« Stop Mitage » – Oui ou Non le 10 Février ?

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En vue de la votation fédérale du 10 février sur l’initiative « Stop Mitage » (1), TOPO a rencontré deux jeunes politiciens : Thomas Juch, s’engageant contre l’initiative, et Sophie Desbiolles, qui la soutient.
Thomas a débuté sa carrière politique en Argovie avec les Jeunes Libéraux-Radicaux (JLR), parti qui selon lui « défend le mieux mes idées de liberté individuelle et économique, même s’il y a parfois un certain décalage ». Depuis décembre 2018, il est président des JLR genevois. Sophie, quant à elle, est entrée en politique chez les Jeunes Vert-e-s après avoir milité pour la sortie du nucléaire chez Greenpeace. « La politique est une autre façon de poursuivre mes idéaux », dit-elle, et le parti des Jeunes Vert-e-s rassemble des gens aux mêmes envies et idées que les siennes. Elle est co-présidente genevoise du parti depuis juin 2018.

https://www.courtetelle.ch/Htdocs/Images/IF_Content_630/3355.jpg – consulté le 03.02.2019


TOPO : Pouvez-vous résumer l’initiative en trois mots ?

Sophie Desbiolles (S) : C’est dur ! Je dirais « bâti ; intelligent ; durable ».
Thomas Juch (T) : « Provoque un mitage accéléré ».

TOPO : N’est-il pas contradictoire de dire que l’initiative contre le mitage produit un mitage accéléré ?

T : Les zones à bâtir actuelles ne se trouvent pas dans les centres urbains où on en aurait besoin. Si la population continue à s’accroître, la Suisse devrait construire des bâtiments dans les zones à bâtir restantes loin des centres urbains comme Zurich, Genève ou Berne. Le mécanisme de compensation prévu par l’initiative est assez difficile, une commune peut soit acheter des zones à bâtir soit construire d’une manière plus dense. Avec l’acceptation de cette initiative, notre génération se retrouverait privée de la possibilité d’accéder à un appartement accessible.
S : Pour nous, le problème est que la LAT (loi sur l’aménagement du territoire ndlr) (2) ne va pas assez loin dans le sens où tous les 15 ans, les communes peuvent demander un agrandissement des zones à bâtir. Cela va grignoter de plus en plus les terres agricoles. Le but de l’initiative c’est de dire que oui, on doit continuer à construire, mais il faut construire là où il y a le besoin de construire, pas n’importe où.

TOPO : Actuellement, les villes cherchent à attirer des emplois et des habitants. Décider de construire en ville ou à la campagne est donc une question de société. Cette initiative n’est-elle pas aussi un moyen de remettre en cause ce choix ?

S : Cela pose la question de la durabilité. Il y a eu dans les Trente Glorieuses le rêve de la maison individuelle mais maintenant, ce n’est plus possible, plus durable. Alors il faut trouver d’autres situations d’habitation. Il vaut mieux construire en ville, faire des éco-quartiers en ville qui sont sympa à vivre et qui répondent à la demande en termes de place, de gaspillage énergétique et de proximité des transports publics. C’est le défi de notre génération du 21e siècle : Repenser le bâti vers l’intérieur, l’améliorer à l’intérieur au lieu de s’étendre sur les terres agricoles qu’on est obligé de conserver.
T : Je suis d’accord qu’il y a certainement dans notre génération un mouvement de la campagne vers la ville. Mais une fois qu’on a une famille, on a bien envie de retourner à la campagne. Et des nouvelles entreprises avec une offre d’emploi s’installent justement en dehors du centre urbain, par exemple entre Genève et Lausanne. Cette initiative est dangereuse pour des « bons élèves », par exemple Genève qui a bien partagé ses zones à bâtir, et pour des autres communes n’ayant plus de zones de construire. Il faut regarder le résultat de la révision de la LAT. Une région sans zones à bâtir est privée de toute perspective de croissance, il faut qu’une commune ait la possibilité et la liberté de s’adapter à la réalité. L’initiative est malheureusement trop idéologique et provoquera une accélération du mitage.

TOPO : Parlons du « besoin d’adaptation des communes » et de « l’accélération du mitage ».

