Naviguer dans le monde des fake news

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En 2016, Aviv Ovadya, responsable des nouvelles technologies au Center for Social Media Responsability de l’Université du Michigan, prédit une ère de la désinformation, mais son cri d’alarme ne reçoit aucun écho (1). Pourtant, quelques temps plus tard, le terme « fake news » devient de plus en plus courant dans les médias et mène à une crise de la communication. Mais que cache réellement la notion de fake news ? Et comment ce phénomène a-t-il pu prendre autant d’ampleur ?

Qu’entend-on par le terme « fake news » ?
On doit traduire cet anglicisme par « faux article » et non pas « article faux ». Autrement dit, par fake news, on entend une publication qui se ferait passer pour un article de presse sans en être un, et non un article qui évoquerait un sujet d’une manière erronée. A l’inverse des sites parodiques, tel le Gorafi qui se déclare ouvertement caricatural, ceux qui hébergent ces faux articles cherchent à tromper le/la lecteur/trice en créant des noms proches de ceux de médias « sérieux ». Par exemple, le site internet ABCnews.com.co reprend le nom du célèbre département d’information de la télévision américaine ABCnews en modifiant de manière subtile l’adresse web, abcnews.go.com. Vous pouvez trouver ici (2) une liste regroupant plusieurs de ces faux médias.

Quelles conséquences ?
Dans le courant des élections américaines, un minimum de 126 millions de personnes a été exposé à une forme de fake news uniquement à travers Facebook. Sur Twitter, ce sont 36’746 comptes qui ont généré plus de 1,4 million de tweets automatiques liés à la campagne électorale (3) ; des chiffres impressionnants qui ont pu avoir un impact considérable sur l’opinion publique. Les grandes plateformes de diffusion, telles Google et Facebook, ont ainsi été accusées de ne pas contrôler suffisamment l’information et de laisser délibérément de faux articles tromper les électeurs. Facebook a depuis réagi (4) en proposant deux solutions : augmenter la puissance de son algorithme, d’une part et s’associer, dès février 2017, à plusieurs médias français dans le but de favoriser la vérification de contenu, d’autre part. Une telle association engage directement les internautes qui auront la possibilité de signaler une fake news lorsqu’ils en repèrent une. Quant à Google, le géant du Web a pris des mesures similaires à celles de sa contrepartie, Facebook. Les deux enfants de la Silicon Valley ont en outre modifié leurs régies publicitaires afin d’exclure les plateformes de désinformation de tout revenu généré par de la publicité.

Pourtant, cela ne semble pas suffire car, malgré ces précautions, des informations trompeuses continuent à faire parler d’elles régulièrement. Dernièrement, une fake news a été diffusée sur plusieurs médias africains affirmant que la Suisse souhaitait interdire le mariage entre communautés blanches et noires. Depuis, Présence Suisse, un organisme national responsable de l’image de la Confédération à l’étranger, a réagi en faisant parvenir un communiqué aux différentes ambassades et bureaux consulaires sur place afin de démentir les propos dégradants (5).

Qu’en est-il des médias traditionnels ?
Cette crise a profondément changé la relation des médias traditionnels avec le public qui manifeste une perte de confiance et une méfiance grandissante. Un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur à mesure que certains médias relayent des fake news sans même s’en apercevoir. Prenons pour exemple l’histoire du dauphin rapportée par RTL (6), datant de février 2017 ; le cétacé aurait trouvé la mort suite à la négligence des touristes présents qui se seraient pressés d’en faire la star de leurs selfies au lieu de l’aider à retrouver la mer. En réalité, l’animal était mort bien avant d’avoir été sorti de l’eau (7).

Bien qu’invraisemblable, cette situation profite à des personnages politiques importants, à l’image de Donald Trump qui a popularisé le terme en qualifiant de manière régulière les médias de « Fake News ». Il est allé jusqu’à décerner des « Fake News Awards » (8) à divers journaux et rapporteurs, comme le New Yorks Times ou encore le Washington Post, le 17 janvier dernier. Une récupération qui lui permet de décrédibiliser les nombreuses critiques à son égard. Ainsi les politicien-ne-s ne sont pas en reste, et plusieurs d’entre eux ont relayé des intox visant à justifier leurs programmes politiques. Un exemple récent est celui de la fausse information partagée par Marion Maréchal-Le Pen affirmant que 30% de la campagne présidentielle de Macron a été financée par l’Arabie Saoudite (9).

