Présidentielle française : il n’en restera qu’un… ou une ?

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Nous sommes le 7 mai 2017, il est 19 heures et 59 minutes. Les Français sont devant leur télévision et retiennent leur souffle. Depuis quelques minutes, les grandes chaînes télévisées sont en édition spéciale, les chaînes d’info en continu depuis plusieurs heures. Les visages sont graves, le décompte commence. Cinq, quatre, trois, deux, un… « Madame, Monsieur, nous sommes en mesure de vous révéler l’identité de celui ou celle qui aura la charge de diriger la France pour les cinq prochaines années, il s’agit de… » Tiens ç’en est une bonne question. Quel visage apparaîtra le soir du 7 mai 2017 ? Une femme ? Un homme ? Un retour de la droite ? Une réélection de la gauche ? Une première victoire pour l’extrême droite ? Une percée de l’extrême gauche ? Jeune ? Vieux ? Progressiste ? Conservateur ? Bien des questions que les français se posent aujourd’hui et auxquelles ils devront apporter une réponse ce dimanche de mai 2017. Après la trêve estivale, la campagne a véritablement pu commencer. Le soleil et le repos de l’été ont, semble-t-il, donné des idées à plus d’une personnalité politique. Les déclarations de candidature se sont succédées. Et les premières polémiques ont commencé à fleurir. Pourtant, cette campagne est tout sauf ordinaire. Elle est même historique, dans le sens où elle relève du « jamais-vu ». Jamais en France, la droite ne s’est prêtée au jeu des primaires. Jamais dans l’histoire politique française, un ancien président ne s’est présenté à l’investiture suprême après avoir échoué à sa réélection. Jamais l’extrême droite française n’a été si proche d’accéder au second tour d’une élection présidentielle. Jamais un président français n’a été aussi impopulaire que François Hollande[1], et jamais la candidature d’un président à sa succession n’a été aussi contestée.

 

La droite à l’épreuve des primaires

Apparu en 2011, le système des primaires ouvertes organisé par les socialistes avait permis l’élection de François Hollande l’année suivante. Pour la première fois, ce n’était pas les militants encartés au PS qui allaient choisir leur candidat, mais le « peuple de gauche », comme certains se plaisent à l’appeler. Ainsi, près de 3 millions de sympathisants socialistes se déplacèrent pour choisir le candidat qui leur permettrait de battre Nicolas Sarkozy, et d’acter un retour de la gauche à l’Élysée, chose qui n’était pas arrivée depuis 1995.

La droite, l’UMP à l’époque, se plaisait à critiquer ce mode de sélection assez révolutionnaire dans le paysage politique français. Ainsi, Nicolas Sarkozy disait en 2011 que « La Ve République ne peut être l’otage des partis politiques et le candidat pris en otage par son parti. » Il rappelait le désir du Général de Gaulle d’avoir une élection à deux tours et non à quatre[2]. Pour le secrétaire général de l’UMP, Jean-François Copé à l’époque, « la question des primaires [à droite] ne se pose pas pour l’instant car, contrairement à la gauche, nous n’avons pas de problème de leadership »[3]. Force est de constater que cinq ans plus tard, la droite manque cruellement de leadership car ils sont sept candidats à s’élancer dans la course à la primaire. Sept candidats et parmi eux : un ancien président de la République, deux anciens Premiers ministres et deux anciens ministres. Sacré renouvellement ! Si les primaires socialistes de 2011 s’étaient relativement bien déroulées avec un candidat vainqueur sorti renforcé, les futures primaires à droite s’annoncent violentes et sans merci. Le vainqueur devra rassembler un parti qui est, semble-t-il, en train de se déchirer. D’un côté, les partisans de la droite forte, avec à leur tête Nicolas Sarkozy, qui ont acquis la conviction que l’élection se gagnerait « à droite toute » sur les terres du Front national de la famille Le Pen. Et de l’autre, les chantres d’une droite modérée et apaisée à l’image d’Alain Juppé qui caracole en tête des sondages d’opinion depuis plusieurs mois.

