Lois sur l’avortement aux États-Unis : recul de l’espoir, retour des combats

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Aux États-Unis, la question de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) crée depuis plusieurs décennies de nombreux débats. Dès 1973, la Cour suprême rend l’arrêt Roe v. Wade, qui autorise l’avortement de toute femme jusqu’à 22 ou 24 semaines de grossesse, soit le moment où le fœtus devient viable [1]. Cet arrêt stipule précisément que « le droit au respect de la vie privée, présent dans le 14e amendement de la Constitution (…) est suffisamment vaste pour s’appliquer à la décision d’une femme de mettre fin ou non à sa grossesse » [2]. Ainsi, selon cette jurisprudence, dans tous les États du pays, les femmes ont la possibilité d’avorter dans des conditions saines et sécurisées. Cependant, la réalité est tout autre. Partout aux Etats-Unis, des groupes d’individus manifestent leur désaccord face à cette loi et rendent l’IVG beaucoup moins socialement acceptée par leurs actions, que ce soit à travers des manifestations, des propositions de lois, ou encore des messages sur les médias. Par ailleurs, dans de nombreux États, notamment le Texas ou le Mississipi, la plupart des femmes n’ont pas la possibilité d’avorter, pour des raisons financières, sociales, ou par manque de structures dédiées à cette opération [3].

L’arrivée de Donald Trump au pouvoir en 2017 complique à nouveau les choses pour les groupes pro-avortement. En effet, la nomination à la Cour suprême de trois juges conservateurs par le président, soit un tiers de la Cour (fait qui n’est pas arrivé depuis le mandat de Ronald Reagan) permet alors aux groupes anti-avortement de faire entendre leur voix [4]. Avec cette nomination, la Cour est en majorité conservatrice, avec 6 juges conservateur.rice.s sur 9. Les différents États tentent de faire passer des lois afin de limiter les IVG en leur sein, et surtout de réduire le temps de grossesse maximum pour pratiquer l’opération. Au Mississipi, en 2018, on souhaite réduire ce temps à 15 semaines. Au Texas, on demande l’interdiction de l’avortement dès 6 semaines de grossesse, soit dès le moment où le cœur du fœtus commence à battre [5]. Mais que souhaitent les principales concernées ?

Une femme brandit une pancarte « Protégez Roe » à Washington, lors d’une manifestation le 4 octobre 2021.

Selon la législation fédérale, les États ne peuvent pas mettre une loi en œuvre si la Cour suprême l’invalide [6]. Ainsi, même si l’État du Mississipi a adopté une loi pour limiter l’avortement en son sein, il lui est impossible de mener des actions si la Cour suprême exprime son refus [7]. Après l’acceptation de la restrictive loi texane et son entrée en vigueur, le 1er septembre 2021, des groupes féministes, des professionnel.le.s de santé et des individus de tous genres  se sont réuni.e.s pour lutter contre ce projet, en demandant à la Cour de rejeter cette loi, au nom de la liberté individuelle et de la protection de l’arrêt Roe v. Wade [4].

La Cour a entendu ces réclamations et le 1er décembre 2021, à la suite des effervescences créées autour des différentes lois anti-avortement qui émergent dans le pays, elle a réuni ses magistrats afin de prendre une décision au sujet de la demande du Mississipi de supprimer l’arrêt Roe v. Wade [6]. En Floride, en Oklahoma, dans l’Idaho, ou encore le Kentucky, soit dans 31 États sur les 50 du pays, des centaines de propositions de lois anti-avortement sont écrites en 2022, dans l’espoir que la Cour suprême prenne une décision en leur faveur [8].

La Cour suprême semble remettre en question la pertinence du critère de « viabilité » évoqué dans l’arrêt Roe v. Wade, menaçant ainsi l’arrêt de suppression totale de la Constitution [4]. Le retrait de cet arrêt réduirait à néant des années de combat ayant mené à l’acquisition de droits.

Si les groupes pro-IVG défendent la sécurité des femmes, leur bien-être, leur droit à la vie privée et leur droit à la maîtrise de leur propre corps, les groupes anti-avortement entendent défendre le droit à la vie de l’enfant, dans l’espoir que le nombre d’IVG se réduise avec la mise en place des différentes lois restrictives [9]. Toutefois, l’entrée en vigueur de telles lois ne réduirait pas le nombre d’opérations, mais augmenterait seulement celles pratiquées dans la clandestinité, l’illégalité et le danger [3]. Les femmes souhaitant effectuer une IVG continueront à y avoir recours, mais seulement dans des conditions bien moins favorables, risquant ainsi leur vie et leur santé [3].

Ainsi, la vague de lois restrictives sur l’avortement aux États-Unis suscite de nombreux débats, entre les groupes favorables à cette pratique et ceux contre. L’espoir de certain.e.s s’effrite suite aux récentes décisions des États et de la Cour suprême, tandis que d’autres reprennent les combats de plus belle pour défendre leurs droits et faire entendre leur voix. La Cour a dévoilé sa décision le vendredi 24 juin 2022, et a annoncé l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade, laissant ainsi la liberté aux Etats américains de prendre leurs propres décisions au sujet de l’IVG [10]. Cette décision a immédiatement engendré une nouvelle vague de manifestions dans les rues américaines, bouleversant de nouveau l’équilibre sociétal du pays.

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