Soutenons la fonction publique!

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Grève du 10 novembre 2015 : soutenons la fonction publique !

Ce mardi 10 novembre l’ensemble de la fonction publique, entre 10’000 et 10’500 personnes, a manifesté dans les rues genevoises. Au lieu de râler contre les profs qui ne pensent qu’à leurs vacances – c’est bien connu – et contre les policiers qui auraient pour seul but de mettre des amendes, essayons de comprendre quel est le fond du problème.

C’est suite à la présentation du budget 2016 par le Conseil d’Etat que réagissent début septembre les syndicats de la fonction publique. Les mesures proposées par le Conseil d’Etat mettraient en danger d’importants acquis sociaux et sont qualifiées de « véritable programme d’austérité »[1] par l’association des syndicats de la fonction publique. Après trois rencontres et tentatives de négociations infructueuses, les syndicats appellent à la grève et c’est l’ensemble de la fonction publique qui se mobilise. Alors, quel est donc le programme proposé par le Conseil d’Etat et pourquoi fâche-t-il ?

Le Conseil d’Etat prévoit de diminuer les charges de personnel de 5 % d’ici trois ans. Quatre moyens sont évoqués: Le non-remplacement des départs naturels, une procédure de licenciement facilitée, le passage d’une semaine de 40h à 42h (sans augmentation de salaire) et l’encouragement de l’utilisation des temps partiels. Ces mesures irritent les fonctionnaires car elles annoncent une dégradation de leurs conditions de travail. Cependant, il est erroné de croire qu’il ne s’agit que d’une querelle entre les fonctionnaires et l’Etat. C’est l’ensemble de la population genevoise qui doit se sentir concernée, puisque nous profitons tous des prestations offertes par la fonction publique. Si les conditions de travail dans le domaine public se détériorent, c’est également le service offert qui en pâtira et donc le quotidien de tous les citoyens genevois.

Prenons, par exemple, le Département de l’instruction publique. Il est fondamental de pouvoir bénéficier d’une éducation de qualité : les enfants ou adolescents d’aujourd’hui sont les citoyens de demain, il me semble donc judicieux de les instruire correctement. Or, les mesures évoquées par le Conseil d’Etat ne présagent rien de bon. Réduire le nombre d’enseignants engendrera, entre autres, une augmentation du nombre d’élèves par classe. L’enseignant aura donc moins de temps à consacrer aux élèves. C’est donc la qualité de l’instruction qui risque de se dégrader et les premiers à en subir les conséquences seront les élèves en difficulté ou souffrant d’un handicap particulier.

Plusieurs arguments sont soulevés à l’encontre du mouvement de grève, la plupart malheureusement ne me semblent pas réellement soutenables. Pour commencer, il est possible de se demander pourquoi tant d’indignation pour deux malheureuses heures de plus par semaine. La semaine de 42h n’est-elle pas déjà courante dans le secteur privé ? L’argument consiste donc à affirmer que, parce qu’il y a pire ailleurs, les fonctionnaires n’auraient pas la légitimité de défendre leurs acquis sociaux. Cet argument n’est absolument pas valable. Pourquoi faire un nivellement par le bas et non par le haut ? À ce propos, il peut encore être soulevé, que le domaine privé a souvent tendance à s’aligner sur le domaine public. Pour quelles raisons alors ne pas soutenir les acquis sociaux de nos concitoyens du domaine public ? Il est également possible d’entendre ça et là qu’il n’est pas correct de faire subir à la population les conséquences d’une grève. Cela est peut-être vrai. Cependant, sans aucune réaction des fonctionnaires, la population ne subira-t-elle pas pendant plusieurs années les conséquences d’une détérioration des services publics ? Pour finir, le Conseil d’Etat semble dans un premier temps affirmer qu’il n’y aura pas de licenciements. Les effectifs seront réduits par le non-remplacement des départs à la retraite. Mais pourquoi alors faciliter les conditions de licenciement ?

Les mesures évoquées par le Conseil d’Etat sont inquiétantes et peuvent être critiquées sous bien des aspects. D’ailleurs, si l’ensemble de la fonction publique réagit à l’unisson, c’est bien parce que le projet présenté par le Conseil d’Etat n’est pas bon. Cependant, ce n’est pas tout d’exprimer son mécontentement, encore faut-il proposer des alternatives possibles. On se trouve ici face à une difficulté supplémentaire. Les syndicats rejettent les mesures prises par le Conseil d’Etat, mais surtout la volonté de diminuer les effectifs au sein du domaine public. Le Conseil d’Etat, pour sa part, est disposé à négocier sur les mesures à adopter mais ne semble pas remettre en question la nécessité de diminuer la charge salariale. Sans grande surprise, le dialogue apparaît donc difficile entre les deux parties. Il est compréhensible que le Conseil d’Etat doive établir un budget tout en maîtrisant la dette et les dépenses à venir. Limiter les frais au sein de la fonction publique, par une diminution des charges du personnel est sûrement le moyen le plus facile ou rapide sur le court terme. Mais est-ce vraiment le plus judicieux? Il me semble que la bonne qualité de l’enseignement, des services de santé ou de la sécurité est fondamentale et essentielle dans une société qui désire offrir une structure correcte à ses citoyens. Si les mesures dégagées par le Conseil d’Etat ne sont pas les bonnes, quels sont les autres moyens à envisager ? Est-il complètement naïf de penser que ceux qui travaillent dans les différents secteurs concernés sont les plus qualifiés pour trouver une solution acceptable ? Est-il utopique d’imaginer un système dans lequel les principaux concernés puissent donner leur avis quant à la gestion de l’argent ? N’est-il pas une évidence qu’un salarié motivé sera plus efficace qu’un salarié mécontent ? En bon manager l’Etat ne devrait-il donc pas être à l’écoute de ses employés ? La grande majorité des gens, y compris les fonctionnaires, souhaitent simplement pouvoir exercer leur métier correctement. Cette grève n’est pas le caprice d’une fonction publique privilégiée, mais une sonnette d’alarme pour tous les citoyens genevois.

 

 

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