Un festival hispano-américain à l’Unige : Caramelo y Limón

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Pour la toute première fois, l’association des étudiants d’espagnol de l’Université de Genève (AEE) organisait un festival cinématographique, intitulé Caramelo y Limón, à la Maison des Arts du Grütli. Pour cette première édition, quatre films hispano-américains étaient à l’honneur: La Conducta D’Ernesto Daranas, La Mirada invisible de Diego Lerman, Las Acacias de Pablo Giorgelli, et pour finir La Partida d’Antonio Hens.

Un projet unique et audacieux qui inspire non seulement le goût du cinéma hispano-américain, mais aussi celui du challenge. Rencontre avec Sebastián Restrepo, président de l’association d’espagnol et membre du comité organisateur du festival, qui nous parle de ce projet étudiant autour de la culture latine.

 

Nadia Valor : Quelles sont les motivations qui ont incité le comité organisateur à se lancer dans l’organisation d’un festival cinématographique ?

Sebastián Restrepo : Claudia Cabrera, Isidro Fernandez, Ruben Mendes et moi-même nous étions initialement lancés dans un projet d’adaptation filmique du conte La casa tomada de l’auteur argentin, Julio Cortázar[1]. Avec le soutien de Belinda Palacios, Mme Wagner et bien sûr les bénévoles, nous avons pu réaliser un court métrage. Bien qu’il ne soit encore achevé, nous projetions déjà de le montrer aux étudiants de l’unité d’espagnol.

Nous avons choisi l’œuvre de Cortázar, car elle dénonce les conditions de vie sous la dictature en Argentine. Nous souhaitions transposer le thème de la répression à l’actuelle problématique des migrants et de la xénophobie présente en Europe.

En discutant, nous avons aussi eu l’idée de montrer un film lors de la projection de notre court métrage. L’enthousiasme général de l’unité et des professeurEs ainsi que le soutien financier octroyé par la Commission de Gestion des Taxes Fixes (CGTF), nous ont motivés à voir cet événement plus grand et donc à envisager un festival qui pourrait proposer plusieurs films.

Comme ce projet s’inscrit aussi dans une démarche socio-culturelle, les films projetés abordent principalement des problématiques sociales et politiques, telles que la dictature, l’homosexualité, la condition des femmes et des minorités ethniques.

La Conducta met en scène l’enfance brisée d’un enfant à La Havane, sous l’égide de son enseignante et Las Acacias relate une rencontre entre un routier solitaire et une femme et son bébé. Ces deux films ont été appréciés par le public en général.

Les films La Mirada invisible et La Partida n’ont cependant pas été du goût de tout le monde. L’un jugé par certains comme trop dur et violent et l’autre comme trop cru et sexuel. Nous avons pris des grands risques en les présentant. Nous les avons pris par la simple conviction qu’il faut montrer la réalité et interpeller le public qui se met souvent – par facilité ou par naïveté – en mode « autruche ».

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Membres du comité organisateur : Sebastián, Claudia et Ruben

N.V : Votre festival cinématographique s’intitule Caramelo y Limón. Ce nom-là n’est-il pas bien gourmand pour parler de difficultés sociales ?

S.R : Il est vrai que ce titre est quelque peu hasardeux. L’idée nous vient du film Fresa y chocolate, sorti en 1993 et réalisé par Tomás Gutiérrez Alea et Juan Carlos Tabío. Le Titre du film est équivoque, car il ne se réfère pas à quelque chose de précis ou connu de toutes et tous. Il faut voir le film pour comprendre son sens. Nous ne voulions pas reprendre le titre identique, mais la structure nous plaisait bien. Nous avons donc choisi la combinaison des mots « caramelo » et « limón », car selon nous elle est à l’image de la culture hispano-américaine, qui est à la fois douce et acide, voire amère. Marquée par la douleur des dictatures passées et les répressions sociales, la communauté hispano-américaine n’en est pas moins vive, chaleureuse et haute en couleur.

 

N.V : Le festival Caramelo y Limón découle donc aussi du besoin de partager la culture hispano-américaine à Genève. En quoi diffère-t-il du festival FILMAR en América Latina, qui propose aussi un important panel de films consacrés à la culture latino-américaine en Suisse?

S.R: Le festival FILMAR en América Latina, est un festival cinématographique connu et reconnu dans toute la Suisse. Il jouit d’une notoriété importante qui lui permet d’attirer un public de tous bords, mais surtout initié au monde culturel à Genève. Or notre festival s’adresse avant tout aux étudiants et aux populations migrantes, généralement peu informées de l’offre culturelle locale. Dans le but de rendre cette manifestation culturelle ouverte à toutes et tous, nous avons mis un point d’honneur à proposer une entrée libre. Nous voulions que cet événement soit surtout un lieu d’échanges, placé sous le signe de la solidarité culturelle, à savoir le partage de la même culture et la création de nouveaux liens d’amitié.

À la différence de FILMAR, il s’agit d’un festival hispano-américain. Nous ne nous limitons pas aux productions cinématographiques de l’Amérique latine, mais incluons aussi au programme des films ibériques.

Et puis, Caramelo y Limón est un projet mis en œuvre uniquement par des d’étudiants. Bien que nous nous soyons sentis très vite soutenus et motivés par l’AEE ainsi que la CGTF, la réalisation de ce projet n’était pas dénuée d’embûches.

 

N.V : Quelles ont été les difficultés en tant qu’étudiants lors de la réalisation de ce projet ?

SR : La gestion du budget et l’administration en ce qui concerne la location des salles et l’achat des droits d’auteurs ont sans doute été les points les plus difficiles lors de l’organisation du festival. Comme déjà évoquées, la CGTF nous a octroyé une subvention, mais ils ne sont pas les seuls à nous avoir soutenus. L’AEE ainsi que le Département d’espagnol de l’UNIGE nous ont accordé une aide financière. L’UNIGE a également mis à disposition du matériel filmique pour la réalisation du court métrage. Il a fallu ensuite se mettre d’accord pour la distribution du budget et trouver un compromis entre nos souhaits et les possibilités. Nous avons ainsi opté pour la projection de quatre films au lieu de six. Un projectionniste était présent tous les soirs afin d’assurer le bon déroulement des séances.

Pour ce qui est de l’acquisition des droits d’auteurs, c’était aussi très compliqué. En effet, le marché des droits d’auteur n’étant pas stable, il a fallu chercher et contacter de nombreuses institutions avant d’avoir des réponses positives.

 

N.V : Quel bilan tirez-vous de la première édition ?

SR : Le festival a été un franc succès: nous avons réuni en tout deux-cents personnes, en quatre jours de projection. 80% des spectateurs (selon nos statistiques mises en place à l’entrée de la salle) sont des personnes extérieures à l’université. La Partida, montré à l’écran le dernier soir, était le film qui a attiré le plus de spectateurs. Soixante personnes étaient présentes à cette séance, contre quarante-et-une à la première. De tels chiffres nous font très plaisir, car cela prouve que le public est réceptif à notre initiative et prêt à nous soutenir pour la suite. Nous projetons ainsi de renouveler l’expérience au mois de mars sur le même modèle, mais en plus important !

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