Foi : une exploration des expériences spirituelles au XXIème siècle

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Dans un monde qui semble devenir de moins en moins certain et toujours plus compliqué, il est facile de commencer à se poser des questions de nature philosophique. Pourquoi sommes-nous ici ? Quel est le sort de ce monde ? Que signifie la vie ? Au cours des siècles, de nombreuses réponses différentes à cette question ont été suggérées, mais les mieux codifiées se trouvent au cœur des principales religions du monde : le bouddhisme, l’hindouisme, le judaïsme, l’islam et le christianisme. Parmi elles, le christianisme compte le plus grand nombre d’adhérent.e.s autour du monde et reste la religion majoritaire en Suisse. Bien qu’il soit possible d’arguer qu’il s’agit simplement d’une résultante historique, cette réponse passerait sous silence le fait que la religion chrétienne joue un rôle majeur dans la vie de millions d’individus. Dans cet article, nous tenterons d’avoir un aperçu du comment et du pourquoi en nous appuyant sur des interviews que nous avons menées l’été dernier : trois avec des jeunes expatrié.e.s vivant à Genève – Aaron (27 ans – Néerlandais), Katie (27 ans – Suisse-Américaine), Holly (30 ans – Américaine) et une avec un ancien doyen dans une église Genevoise (maintenant professeur au Princeton Theological Seminary) – Dr Lee. En plus d’explorer ce que sous-entend leur foi, nous allons aussi considérer leurs avis sur les éléments du christianisme les plus remis en question dans le monde moderne, notamment son anthropocentrisme supposé, son attention sur un sauveur externe et sa dépendance sur une croyance « démodée » dans le surnaturel.

Selon Holly, Dieu lui a montré « le chemin, la vérité et a vie » (Jean 14:6)

Chacun.e de mes interviewé.e.s ont grandi dans un milieu chrétien. Même si ils.elles ont dû choisir à un moment donné s’ils.elles allaient continuer dans la tradition de leur parents, il semble évident que l’influence de ces derniers a été importante. Quand je demande à Holly ce qu’elle en pense, elle se dit chanceuse d’être née dans une famille croyante pour la stabilité que cela lui a apporté – selon elle, la présence de Dieu a été primordiale dans sa vie : « Il m’a montré le chemin, la vérité et la vie » proclame-t-elle en citant Jean 14:6. Katie partage le même avis – elle se dit « rassurée » par l’existence de Dieu et la manière dont il se manifeste dans sa vie : « Quand je me sens stressée, déclare-t-elle, je sens sa brise apaisante et je sais que je peux me reposer sur sa force ». Un peu de la même manière, Aaron se sent libéré par la présence d’un sauveur externe. « Je ne serai jamais parfait, relate-t-il, mais je sais qu’à la fin du compte, Jésus m’aimera ». Holly va même jusqu’à dire que croire en soi est illusoire, voire idolâtre. Elle souligne le fait que l’idolâtrie a évolué depuis les temps bibliques – avant c’était l’adoration des autres divinités, mais maintenant elle le définit comme l’adoration de soi. Elle admet qu’une telle croyance peut sembler contraire à la culture, mais pour elle, c’est ce qui rend le christianisme attirant – c’est une religion qui renverse les attentes conventionnelles, Dieu étant mort pour les Hommes grâce au sacrifice de Jésus sur la croix.

Dr Lee, titulaire d’un doctorat en théologie, n’est pas d’accord avec le postulat que Jésus est un sauveur externe. À la place, il avance l’interprétation qu’une partie de lui réside dans chacun.e de nous : « Le chapitre 1 de la Genèse nous dit explicitement que nous sommes créé[.e.]s à l’image de Dieu, c’est-à-dire l’image de Jésus ». Mais ce constat soulève une autre question épineuse… je lui demande : « Cela étant le cas, diriez-vous que le christianisme est une religion anthropocentrique ? ». Dr Lee rétorque immédiatement en soulevant le concept du Christ cosmique, qui affirme l’amour de Dieu pour le monde non-humain : « Jésus n’était pas simplement un sacrifice pour les hommes ; [sa crucifixion] a réconcilié Dieu à la création dans son intégralité ». Pour celles et ceux qui ne connaissent pas très bien le christianisme, la mort et la résurrection de Jésus constituent le point d’attraction de la religion et sont sans exception comme ses «signatures miracles». Concernant l’existence de miracles à cette époque, c’est ce qui constitue le plus de désaccords parmi les chrétien.ne.s. Dieu, performe-t-il des œuvres surnaturelles à cette heure même ?

