Comme on le dit souvent « Les hommes meurent, les idées restent »… et quel meilleur moyen que de les transmettre et les faire perdurer à long terme par l’art et la chanson ?
Au XIXe siècle déjà, George Sand nous disait: “La chanson est la propagande la plus efficace et la plus rapide.” En effet, la chanson, mélange de paroles transposées sur une musique ou un rythme précis, apparaît dans toutes les sociétés et civilisations du monde entier.
Que ce soit à travers la chanson patriotique et révolutionnaire de La Marseillaise ou une chanson plus pacifiste (Le déserteur de Boris Vian), la chanson est et a toujours été utilisée par l’homme pour s’exprimer et véhiculer des idées car la musique est un langage universel, une manière explicite de faire passer un message et des émotions. Mais la chanson engagée se démarque aussi par le fait qu’elle peut être détournée avec un message caché que seules des personnes avisées comprendraient. Pour illustrer cela nous pouvons prendre l’exemple de la chanson « Le Temps des Cerises » d’Yves Montand (1866), une chanson associée à l’insurrection contre le gouvernement lors de la Commune de Paris et à la Semaine Sanglante (marquant la fin de ces événements). Elle est dédiée à Louise, une infirmière morte pendant la Semaine Sanglante. Sans surprise, la thématique amoureuse se mélange très poétiquement au contexte historique (guerre franco-allemande).
Cette méthode consistant à utiliser un langage à double sens a d’ailleurs été utilisée de tout temps et aux quatre coins du monde.
Nous pouvons donc en toute légitimité nous demander quel est l’impact de la chanson engagée : peut-on vraiment changer les choses en chantant ?
Qu’est-ce qui appartient au registre de la musique engagée et qu’est ce qui ne l’est pas, quelles sont les limites et jusqu’où peut on aller? Peut-on chanter sans être politisé ou faut-il refléter une politique pour aboutir à une chanson engagée ? Sous quels plans se manifeste la contestation dans la chanson ? (On peut être à la fois contestataire dans les termes choisis, la musique ou l’habillement ce qui rend le concept de « chanson engagée » très vaste) Peut-on voir une évolution de ces styles dans le temps? (Par exemple en observant le rap français des années 90 à nos jours)
Petit historique
Tout d’abord, si l’on peut affirmer une chose quant à la chanson engagée c’est bien qu’elle se distingue par sa grande diversité de forme (le style et les différents genres musicaux) mais aussi par le contenu (les thèmes abordés).
Si l’on remonte au temps des mazarinades du XVIIe siècle, qui étaient des chants ou vers satiriques adressés au ministre Mazarin mais qui par la suite regrouperont divers pamphlets pendant la période de la Fronde (1648-1653), on voit le rôle à la fois dénonciateur et moqueur mais aussi divertissant que joue la chanson dans les couches populaires.
Cet art se poursuit en France lors de la Révolution française avec des chants révolutionnaires comme, précédemment cités, La Marseillaise ou Le Temps des Cerises. Au XXème la tendance s’inverse : les peuples protestent contre divers faits sociaux comme la guerre (Le Déserteur), et des chants de résistance nationaux émergent dans toute l’Europe. Plus tard, on aborde des thématiques sociales très diverses, les textes deviennent plus engagés, parfois même provocants, comme chez Brassens (« Le gorille » ou « Les Passantes », pour n’en citer que deux), ou l’Aziza de Balavoine. « Mourir pour des idées, l’idée est excellent, d’accord, mais de mort lente », comme nous le chante Brassens.
Chanson engagée VS Charity Business
De nos jours, nombreux sont les artistes qui profitent de leur notoriété pour véhiculer un message et sensibiliser à une cause, sans pour autant soutenir une politique précise ou marquer leur carrière par un engagement en faveur d’une lutte particulière (il n’y a qu’à voir les nombreuses chansons pour la Palestine dans une multitude de langues différentes mais aussi l’empressement de certains à chanter et se faire entendre lors de chaque catastrophe naturelle, sans oublier les regroupements annuels des Enfoirés ou encore Madonna qui n’oublie jamais de faire passer un message lors de ses concerts, comme ce fût le cas le 15 novembre après les attentats de Paris. Mais peut-on considérer cela comme de la chanson engagée ?
Certes, même si cela part d’une bonne intention et ne remet pas en question la sincérité des artistes, on peut aussi rétorquer que « chanter la paix » et dire « non » à la guerre rehausse la popularité de l’artiste ; l’humanitaire est à la mode et il devient donc difficile de distinguer l’engagement véritable d’une simple volonté de « médiatisation » (une solidarité réelle mais qui reste superficielle et qui ne défend une cause qu’à un moment donné et recherche aussi une part de profit).
D’un autre côté, il existe des artistes qui se démarquent clairement par leur engagement dans leurs chansons à une ou plusieurs causes, qui par la suite deviennent représentatives de leur musique en général. C’est le cas de John Lennon par exemple : qui n’a jamais fredonné un jour Imagine, Let It Be, Here Comes The Sun…
Conclusion
Par le biais de la chanson engagée (révolutionnaire et militante) ou la chanson contestataire (protégée un minimum contre d’éventuelles censures), armés du seul instrument de notre voix, nous pouvons constater, dénoncer, protester, manifester notre colère, notre solidarité ou tout simplement dire “non” sur des thématiques très variées (guerre, situations économiques, politiques ou géopolitiques, institutions internes, corruption, violence…) tout en faisant passer un message fort.
Enfin, la chanson engagée n’est pas le propre d’un genre musical. Le style de la chanson (rap, ska, punk, métal, chanson patriotique/nationaliste, chanson populaire/variété…) est aussi une autre caractéristique majeure (certains plus adaptés que d’autres) et détermine l’époque, le lieu, les revendications et le public visé.
Ce dossier qui sera régulièrement mis a jour tentera d’y répondre et de nous apporter des éclaircissements et des réflexions ouvertes face à cette large thématique à travers plusieurs articles et mélanges de style allant du rap français (Kery James plus précisément à travers les paroles de « Lettre à la République »), en passant par le reggaeton en Amérique latine (l’engagement politique et les revendications sociales du groupe Calle13). Nous nous pencherons donc sur plusieurs genres musicaux, en abordant des thématiques hétéroclites et en proposant des chansons qui sortent du lot (une bonne façon de se constituer une playlist plutôt originale et de faire de belles découvertes).
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