Brexit, quelles opportunités pour la Suisse?

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Le jeudi 23 juin 2016, le Royaume-Uni choisit, à la grande stupeur des marchés financiers, de quitter l’Union européenne. Le référendum avait été promis en 2015 par le premier ministre David Cameron en cas de réélection. Après plusieurs mois de campagne mouvementée, le peuple finit donc par trancher et les « brexiters » l’emportent avec 52% des voix. Au lendemain de cette décision historique et sans précédent,  le Global Studies Institute, le Club suisse de la presse et le think-tank Foraus ont organisé une table ronde avec trois experts qui nous ont fait part de leur analyse.

 

Un comportement pragmatique venant de l’Union européenne ?

Concernant les conséquences sur la relation entre l’Union européenne et la Grande-Bretagne,  Micheline Calmy-Rey reste optimiste. Premièrement, l’état actuel des choses ne va pas changer drastiquement du jour au lendemain. Le Royaume-Uni et l’Union européenne auront deux ans de délai avant de pouvoir consommer leur divorce. Pendant ces deux années, la Grande-Bretagne restera donc un membre à part entière de l’Union européenne. Deuxièmement, l’ancienne présidente de la Confédération penche pour un comportement pragmatique venant des deux parties.

 

« Je ne crois pas que l’Union européenne ait intérêt à traiter la Grande-Bretagne durement. »

 

La Grande-Bretagne et l’Europe ont beaucoup d’intérêts économiques communs, et tous deux profiteraient d’une solution rapide. Mme Calmy-Rey ne partage pas l’hypothèse selon laquelle l’Union européenne abordera les négociations avec la Grande-Bretagne durement pour éviter un « effet domino ».

Deux modèles semblent s’offrir aux Britanniques : suivre l’exemple de la Norvège et rejoindre l’AELE (Association européenne de libre-échange) ou s’inspirer de la Suisse et négocier des accords bilatéraux. La première solution reste cependant peu probable, puisque en adhérant à l’AELE, la Grande-Bretagne serait alors contrainte d’accepter les accords de libre-circulation des personnes. L’ex-présidente de la Confédération estime donc qu’une solution faite « sur-mesure » pour la Grande-Bretagne est l’issue la plus probable. À l’instar de la Suisse, le Royaume-Uni pourrait tenter de négocier des accords bilatéraux avec l’Union européenne.

Toutefois, la voie bilatérale « à la Suisse » est également parsemée d’embûches, comme le souligne Jacqueline Breidlid et Cenni Najy dans une publication du Foraus. Le contexte est évidement très différent entre une Suisse ayant négocié une bonne partie de ses accords dans l’optique d’intégrer, à terme, l’Union européenne et un Royaume-Uni négociant des bilatérales précisément pour quitter l’Union. Ceci, sans oublier que le processus de négociation entre la Suisse et l’Union européenne a duré bien plus longtemps que les deux ans à disposition des Britanniques.

Nicolas Levrat, professeur de droit à l’Unige et au GSI, souligne pour sa part que toute négociation entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne sera difficile.

 

« Non, ça ne va pas être si simple que cela, ça va être sanglant. »

 

Le fait même que la Grande-Bretagne reste un membre de l’Union européenne à part entière pendant deux ans pose certaines difficultés. En 2017, par exemple, c’est au tour du Royaume-Uni de présider le conseil de l’Union européenne. D’autre part, en étant membre de l’Union, la Grande-Bretagne n’est, normalement, pas autorisée à négocier des accords avec d’autres pays non-membres.

 

Quelles conséquences pour la Suisse ?

Les conséquences auprès de l’agenda politique suisse, notamment les questions portant sur la mise en œuvre de l’initiative sur l’immigration de masse, sont difficiles à prévoir. Certains considèrent le Brexit comme une catastrophe, d’autres comme une chance. Et encore une fois, Micheline Calmy-Rey se montre plutôt optimiste. Elle explique qu’il ne servirait à rien pour les diplomates suisses de se précipiter à Bruxelles pour signer un accord, qui par ailleurs ne correspond pas aux attentes des citoyens suisses.

 

« Ces nouvelles opportunités pour la Suisse, peut-être qu’il faut les regarder avec un œil plus positif que ce qu’on a pu faire jusqu’à maintenant. »

 

L’ancienne conseillère fédérale préconise d’observer le débat européen avant de négocier avec l’Union européenne. Les conditions pourraient en effet rapidement évoluer au sein même de l’Europe, peut-être au bénéfice de la Suisse. Le vote de la Grande-Bretagne pourrait permettre à l’Union européenne de modifier son système binaire, membre ou non-membre, et ouvrir une troisième voie. Cette troisième voie pourrait, dans ce cas, profiter à la Suisse.

 

Un malaise profond

De manière plus générale, Le Brexit est une nouvelle crise qui vient s’ajouter aux nombreuses difficultés auxquelles l’Union européenne doit faire face.

 

« l’Europe est mauvaise dans la gestion de ses crises, elle n’a pas été faite pour ça et se révèle très incompétente. »

 

Nicolas Levrat souligne l’incompétence de l’Europe dans la gestion de ses crises. Parmi les différentes crises auxquelles l’Europe n’est toujours pas capable de répondre, les tensions entre l’Ukraine et la Russie sont à mentionner.  L’Union européenne a  également beaucoup de mal à faire face à la crise migratoire actuelle ou encore à la crise sécuritaire, suite aux attentats.

 

« La logique du primat économique sur le politique est, aujourd’hui, remise en cause. Elle n’est plus acceptée par une majorité des citoyens.»

 

Le professeur Levrat remarque également l’absence de tout  projet européen. L’Union européenne semble essuyer crise après crise, sans être capable de les gérer.  « Il faut un nouveau projet européen », soulève donc M. Levrat. Ce projet doit être politique et non plus économique car les arguments économiques ne convainquent plus le peuple. Cela fut le cas en Suisse avec la votation du 9 février, et c’est actuellement le cas avec le référendum de la Grande-Bretagne. Finalement, en Grande-Bretagne comme dans le reste de l’Europe, il s’agit d’une votation sur la globalisation, affirme Micheline Calmy-Rey. Il s’agit de se prononcer sur la libre circulation des personnes et sur la libre circulation des capitaux. Cette globalisation, qui a des effets très positifs pour certains, est néanmoins une source d’inquiétude sérieuse pour d’autres. Beaucoup de citoyens craignent de perdre leur travail, d’avoir des difficultés à se loger ou encore appréhendent la perte de leur identité et culture nationale. Ces craintes vont plus loin que simplement des considérations « euro-sceptiques ».

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