à la retraite de l’un d’entre eux, ou en faisant quelques heures supplémentaires. L’ancienneté au sein de la coopérative ne donne droit qu’à une semaine de vacances supplémentaire après 20 ans.

Cette expérience de socialisme appliqué est une belle démonstration qu’un autre modèle de société est possible, fondée sur des valeurs comme l’autonomie, la liberté, et l’égalité. Notre combat ne peut que sortir renforcé par l’existence de pareille expérimentation positive, résistance quotidienne à l’ordre capitaliste.

Alors, la coopérative autogérée, le modèle de demain  ?

«  Dans le cadre de la propriété privée des moyens de production, les fabriques coopératives créées par les travailleurs sont la première brèche dans l’ancienne forme de propriété individuelle des moyens de production. (…) Dans ces coopératives, l’antagonisme entre le capital et le travail est supprimée. (…) Elles montrent comment, à un stade déterminé du développement des forces productives matérielles et des formes de production sociales correspondantes, un nouveau mode de production peut surgir et se développer naturellement à partir d’un mode de production donné.  » 

Karl Marx

Article rendu possible grâce à une interview réalisée auprès de Catherine Rosselet, travailleuse au sein de la Librairie du Boulevard que je remercie ici pour son temps et ses réponses.

Tagged in :

Avatar de Tristan Boursier

Laisser un commentaire