Le terrorisme : un ennemi construit #1

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            Au lendemain du 11 septembre 2001, George W. Bush Jr., alors président des Etats-Unis, déclarait la guerre à ceux qui avaient perpétré les attentats contre le Pentagone et le « World Trade Center » de New York. A partir de ce jour là, le terrorisme ou plutôt « l’axe du mal », comme l’avait définit le Président Bush, est devenu l’ennemi public n°1 de la plus grande puissance mondiale. C’est en Irak et en Afghanistan que cet « axe » fut tout d’abord attaqué ayant pour conséquence une haine croissante des citoyens du Moyen-Orient envers l’occident.

           Si les guerres en Afghanistan et en Irak ne se sont pas avérées très efficaces, les Etats-Unis auront toutefois pu tirer profit ailleurs : dans la bataille idéologique. Durant cette dernière décennie, une définition des termes « terrorisme/terroriste » s’est construite, qui est aujourd’hui acceptée par la majorité de la communauté internationale et par les grandes puissances occidentales. Le terroriste n’est pas simplement celui qui commet un attentat. En écoutant les discours des dirigeants mondiaux et en lisant la presse, il semblerait plutôt que le terroriste soit une fraction spéciale de ceux qui commettent un attentat. Le terroriste, pour être plus précis, est celui qui a été étiqueté en tant que tel par ce que Howard Becker, sociologue américain, appellerait des « entrepreneurs de moral ». La sociologie de la déviance qu’il expose dans son ouvrage le plus fameux, Outsiders (1963), explique l’idée que la déviance est quelque chose de construit et en même temps un processus. Sa perspective permet de bien comprendre que la déviance, ou dans ce cas, le terrorisme n’existe pas en soi, mais est définit comme tel par le groupe social le plus puissant.

    En mettant l’accent sur l’importance des idées, comme le fait le constructivisme et l’interactionnisme symbolique de Becker, on arrive également à comprendre pourquoi les Etats-Unis mettent plus de moyen en œuvre pour combattre le terrorisme extérieur, plutôt que le terrorisme intérieur ; celui qui tue environs 10’000 citoyens américains chaque année.

        L’emploie du mot « terrorisme » remonte au régime de la Terreur suite à la révolution française de 1789. Ce qui à l’origine était un mot assez général pour décrire tout acte de terreur, est devenu avec le temps un terme construit par les puissances occidentales qui se sont affirmées comme les « entrepreneurs de moral ». Becker écrit dans Outsiders : « Avant qu’un acte quelconque puisse être considéré comme déviant et qu’une catégorie quelconque d’individus puisse être étiquetée et traitée comme étrangère à la collectivité pour avoir commis cet acte, il faut que quelqu’un ait instauré la norme qui définit l’acte comme déviant. Les normes ne naissent pas spontanément ». Le terrorisme n’est plus celui qui commet un acte de terreur, mais est celui qui est étiqueté en tant que tel. De ce fait, on voit bien dans l’histoire récente plusieurs cas d’attentants ou de tueries où on a parlé d’actes commis par des terroristes, et dans d’autres cas d’actes commis par des malades mentaux.

            La preuve de cela est flagrante quand on compare les différents attentats et tueries (actes de terreur) qui ont été commis pendant cette dernière décennie. En 2002, le président George Bush Jr. utilisa le terme « axe du mal » pour désigner les pays qui soutenaient selon lui et son administration des activités terroristes. A la tête de la plus grande puissance mondiale et pouvant compter sur le soutien de nombreux alliés, le président américain avait d’énormes pouvoirs et jouait ainsi le rôle de « l’entrepreneur de moral » en désignant certains groupes et personnes comme terroristes au lieu d’autres. La comparaison entre les membres d’Al-Qaïda et Anders Breivik est assez évocatrice pour illustrer cela. Les deux ont agit au nom d’idéologies politiques et religieuses et ont préparé leurs attaques avec méthode et rationalité. Les deux ont également assumé de manière publique leur actes et n’ont pas eu un seul sentiment de regret. Or, les deux ne sont pas étiquetés comme « terroristes » bien qu’ils aient commis d’horribles actes. Quelles sont les conséquences d’être ou de ne pas être étiqueté comme terroriste ? Quels intérêts avaient les puissances occidentales, les « entrepreneurs de moral » à faire passer cette norme et définition du terrorisme comme quelque chose qui provient principalement des cultures non chrétiennes ?

            Dans la deuxième partie de ce texte il sera question d’analyser les cas d’Andre Breivik et des membres d’Al-Qaïda à l’aide de la théorie de Howard Becker pour ainsi répondre aux questions qui ont été posées plus haut.

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