 

Le retour du président déchu

Au soir du 6 mai 2012, Nicolas Sarkozy prononce un discours pour reconnaitre sa défaite. Il reste vague sur son avenir politique « Une autre époque s’ouvre. Vous pourrez compter sur moi pour défendre ces convictions, mais ma place ne pourra plus être la même »[4], dira-t-il a ses militants. S’il reste volontairement flou ce soir-là sur son avenir, c’est que quelques heures plus tôt, son ministre des Affaires étrangères et beaucoup de ses conseillers le lui ont soufflé[5]. Ironie du destin, ce fameux ministre des Affaires étrangères n’est autre qu’Alain Juppé, l’actuel favori de la primaire de droite et rival de Nicolas Sarkozy. C’est lui qui lui dira : « Tu es trop jeune, Nicolas. Tu ne dois pas dire cela »[6], quand Nicolas Sarkozy disait vouloir tout arrêter.

Nicolas Sarkozy quitte donc la politique, ou du moins s’en éloigne quelque peu. Car pendant deux ans l’ex-chef d’État ne va cesser d’envoyer ce que les médias ont appelés des « cartes postales ». Assez régulièrement, fuitaient des photos de lui en vacances, aux concerts de son épouse Carla Bruni ou encore se fendait-il d’un post sur Facebook pour dénoncer la politique étrangère de François Hollande. Essayant de se faire remarquer le plus possible, pour qu’on parle de lui et que les Français ne l’oublient pas.

Mais Sarkozy a un problème et non des moindres : les affaires. Quand Nicolas Sarkozy perd en 2012, il perd aussi l’immunité réservée aux chefs d’État, il devient un justifiable comme tout Français. Il y aura successivement l’affaire des écoutes, l’affaire Bettencourt, l’affaire du financement de la campagne de 2007 par la Lybie, l’affaire Karachi, l’affaire des sondages de l’Élysée, l’affaire des enregistrements de son conseiller Patrick Buisson, l’affaire des comptes de campagnes invalidés par le Conseil constitutionnel, l’affaire Bygmalion. Bref, beaucoup d’affaires dans lesquelles l’ancien président clame son innocence. Et jusqu’à présent, dans la plupart des affaires, la justice lui a donné raison. Il reste toutefois menacé par certaines affaires, mais l’éventualité qu’un procès se tienne maintenant la campagne lancée est très faible voire nulle[7].

En 2014, le parti de l’ex-chef d’État va mal : une élection contestée, l’affaire Bygmalion. Il faut un homme providentiel pour sauver l’UMP et il en a la conviction, ce sera lui. Pari gagnant car il remporte l’élection à la tête de l’UMP, qu’il va par la suite rebaptiser Les Républicains. Il ne fait alors aucun doute que si Nicolas Sarkozy revient, ce n’est pas pour se contenter du simple rôle de chef de l’opposition. C’est donc sans surprise qu’il annonce sa candidature à l’élection présidentielle, avec pour slogan : « Tout pour la France. » Est-ce à dire qu’il ne s’était pas donné au maximum pendant ses cinq années au pouvoir… ? Aux Français de juger.

 

Le FN aux portes du pouvoir

Le père avait réussi un exploit le 21 avril 2002, la fille est en passe de le renouveler. Ce même soir, la France est sous le choc : Jean-Marie Le Pen est au second tour de l’élection présidentielle face à Jacques Chirac. Quinze ans plus tard, il est hautement probable que la fille Le Pen se hisse au second tour de la présidentielle. Seulement en quinze ans, l’image du Front national a changé dans l’opinion publique et le vote sanction s’est souvent transformé en vote d’adhésion. La dédiabolisation du FN entamée par Marine Le Pen a porté ses fruits. En 2014, le Front national obtient 24,86% aux élections européennes, et en 2015, 27,10% aux élections régionales[8]. Même si dans tous les cas de figure, les sondeurs donnent Marine Le Pen perdante au second tour, il n’en est pas moins important de remarquer que le FN est presque devenu aujourd’hui un parti comme les autres. Beaucoup de Français ne voient pas d’objections à voter Front national, et les médias traitent désormais de façon équivalente ce parti autrefois décrié. Ainsi, l’accession du FN au second tour de la présidentielle de 2017 ne risque guère de surprendre les Français, et peut-être même, les appels au barrage que pourraient lancer les partis dits « républicains » resteront lettres mortes pour l’opinion publique.