L’idée que la venue de Jésus n’était pas seulement destinée aux humains, mais aussi à l’ensemble du cosmos prend de l’ampleur chez les érudit.e.s chrétien.ne.s [1][2].

Tout.e.s les quatre ont estimé qu’en théorie Dieu a le pouvoir d’intervenir dans ce monde comme il le souhaite. Aaron et Katie étaient tou.te.s les deux certain.e.s qu’à ce moment-même, il fait marcher les boiteux.ses. Holly et Dr Lee, par contre, étaient un peu plus prudent.e.s dans leur langage et préféraient souligner le pouvoir transformationnel de Dieu dans leur vie comme le principale miracle qu’ils ont vécu. Comme exemple, Dr Lee a raconté l’histoire d’un moment d’illumination qu’il a expérimenté lorsqu’il était au collège aux États-Unis. Un jour, il assistait au Club de jeunes quand ils répétaient quelques chansons. L’émotion de la musique et la signification des paroles lui ont fait ressentir la présence de Dieu, suscitant en lui un désir de le chercher plus loin. Il ne dirait pas que c’était le moment où tout a pris sens, mais plutôt le moment où il a confié sa vie à Dieu. L’importance des moments révélateurs par rapport à l’accumulation d’expérience au cours des années est un thème que chacun.e de mes interviewé.e.s a abordé.

Katie peut désigner un instant où elle est née à nouveau* à l’âge de 21 ans – elle se trouvait au sommet d’une montagne lors d’un camp de formation leadership de style militaire. Elle était épuisée, couverte de bleus et au bout de sa capacité physique. A la hauteur de sa souffrance, elle dit avoir pensé à Dieu, qui, selon elle, lui a donné la force et l’a ensuite accompagnée tout au long du camp.  Ce moment-là a fortement marqué Katie, qui le considère maintenant comme une métaphore pour sa vie entière. Pour Holly, il est impossible de désigner un seul instant où elle est devenue croyante. Elle souligne le voyage comme ce qui l’a fait devenir la personne qu’elle est aujourd’hui. Néanmoins, elle admet que ce voyage a été particulièrement intense au durant les dernières années, à cause de la COVID-19. Toute seule à la maison, elle avait beaucoup de temps pour méditer sur la signification du Créateur. Malgré cela, elle ne dirait pas que sa relation avec Dieu est devenue plus forte, mais plutôt qu’elle a évolué au même titre que sa relation avec son mari et sa famille. En revanche, la pandémie a offert à Katie une occasion de se développer spirituellement. Selon elle, la pandémie lui a fait comprendre encore plus profondément que Dieu contrôle, renforçant ce qu’elle a expérimenté au sommet de la montagne.

En effet, la vie est pleine de sommets et de vallées, de hauts et de bas. Elle est parfois déroutante, marquée d’expériences qui sont difficiles à expliquer et impossibles à contextualiser. Dans ce chaos, il apparaît, pour les interviewé.e.s que la foi (chrétienne) est une source intégrale de stabilité et de réconfort. Dans un monde qui, pour certain.e.s, semble de moins en moins prêt à considérer le rôle du discours religieux, c’est un constat percutant.

Selon la théologie chrétienne, le Dieu unique existe en trois personnes – le Père, le Fils (Jésus) et le Saint-Esprit.

*Dans la terminologie chrétienne, être né.e à nouveau (issu de l’anglais ‘born again’), fait référence à une régénération spirituelle dans laquelle un.e individu.e arrive à apprécier profondément le salut lui accordé par Dieu grâce à la réception du Saint-Esprit.

**Toutes les personnes interrogées pour cet article ont été désignées par des pseudonymes.

***À lire aussi : Protestantisme et société : quelle compatibilité ? par Elise Vonaesch, publié le 23 mars 2022.

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