Mondialement, le constat en matière de capitalisation boursière est simple : l’économie numérique se répartit inéquitablement entre les quatre coins du globe. Tandis que le continent américain en possède la large majorité avec 83%, suivi par l’Asie qui en détient le 15%, l’Europe se fait toute petite avec les 2% restant.[1]
Ça n’a pourtant pas été toujours le cas. La Suisse, à elle seule, a autrefois vu grandir de grandes entreprises, telles que Nestlé et Roche. Elle est aujourd’hui loin de son apogée et est invisible actuellement sur le plan des nouvelles technologies. Rien ne laisse présager une amélioration ; ni le franc fort, ni les relations difficiles avec l’Union européenne ne jouent en sa faveur. Son unique voie de secours serait sa transformation en technopole.
Comment la Suisse a-t-elle pu prendre autant de retard, elle qui était, à son époque, en avance sur son temps ?
Tout d’abord à cause du manque de capital risque, c’est-à-dire aux investissements de départ à disposition, alors que celui-ci est nécessaire au développement des start-up. La Suisse n’a investi, dans le cadre de levées de fonds des venture-capitalistes, que 70 millions de francs en 2014, soit six fois moins que les États-Unis et neuf fois moins que l’Israël. La Suisse ne permet donc pas à la majorité des start-up de s’épanouir, ce qui les pousse à partir à la quête d’investissements à l’étranger.
C’est également le système actuel suisse déficient, ou plutôt dépassé, qui pénalise les start-up. En effet, selon le Global Innovation Index, la Suisse ne serait qu’en 67ème position en termes de facilité pour créer une entreprise. Effectivement, créer une start-up en Suisse est synonyme de bureaucratie qui n’en finit plus, d’aucun avantage fiscal et de l’absence de loi promouvant l’innovation. En conclusion, le système économique suisse n’est pas un écosystème de start-up et les statistiques le font ressentir.
Dans son livre Le prochain Google sera suisse, à 10 conditions, M. Fathi Derder résume les problèmes de la Suisse en trois « C » : le Capital, les Cerveaux et une Culture du risque.
Pour les reprendre chronologiquement, la Suisse doit créer des conditions-cadre qui attirent les meilleurs cerveaux de la planète, les inciter à étudier dans nos écoles polytechniques et surtout, ne pas durcir les frontières, comme l’UDC et environ 25% du peuple tentent de le faire ces dernières années.
Vient ensuite le capital, dont nous avons déjà parlé auparavant, pour lequel il n’y a que très peu de fonds investis dans les start-up. Dès que l’on passe le stade du premier round de financement, il n’y a plus grand monde au portillon
Pour finir, il reste la culture du risque, liée au capital : la Suisse n’a pas encore pris le tournant de l’économie mondiale, c’est-à-dire une économie basée sur l’innovation et donc sur le risque.
Tout n’est pas perdu pour notre petit pays : au-delà des statistiques, il porte la médaille d’or de l’innovation, du fait du classement biaisé par la définition d’innovation, selon l’OMPI. Elle possède des Hautes écoles parmi les meilleures d’Europe, des structures se mettent en place, comme l’Innovation Park de l’EPFL ou encore Venture Kick, un nouveau fonds permettant aux start-up naissantes d’obtenir un premier investissement.
Il faudrait que le Parlement et le Conseil fédéral créent des conditions-cadre attrayantes pour les start-up, que la Confédération prenne en compte les changements radicaux de l’économie et qu’elle ne laisse pas la Suisse s’endormir sur son confort. Le réveil n’en serait que plus douloureux.
Espérons qu’elle ne se réveillera pas trop tard, l’avenir de notre économie est dans les mains de nos start-up.
Dans cette optique, j’ai interrogé Valentin Gönczy un des fondateurs d’infinight, la nouvelle application made in Geneva qui veut révolutionner le monde de la nuit en rassemblant les événements, les bars, etc… afin de trouver facilement où sortir en fonction de son envie du moment, de son âge et de son budget:
1) Quelles difficultés avez-vous rencontré dans le lancement de votre start-up?
Il est vrai que le parcours jusqu’au lancement de l’application n’a pas été facile, surtout en termes de financement. Nous avons cherché pendant longtemps les fonds permettant de réaliser ce projet, et bien que le montant nécessaire soit modeste, nos recherches ont été vaines. Il est très dur pour les start-up suisses de trouver du financement, alors qu’à l’étranger on entend parler tous les jours d’applications levant plusieurs millions de francs… Nous avons donc dû avoir recours à ce qu’on appelle dans le milieu la « Love money », c’est à dire notre argent et celui de nos proches, sans intervention externe.
2) Percevez-vous les efforts qui sont entrepris pour aider les start-ups ?
Bien sûr. Nous avons par exemple pu solliciter l’aide de Venture Kick, une structure qui permet à tous les universitaires suisses de proposer un projet, dont les meilleurs sont sélectionnés pour des investissements conséquents. Dans un autre registre, la semaine de l’entreprenariat à Genève est d’après nous une formidable aide pour les entrepreneurs en herbe. Une panoplie d’experts est mise à la disposition des jeunes – et moins jeunes – entrepreneurs afin qu’ils puissent poser des questions sur le marketing, la propriété intellectuelle ou encore le droit du travail. Je sais aussi que de nombreuses structures d’aides sont d’ores et déjà fonctionnelles à l’EPFL, mais nous n’avons pas encore eu la chance d’en bénéficier.
3) Pensez vous que la Suisse peut devenir une start-up nation, à l’image d’Israël ou des USA ?
Oui, bien sûr ! La Suisse est un pays dynamique et rempli d’innovation, le succès international de nos start-up ne saurait tarder ! Nous avons par exemple développé ces dernières années deux secteurs dans lesquels nous sommes en passe de devenir les meilleurs du marché : les drones et les technologies de la santé. Je pense donc que l’on peut devenir un pays compétitif sur les nouveaux marchés, mais à condition qu’un réel effort soit fait pour améliorer les conditions-cadre des start-up suisses.
4) Si vous pouviez changer quelque chose pour faciliter la création de start-up, que feriez-vous ?
Pour moi, c’est avant tout la collaboration entre les Hautes écoles et les start-up qui doit être améliorée dans toutes les universités, polytechniques ou pas. En effet, il y a un trop grand fossé entre les innovations des Hautes écoles et les investisseurs qui, rappelons-le, sont indispensables à la commercialisation.
5) Et l’avenir de votre application ?
Nous souhaitons pour le moment bien nous implanter en Suisse romande et tout particulièrement à Genève, où la population s’indigne de la diversité de la vie nocturne. Ensuite, nous tâcherons de lever des fonds courant 2016, afin de s’attaquer aux grandes villes d’Europe.
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