Quel avenir pour les fake news ?
Il est difficile de prévoir l’évolution de l’information. En effet, malgré une prise de conscience accrue et la mise en place de mesures de protection en 2017, les fake news sont toujours florissantes dans les médias et sur les réseaux sociaux. Un contrôle continu de l’information est impossible, faute à un contenu trop rapide et trop dense. Une fois que l’information a été diffusée, il est déjà trop tard. Certains experts, comme Aviv Ovadya, semblent pessimistes. Celui-ci n’hésite pas à parler d’une prochaine « apocalypse de l’information » manifestée par des faux articles mais aussi par des vidéos et des photos manipulées. Plus alarmant encore, ces manipulations pourraient être instrumentalisées par les organismes politiques leur permettant ainsi d’influencer les prises de décisions majeures, à un niveau national comme international.

Malgré ces prédictions sinistres, des solutions restent envisageables. Pour Ovadya, la mise en place d’une vérification cryptographique, capable de distinguer les vidéos et photos réelles de celles qui ont été modifiées, est possible. Il est bon de rappeler également qu’une réelle prise de conscience populaire du problème s’est déjà effectuée et que celle-ci est accompagnée d’une lutte anti-fake news qui s’accomplit par la création de sites ou de listes regroupant les fausses informations. Storyzy (10), par exemple, est une start-up créatrice d’un logiciel vérifiant les données sur internet à l’aide de plus de 50’000 citations et 4500 sites enregistrés. En France, le président Emmanuel Macron a énoncé, lors de ses vœux à la presse de 2018, le souhait d’introduire une loi anti-fake news (11). La mise en péril de la liberté d’expression en fait toutefois un sujet controversé.

Comment reconnaitre une fake news ?
Comme nous l’avons vu précédemment, malgré les différentes mesures proposées, les fake news continuent à circuler et il est parfois difficile de les repérer. C’est pour cela que vous trouverez ci-dessous un petit guide permettant de les identifier. (12)

1. Vérifiez l’URL
De quel site internet provient cet article ? Est-ce un site connu ? Considéré comme sérieux ? L’adresse URL a-t-elle un nom étrange ?
Si vous n’êtes pas sûr, n’hésitez pas à entrer le nom du site dans votre moteur de recherche, vous découvrirez facilement s’il est fiable ou non.

2. Vérifiez l’orthographe
Il arrive que les fake news soient rédigées dans un français approximatif et qu’elles comportent des fautes d’orthographe. Attention toutefois ! un bon français n’est pas synonyme de « real news ».

3. Si l’article contient une photo, effectuez une recherche d’image
Certaines photos sont volontairement détournées et la légende qui les accompagne n’est pas adéquate. Une recherche rapide sur Google Images vous permettra de vous assurer de son authenticité.

4. Si l’article contient des citations de personnes, vérifiez leurs noms
Souvent ces personnes n’existent pas ou les témoignages qui leurs sont attribués ont été faussés. Copiez le nom et/ou la citation dans un moteur de recherche et vérifiez si elle apparait sur d’autres articles ou non.

5. Vérifiez la citation des sources
Les fake news font rarement état de leurs sources. Pourtant tout journaliste se doit de les citer lorsqu’il rédige un article, que celui-ci agisse au nom d’un média ou à titre personnel. Soyez attentifs aux liens hypertextes vides, une telle technique est souvent utilisée par les rédacteurs de fake news.

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Une réponse à “Naviguer dans le monde des fake news”

  1. Avatar de Peps Cafe

    Bonjour !

    Merci pour cette info instructive sur les « infaux » ! Et bravo pour votre média, que je découvre ! (A noter qu’il existe aussi un « TOPO », en France : il s’agit d’une revue de reportages en BD pour les – de 20 ans !)
    Sinon, outre les conseils que vous donnez, l’IFLA (la Fédération Internationale des Associations et Institutions de Bibliothèques) suggère également d’aller au-delà des titres, de vérifier la date et…d’évaluer nos préjugés ! (Cf https://pepscafeleblogue.wordpress.com/2018/02/07/de-vraies-solutions-aux-fausses-nouvelles-comment-reconnaitre-les-fake-news/ ).
    A noter encore (mais vous connaissez sûrement) le site 30secondes.org, créé et lancé depuis le 15 février 2018 par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). Celle-ci propose une formation spéciale destinée au public scolaire [mais pouvant intéresser tous les citoyens adultes, jeunes et moins jeunes], avec une méthodologie facile à transmettre : 30 secondes de réflexion sur l’information pour l’analyser avant d’y croire, de l’aimer, de la partager ou de la commenter.

    Cordialement et bonne suite à vous !
    Pep’s

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