 

Le président le plus impopulaire de la Vème  

Si le président Hollande peut être apprécié à l’étranger pour sa politique étrangère, grâce notamment au succès de la COP21, il y a bien un pays où il n’enchante plus guère de monde : la France. Dommage pour lui, c’est celui qu’il dirige. Sondages après sondages, le chef de l’État s’enfonce dans les abysses de l’impopularité. Il est le président le plus impopulaire de la Ve République. Selon un sondage du journal Le Monde paru en octobre 2016, seuls 4% des français sont satisfaits de son action[9]. Sa candidature n’est donc pas une évidence et est loin de faire l’unanimité dans son camp. Pourtant il semblerait qu’il y tienne et qu’il se représentera certainement. Mais c’est sans compter sur celui qui est peut-être son pire ennemi dans la campagne à venir : lui-même. En effet, cette rentrée ne s’est pas passée comme prévue pour le clan Hollande : le chef de l’État aime à s’entretenir avec des journalistes. Ainsi, a-t-il la fâcheuse tendance de confondre journalistes et psychologues. Il leur dit tout : « Un président ne devrait pas dire ça », comme titre du dernier livre de confidence en date l’atteste. Sont critiqués pêle-mêle magistrats, footballeurs, alliés politiques… Autant dire que François Hollande se tire lui-même une balle dans le pied. Certains commentateurs y voient un suicide politique, d’autres une erreur de communication[10]. En tout cas le président Hollande ne s’avoue pas vaincu et va tout faire pour être de nouveau de la partie en 2017.

 

Un président sortant, défié tous azimuts

 En France, la tradition veut que le président sortant se représente pour un second mandat. Mais, aujourd’hui, rares sont ceux qui soutiennent encore une candidature de François Hollande. Les adversaires dans son propre camp se multiplient. La question de l’organisation de primaires du Parti socialiste a fait débat mais est aujourd’hui actée. Il y aura bel et bien des primaires et le moins qu’on puisse dire c’est que l’investiture sera très contestée. A ce jour déjà, deux anciens de ses ministres se sont portés candidats à cette primaire, essayant de le doubler par sa gauche, du jamais-vu dans l’histoire politique française d’après-guerre. Parmi eux, Arnaud Montebourg semble en position de devancer l’actuel chef de l’État. Sur sa droite, Hollande se fait doubler par son poulain, celui qu’il a fait ministre de l’économie il y a seulement deux ans. Emmanuel Macron est en effet devenu en quelques mois  la coqueluche des médias et pourrait bien créer la surprise. Son profil détonne car il n’est membre d’aucun parti traditionnel, il a d’ailleurs lancé son propre mouvement politique sur-mesure (« En Marche ! ») pour le porter dans sa quête de pouvoir. Il appelle de ses vœux une coalition de ce qu’il nomme « progressistes » de tous horizons ; de droite comme de gauche. Cependant ce n’est pas du goût de grand monde. Aussi bien à droite qu’à gauche, il dérange car il casse les codes du système politique français. Un autre homme pourrait aussi forcer Hollande à renoncer : son Premier ministre Manuel Valls. Depuis quelques jours, le tout Paris médiatique fait écho d’une possible alternative Valls à gauche pour tenter d’éviter l’échec promis à la majorité actuelle.

Affaire à suivre. Encore un peu plus de six mois et les Français trancheront !

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