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La crise de l’euro

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Depuis quelques années, l’Union européenne occupe une place importante dans l’actualité politique internationale. Afin de mieux comprendre sa situation actuelle ainsi que certains scénarios à venir, l’équipe de Topo a rencontré René Schwok, professeur associé à la Faculté des sciences sociales et économiques et de l’Institut européen de  l’Université de Genève.  Une entrevue en trois parties sur trois grands thèmes. Cette semaine,le sujet est    la crise de la zone euro.

Topo : En 2008 et encore aujourd’hui, la crise économique mondiale et ses répercussions ont frappé durement l’Europe. Quels sont les  impacts de cette crise sur l’Union européenne (UE)?

R. Schwok : Pour l’instant, la crise a surtout ébranlé les sociétés européennes, beaucoup plus que les institutions elles-mêmes. Pourquoi ? Parce que ce sont les sociétés qui traversent ces crises économiques et leurs graves répercussions socio-politiques. Des répercussions dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences et qui pourraient aboutir à des révoltes populaires, voir à la venue au pouvoir de certains mouvements radicaux. Bizarrement, c’est presque étonnant qu’on n’ait pas vu plus d’extrémistes arriver au pouvoir vu l’intensité de la crise et la douleur de certaines catégories sociales.

Topo : Mais il y en a quelques-uns, non? On pourrait citer par exemple l’Aube dorée en Grèce ou bien encore du parti Fides en Hongrie.

R. Schwok : Pour l’Aube dorée, ils ne sont pas encore au pouvoir. Dans le cas de la  Hongrie, le mouvement de Victor Orban n’était pas au départ extrémiste, mais il a fini par se radicaliser.  Mais, en effet, on commence à voir apparaître des mouvements plus radicaux. Par exemple, en Italie, ils ne sont pas loin du pouvoir. Même si un ou deux ont réussi à rentrer dans un gouvernement européen, pour l’instant, la situation n’est pas encore dramatique. Le jour où Marine le Pen arrive au pouvoir en France  ou l’Aube dorée en Grèce, ce  ne sera pas la même chose. C’est toujours angoissant pour les sociétés de  vivre au sein d’une crise dont on ne voit toujours pas la fin. Bref, ce sont vraiment plus les sociétés que les institutions européennes qui sont touchées par la crise.

D’un autre côté, une société ou un État, ce  sont des entités qui disparaissent difficilement.  L’Union européenne, en tant que telle n’est pas vraiment touchée, mais il s’agit d’un édifice fragile. Autant on peut affirmer que la France ne va disparaître dans un horizon proche, autant poser l’hypothèse que l’UE pourrait disparaître n’est pas une idée idiote. Cependant, je ne pense pas que cela va se passer malgré les doutes émis par de brillants chercheurs.  Elle a été très fragilisée au début de la crise et on a fortement cru que l’euro pourrait tomber l’été passé.

Aujourd’hui, cependant, on dirait que l’Union européenne sort renforcée de cette crise.  Suite à la crise de la zone Euro, on a pris des mesures institutionnelles pour se ressaisir. Ces mesures ont permis un renforcement de l’Union européenne, notamment avec le Traité sur la gouvernance qui renfonce les pouvoirs de la Commission européenne.

Topo : Est-ce la crise et des répercussions a eu un impact sur l’identité européenne ?

R. Schwok : Pour ma part, je ne parle pas d’identité européenne, mais d’identification à l’Union européenne pour deux raisons. Premièrement, l’identité est un concept très difficile à définir et par nature  très mouvant. Deuxièmement, l’Europe c’est une chose, tandis que l’Union européenne c’en est une autre. Quand on parle de l’identité européenne, on pense beaucoup plus  à la question  »europunienne ». Européens, on le sera toujours d’une certaine manière malgré tout ce qui peut arriver.  On ne sera jamais des Africains, des Asiatiques ou des Américains.  Et les Suisses sont européens  même s’ils ne sont pas dans l’Union européenne et le seront peut-être jamais. C’est clair qu’on est des Européens. Whatever it means. C’est plutôt le projet de créer une identification à une institution qui pourrait supplanter l’identité nationale  qui a  pris un sacré choc.

Topo : Avez-vous des explications sur ce phénomène?

R. Schwok : Je pense que c’est dû d’abord au fait que les gouvernements ont fait du EU bashing ces dernières années. Ils ont rendu l’UE responsable de problèmes qui sont à nonante pour-cent principalement extérieurs à la responsabilité de l’Union européenne. Si la Grèce est mal gérée, a un problème de dette, si les banques et les multinationales se comportent mal, s’il y a de la fraude fiscale, ce n’est pas la faute de l’UE. C’est très pratique pour les hommes politiques d’accuser l »UE.  Malheureusement, ils utilisent cette stratégie et  les populations se mettent à les croire. Pour ma part, je ne crois pas que l’UE ait joué un rôle dans la crise, mais être membre de la zone euro, oui.

Si certaines pays se sont endettés, c’est parce qu’ils avaient accès à de l’argent trop facilement.  Lorsque des pays comme la Grèce et Chypre ont adopté l’euro, le taux d’intérêt pour leurs prêts  était trop faible par rapport à leur productivité. Cela leur a permis de s’endetter durant quelques années, ce qui aurait pu être une bonne chose s’ils avaient développé des infrastructures et investi. Ils l’ont cependant aussi gaspillé à cause d’une mauvaise gestion. Ça serait la responsabilité europunienne dans la crise, du moins celle de la zone euro. Maintenant, pour sauver ces pays, la zone euro doit leur prêter de l’argent et, comme le FMI, elle pose ses conditions de solidarité qui sont dures puisqu’elles imposent l’austérité.C’est pourquoi les gens en veulent à l’Union européenne et la zone euro actuellement.

C’est un cercle vicieux où les pays endettés accusent l’Union européenne d’imposer des conditions trop dures et une austérité difficile en oubliant toute la solidarité des autres pays de cette zone. En effet, il s’agit de sommes énormes qui sont mise à disposition des pays avec des difficultés financières.  Cependant, les gens dans les pays en crise ne voient l’aspect que  » si on vous donne de l’argent, vous devez prendre des mesures d’austérité ‘‘. Alors on critique en Grèce en disant : c’est injuste, vous n’êtes pas solidaire De l’autre côté, dans les pays riches comme l’Allemagne, certains affirment qu’on débourse des milliards pour ces pays alors qu’ils ne reçoivent en échange que des reproches. On accuse l’Union européenne dans les deux camps et le projet d’identification européenne diminue avec le temps qui passe.

De plus, une nouveauté va probablement accentuer le phénomène. L’année passée, les États membres de l’Union européenne ont mis en place la Règle d’or budgétaire. Cette règle a pour objectif de limiter les déficits budgétaires des pays membres de cette organisation. Dès qu’il y aura des déficits trop importants dans le budget de certains pays, la France par exemple, le gouvernement va affirmer qu’il faut couper dans les mesures sociales afin de suivre ses engagements européens. Que Bruxelles le veut. Une véritable hypocrisie puisque se seront les mêmes gouvernements qui auront adopté cette mesure et l’auront fait ratifier par leur(s) chambre(s) législative(s). Les gens qui vont perdre leurs subventions et leur emploi vont alors accuser l’Union européenne. Avec l’absence du lien entre Europe et paix pour la nouvelle génération, tout ce qui pourrait contrebalancer avec cette situation a disparu. C’est pourquoi je suis un peu pessimiste sur le projet d’identification à l’Union européenne.

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