S : Il faut se rendre compte que dans les arguments des opposants il y a beaucoup le spectre de peur, du danger, mais il n’y a pas réellement de situation de rareté. On peut, avec le niveau de densification d’aujourd’hui, loger encore 1,5 millions de personnes supplémentaires sur les zones à bâtir restantes. Il y a 225’000 m2 de bureaux vacants sur Genève. Comme Thomas l’a évoqué, il y a le problème que les jeunes ne peuvent pas se payer les loyers chers. Mais ce problème existait déjà avant ”Stop Mitage”, ce n’est donc pas le résultat de cette initiative. Les loyers sont chers parce qu’il y a de la spéculation, parce qu’après chaque changement de locataires, le loyer augmente.
T : On est bien d’accord sur les chiffres moyens de la Suisse, mais il y a des différences régionales. Si l’initiative aboutit, les zones à bâtir seront gelées et deviendront beaucoup plus rares, surtout dans les zones urbaines où il n’y en a déjà plus. Les négociations avec d’autres communes pour organiser une compensation seront compliquées et construire sera plus cher, ce qui fera augmenter les loyers. Toutes les villes suisses, même celles dominées par la gauche sont contre cette initiative pour cette raison. L’association des locataires, qui est très proche des Verts, n’a pas dit oui à cette initiative.
S : La Confédération demande un minimum de surfaces d’assolement, des surfaces agricoles qui doivent être utilisables en cas de crise ou de conflit : il s’agit de 8400 hectares pour Genève. Genève est déjà à la limite et l’initiative n’y changera pas grand-chose car le canton est déjà obligé de faire des compensations. Zurich a déjà accepté une initiative Kulturland qui fonctionne sur un système de compensation, exactement ce que veut Stop mitage au niveau fédéral. Concernant les loyers, le prix du terrain ne représente que 20% du prix du loyer. Si les loyers augmentent, ce n’est donc pas à cause du terrain. Il faut mettre le viseur là où c’est nécessaire.
T : Cela fait tout de même 20% ! C’est une différence considérable à la fin. Je suis d’accord sur le fait qu’il faut construire des quartiers où il vaut la peine de vivre. C’est un point positif de votre initiative mais construire dans une ville déjà dense coûte plus cher car il est plus simple de construire sur une terre agricole. Selon la nouvelle LAT, toutes les communes sont tenues de soumettre leurs plans sectoriels. Un gel total des zones à bâtir, sur toute la Suisse, sans distinction entre les cantons, ne me semble pas être la meilleure solution. Comment comptez-vous mettre en place le système de compensation ?
S : Ce sera au Parlement de produire les lois d’application et le système de compensation. S’il existe une forte pression contre le mitage, les communes auxquelles il reste de la zone à bâtir pourront l’échanger avec des communes qui en ont plus besoin.
T : Les zones à bâtir sont déjà rares et toute commune souhaite se conserver une perspective de croissance. Le fait de geler les surfaces de zones à bâtir va les rendre plus rares et seules les communes riches auront les moyens de faire des compensations. Ou alors il faudra créer une instance fédérale qui déterminera quelle commune est plus importante à développer. Cela va créer d’immenses problèmes dans notre État fédéral.
S : Alors j’ai une autre question : qu’est-ce que vous prévoyez pour l’étalement urbain qui va continuer tous les 15 ans avec la LAT actuelle ? Nous n’aurons plus de terres agricoles, donc plus de nourriture locale et beaucoup d’importation. Nous n’aurons plus de sols, qui ont pourtant des propriétés écologiques : les sols captent plus de CO2 que les forêts, ils sont une réserve de biodiversité et lorsqu’ils sont détruits, on ne peut pas les réparer car ce sont des processus qui prennent des milliers d’années. On peut développer et vivre bien, sans avoir besoin de suivre une croissance exponentielle !
T : Il faut attendre les résultats de la nouvelle LAT, d’ici environ deux ans. C’est bon signe que la Suisse soit en croissance, que notre population augmente. Les gens veulent habiter en Suisse car il y a des perspectives de bien-être assez élevées. La Suisse ne finira jamais complètement mitée : les Suisses veulent préserver les paysages ! On le voit avec certaines initiatives individuelles, par exemple lorsque la population se mobilise contre des projets d’éoliennes
S : (à TOPO) De toute façon, vous n’allez pas nous mettre d’accord ! Il est dans une perspective de croissance et moi dans une perspective de développement. Effectivement, les conditions de vie en Suisse sont royales, mais gardons cela et faisons mieux. Nous devons montrer que l’on peut vivre bien en ville, dans des éco-quartiers avec des loyers normaux car ils ne sont pas soumis à la spéculation. Montrons le bon exemple !

TOPO : Ces dernières semaines, des jeunes se sont mobilisés pour le climat. Sophie, cet engagement de la jeunesse vous donne-t-il bon espoir pour cette votation ? Thomas, est-ce que vous n’avez pas l’impression d’aller à contre-courant ?

S : Cela me donne de l’espoir de voir que tous ces jeunes se sont mobilisés et prennent les choses en main, parce que c’est notre génération qui devra trouver les solutions pour répondre aux défis climatiques.
T : Vu le dernier sondage, nous allons sans doute gagner cette votation. Je me demande si ces jeunes vont vraiment devenir actifs en politique, s’ils vont être présents, récolter des signatures et s’investir. Si ce mouvement reste seulement des manifestations, cela sert surtout pour les médias.

TOPO : En une phrase : quoi voter et pourquoi ?

T : Je vote non car je souhaite que ma génération ait encore accès à des appartements abordables.
S : Je vote oui parce que cette initiative est tournée vers un avenir meilleur et durable qui répond aux attentes de notre jeunesse.

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