Il s’appelait Adolf

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    30 janvier 1933, Berlin. Malgré certaines réticences, le président Paul von Hindenburg nomma Adolf Hitler chancelier de l’Allemagne. En moins d’une année, cet homme mettra fin à la chancelante République de Weimar, imposera le projet politique national-socialiste et entrainera par la suite la chute du Troisième Reich.

Quatre-vingt ans plus tard, que reste-t-il d’Adolf Hitler?

Un criminel impuni et un mythe.

Plus exactement, une construction mythique de ce personnage. Comme le rappelle l’historien Ian Kershaw dans son ouvrage Hitler 1936-1945, Nemesis: «Never in history has such ruination, physical and moral, been associated with the name of one man.» Par la propagande occidentale et soviétique, Hitler fut présenté comme l’antéchrist moderne, un sorcier démentiel qui aurait trompé ses compatriotes pour les guider dans une folie collective et meurtrière Tout ce qui  lui était associé de près ou de loin  était, semble-t-il, maudit. Loin de s’être estompé avec les décennies, cette conception du personnage est toujours vivace et de nombreux exemples hantent toujours notre imaginaire collectif. On peut citer la méfiance qui entoure son œuvre Mein Kampf, la quasi disparition du prénom Adolf chez les nouveau-nés depuis 1945 ou bien les nombreuses rumeurs concernant sa sexualité supposément déviante. Même son style de pilosité facial, toujours reconnaissable, suscite encore aujourd’hui malaise et réactions diverses.

Mais pourquoi pointer du doigt cette mythification? Hitler n’est-il pas responsable d’un des pires génocides de l’histoire du genre humain? Certes et il n’est pas question ici de réhabiliter ce personnage  ou de nier ses crimes. Alors, pourquoi combattre ce mythe ?

« pourquoi combattre ce mythe ? »

Tout d’abord, pour la compréhension de notre passé. La diabolisation du personnage d’Hitler permet de transformer la Seconde Guerre mondiale en un conflit manichéen opposant une Alliance du Bien et un Axe du Mal. Si cette idée peut sembler séduisante pour Hollywood, elle est cependant l’image réductrice et trompeuse d’une réalité grise aux nuances subtiles.  On pourrait même trouver cette idée à la limite du grotesque par la seule idée que l’Union soviétique ait pu être membre de cette Alliance du Bien alors qu’elle était dirigée à l’époque par Joseph Staline.

De plus, bien que radicale, l’essentiel des idées d’Adolf Hitler n’avait rien de révolutionnaire, voire d’innovante pour son époque.  L’antisémitisme, le militarisme et l’anticommunisme de la pensée hitlérienne se retrouve dans le discours de bon nombre de ses contemporains. Par ailleurs,  l’existence de l’Essai sur l’inégalité des races humaines de Gobineau (1853-1855) prouve que les théories racistes n’étaient pas uniquement le fruit d’une Allemagne en pleine crise, mais le produit d’une tradition intellectuelle et européenne beaucoup plus ancienne.  Il en va de même avec le concept de Lebensraum (l’espace vital) qui justifia la politique expansionniste du Troisième Reich qu’on retrouve  dans les écrits de Friedrich Ratzel, un autre auteur du XIXe siècle.

« le fascisme ou son équivalent moderne auront, malheureusement, peut-être un rôle à jouer dans le futur »

En mettant l’emphase sur  exceptionnalité du personnage d’Adolf Hitler, on catégorise l’expérience du national-socialisme d’accident historique. Le nazisme ne serait alors  qu’une embûche sur la marche triomphante de la démocratie libérale, finalité historique de notre espèce.  L’optimisme des Fukuyama de ce monde doit cependant être dénoncé.   Comme l’a déclaré la chancelière Angela Merkel en commémorant le 30 janvier dernier: « Les droits de l’Homme ne s’imposent pas de soi. La liberté ne va pas de soi et la démocratie ne réussit pas de soi.» Si notre modèle d’organisation politique est pour l’instant sans concurrent sérieux, rien ne dit que la situation va ou doit perdurer.  Et le fascisme ou son équivalent moderne auront, malheureusement, peut-être un rôle à jouer dans le futur.

           Finalement, cette critique de notre relation avec Adolf Hitler n’a rien de nouveau ou de révolutionnaire. Cependant, quatre-vingt ans plus tard,  malgré  les décennies passées, les milliers de pages rédigées à son sujet et une actualité qui nous gave quotidiennement d’horreurs, l’ombre  d’Adolf Hitler continue à nous hanter. Que l’on veuille ou non, on finit toujours par le retrouver quelque part. Même dans d’un journal étudiant.

Si Adolf est bien mort dans un bunker berlinois le 30 avril 1945, Hitler, lui,  est bien vivant.

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