Harcèlement sexiste et sexuel à l’Université de Genève

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Alors que les associations estudiantines se multiplient pour combler la vie intellectuelle et festive des membres de l’Université, un groupe d’étudiant-e-s s’est formé pour s’attaquer à un sujet trop peu évoqué. Sous l’acronyme de CELVS, pour Collectif d’étudiant-e-s en lutte contre les violences sexistes et le harcèlement sexuel, le groupe désire mettre à l’agenda institutionnel la problématique du harcèlement sexiste et sexuel en passant par diverses actions de sensibilisation. Rencontre avec trois membres du Collectif et petite histoire de ce mouvement.

Colloque_Programme

Le CELVS part d’un constat simple : l’Université de Genève n’offre pas de réponse convaincante aux personnes victimes de harcèlement sexuel dans son enceinte. Bien que le Collectif inclue les Hautes écoles dans sa réflexion, c’est sur le campus de l’université que se déroulent leurs actions. C’est il y a un peu plus d’un an que des étudiant-e-s se heurtent au silence institutionnel à ce sujet. Illes décident donc de former un collectif estudiantin et indépendant afin de sensibiliser à la problématique. L’idée nait d’un besoin spécifique à l’Université car le harcèlement sexuel n’est ni traité, ni discuté : le CELVS s’attaque ainsi à un sujet tabou.

Comment définir le harcèlement sexuel? C’est l’épineuse question qui anime les rencontres du Collectif, qui cherche à donner une version moins floue et plus extensive que la définition légale. En effet, le harcèlement sexuel est légalement défini par la Loi sur l’égalité comme un « comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l’appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail ».

Au-delà des critiques sur cette définition restrictive, le CELVS relève le manque de portée pratique de cette loi. Étant donné qu’il s’agit de relations sur le lieu de travail, cela ne permet d’inclure que les professeurs et assistant-e-s. Les élèves et doctorant-e-s sans contrat, ainsi exclu-e-s de la protection légale, deviennent alors une « population vulnérable », signale Léa. De plus, bien que les (doctorant-e-s)-assistant-e-s soient protégé-e-s par cette loi, illes se trouvent souvent en position de dépendance par rapport aux professeur-e-s qui leur permettent d’obtenir leur titre, ce qui leur laisse peu de marge de manœuvre en cas de harcèlement. « C’est déjà difficile au niveau d’une relation de travail, mais cela peut être encore plus compliqué et spécifique dans la relation entre doctorant-e – assistant-e et professeur-e car s’ajoute le besoin d’obtenir sa thèse comme finalité », relève le groupe. Le Collectif évoque cependant un certain optimisme face à ce vide juridique en espérant lancer un débat.

Bien que le harcèlement sexuel soit difficile à définir, la précision des concepts reste primordiale, c’est pour cela que le CELVS lie à la fois les comportements sexistes et le harcèlement sexuel, celui-ci « étant enchevêtré dans un contexte global de sexisme », comme le souligne Marine. Plus précisément, illes s’inspirent de la démarche du CLASCHES, un collectif français qui lutte, lui aussi, contre le harcèlement sexuel dans l’enseignement supérieur. A l’instar du groupe français, le CELVS préfère expliquer ce qu’est le harcèlement sexiste et sexuel par le biais d’exemples concrets. Le Collectif pose une situation : « Mon assistant m’appelle par des petits noms comme : mon chou, ma chérie, ma biche » et donne son analyse de cet échange : « En principe, à l’Université, on appelle les gens par leur nom ou leur prénom. Si vous n’appréciez pas ces petits noms, il s’agit de harcèlement sexuel. » De plus, le groupe condamne les « blagues grossières sur les femmes en général » ou les attouchements lorsque ces pratiques « constituent un climat hostile dans lequel la personne concernée se sent importunée ».

Comme le montrent ces exemples, Le CELVS se focalise principalement sur la notion de consentement de la personne visée par des remarques pouvant être la source d’un malaise.

« Par exemple, il est tout à fait respectable qu’un individu fasse le premier pas vers son-sa collègue, la drague n’est pas du tout répréhensible, ni sur le plan juridique ni sur le plan moral.  Mais dès le moment où l’on se heurte à un refus et que l’on insiste, au sens où l’on cherche à forcer le consentement de la personne, on tombe dans le harcèlement sexuel », explique Diane.

Dans de nombreux cas, l’auteur-e de remarques sexistes ou de harcèlement sexuel n’est pas forcément conscient-e de l’embarras dans lequel ille met son interlocuteur-trice. Comment placer la limite entre ce qui est tolérable et ce qui ne l’est pas? Selon Marine, « c’est la responsabilité de la personne qui a un certain comportement de s’assurer que l’autre personne se sente à l’aise : le centre du problème est qu’il n’y a pas cette réflexion sur le ressenti de l’autre ». Le CELVS met en avant la relation entre deux individus et le manque de communication pouvant mener à une mésinterprétation des échanges. Le fait de « pouvoir garantir que l’autre soit consentent-e lors d’un comportement intrusif relève simplement de l’empathie », continue Marine. Le harcèlement sexuel ou les commentaires sexistes sont parfois totalement intégrés par les personnes. Diane illustre cela en précisant que « des jeunes femmes et des jeunes hommes prennent pour habitude d’ignorer certaines remarques qu’ils jugent comme étant importunes, ce pourquoi nous désirons pousser au dialogue ».

La problématique posée, comment agit concrètement le CELVS? Il s’agit d’abord de faire connaitre et reconnaitre le harcèlement sexiste et sexuel dans l’enseignement supérieur. Léa met en avant les motivations et actions du collectif: « Notre but principal est la prévention et la sensibilisation auprès du public estudiantin. Nous avons proposé un workshop en novembre, fait une présentation durant le cours ‘inégalités en tous genres’ et nous sommes actuellement dans les derniers préparatifs de notre colloque[1]. »

Le workshop a permis d’aborder des problématiques précises autour du harcèlement sexuel ou encore de pointer du doigt la page Spotted Unige (la mise en cause de cette page a d’ailleurs donné lieu à un article dans Le Matin grâce au CELVS). A ce propos, Marine soulève que « cette page Facebook est un cas concret de harcèlement sexuel qui a été dénoncé mais l’Université n’a rien entrepris, ce qui suggère qu’elle n’est pas du tout prête à intervenir ». Le Collectif est conscient qu’il faudra un certain temps avant de voir une réaction institutionnelle; ce qui l’intéresse est de faire un travail de fond pour sortir du silence le harcèlement sexuel à l’Université. C’est dans cette ligne que se place leur colloque, organisé le vendredi 15 avril. Le CELVS a ainsi invité des professeur-e-s ainsi que les comités CLASCHES et Slutwalk et propose de nombreux temps d’échange entre intervenant-e-s et public. C’est avec espoir que Diane conclut : « Avec ce colloque, on veut rendre visible le phénomène global du harcèlement sexuel. Tout le monde est le bienvenu. Notre but est de faire avancer les choses. »

 

Merci aux membres du CELVS pour leurs explications et relecture

 

 

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