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Costa Rica et Bhoutan : protéger l’environnement pour être heureux

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Deux pays qui ne se ressemblent pas directement…

Le Bhoutan (“Druk-Yul” en Dzongka, sa langue nationale) est une monarchie constitutionnelle située au cœur de l’Himalaya. Il s’agit d’un petit pays d’environ 800’000 habitants essentiellement agricole dont plus de 70 % de la superficie est constituée de forêts1. Le bouddhisme tibétain et la nature occupent une place centrale dans l’histoire nationale, et sont considérés comme les deux grands piliers sur lesquels repose un modèle de vie durable en faveur de la conservation.

Le Costa Rica est un pays d’Amérique centrale d’environ 5 millions d’habitants2. Cette république constitutionnelle est une ancienne colonie espagnole, et a pris son indépendance le 15 septembre 1821. La religion officielle du pays est le catholicisme, mais le Costa Rica a une importante population d’immigrés, ce qui entraîne une grande diversité culturelle et religieuse. Le tourisme et l’agriculture sont les principaux composants du PIB de ce pays d’environ 50’000 km2.

…mais qui ont des valeurs communes…

Bhoutan (environnement)

Le Bhoutan, riche en biodiversité, a fait un pas en avant pour l’environnement et les preuves sont diverses. A titre exceptionnel, le Bhoutan est le premier pays au monde à avoir un bilan carbone négatif. Bien qu’il produise environ 2.2 millions de tonnes de dioxyde de carbone3, ses forêts absorbent trois fois cette quantité, ce qui crée des puits de carbone, tout en contribuant à mitiger le changement climatique4. Dans la même ligne d’action, le pays vise à réduire à zéro les émissions nettes de gaz à effet de serre. C’est depuis 2008 qu’une couverture forestière obligatoire de 60 % a été introduite dans la constitution de la nation himalayenne qui, actuellement, est constituée de 72% de forêts. Bhoutan a fait de grands efforts de reforestation en s’appuyant sur des pratiques liées à l’agroforesterie (préservation d’un écosystème bio-diversifié) et il a même interdit l’exploitation forestière à des fins d’exportation. Dans le même esprit de protection de l’environnement, l’on trouve diverses volontés et actions politiques:  le pays a favorisé l’énergie hydraulique 100 % renouvelable plutôt que les combustibles fossiles (les agriculteurs bénéficient de l’électricité gratuite pour les empêcher de piller les forêts à la recherche de bois de chauffage) et envisage l’augmentation de l’utilisation d’énergies renouvelable (éolien, biogaz et solaire)5. Depuis 1999 il a rendu illégal tout le plastique ainsi que le polystyrène et cherche à éliminer les déchets d’ici 2030. L’agriculture est libre d’OGM ainsi que de pesticides, en aspirant également à être le premier pays entièrement biologique au monde6

Un autre grand effort pour la conservation des zones protégées est l’initiative Bhutan for Life7 qui, grâce à différents partenariats (dont le WWF8, le PNUD9, et le Green Climate Fund) a collecté une somme de 45 millions de dollars. À ce financement s’ajoutent 75 millions que le gouvernement bhoutanais versera progressivement pendant une période de 11 ans. Il cherche à augmenter ses dépenses en matière de conservation, en considérant de nouvelles sources de financement telles que l’écotourisme en suivant les directives du développement durable10. Pour cette raison, le tourisme au Bhoutan est strictement réglementé par l’État, il n’est possible de voyager depuis l’étranger que par le biais d’un voyage à forfait d’environ 250 dollars par jour, payé à l’avance qui comprend l’hébergement, les repas et les visites du pays11.

Costa Rica (environnement)

Le Costa Rica est un exemple dans bien des domaines relatifs à l’environnement. En 2020, pour la troisième année consécutive, le pays a couvert sa consommation d’électricité presque exclusivement grâce à des sources renouvelables12. Le pays cherche également à atteindre la neutralité carbone cette année et de réduire de 44% ses émissions de GES d’ici à 2030. Ainsi, le pays est devenu un laboratoire pour les mécanismes d’atténuation du changement climatique grâce à leurs expériences en matière de paiements pour les services écosystémiques. Durant la dernière décennie, le Costa Rica a capturé plus de 90 millions de tonnes de carbone, tout en encourageant le marché national d’achat et de vente de crédits de carbone entre les entreprises, les organisations et les particuliers en faveur de la neutralité carbone13. Dans le même ordre d’idées, la mesure d’atténuation appropriée au niveau national (MAAN) cherche à améliorer les méthodes de production du café – produit incontournable de leur économie- afin de réduire les émissions de GES14.

A lui seul, le Costa Rica regroupe près de 4% des espèces animales et végétales connues15 . Depuis plus de 30 ans, le pays mise sur l’écotourisme, et possède un nombre grandissant de parcs nationaux.  En plus, un quart du pays est classé comme zone écologique protégée.  Son modèle de développement touristique (Wellness Pura Vida) envisage  la mise en œuvre de la durabilité de manière intégrale et en tant qu’axe transversal, dans les domaines socioculturel, environnemental et économique, en contribuant au bien-être des communautés.

Le plan ELSAs16 (pour son acronyme en anglais) dont l’objectif est de définir les zones essentielles au maintien de la vie est actuellement dans sa deuxième phase. Les ELSAs sont des zones dont la conservation, la restauration ou la gestion durable permettraient la protection de la biodiversité, l’amélioration de l’approvisionnement en eau, la sécurité alimentaire, de la séquestration du carbone et la réduction des risques liés aux catastrophes naturelles. Ce projet conjoint du ministère de l’Environnement et de l’Énergie (MINAE) et du PNUD constitue un pas en avant dans le développement d’un outil qui combine les données géospatiales et les priorités politiques pour la conservation et l’utilisation durable du territoire17.

Mais le Costa Rica a également créé un lien durable entre son environnement et ses institutions politiques. Le droit à un environnement sain est inscrit dans la constitution depuis 1994. La loi sur les forêts de 1996 et la taxe sur les carburants figurent comme des autres mesures de conservation.  En outre, le pays dispose d’un tribunal environnemental.

…et un niveau de bonheur exceptionnellement haut

Bhoutan

La science émergente du bonheur a démontré que les conditions de vie de chaque pays, y compris le contexte social et les institutions politiques sont des sources importantes de bonheur18. Plus précisément, l’économie du bonheur désigne une théorie moderne de l’économie politique et du développement pour désigner certaines expériences qui visent à dépasser la conception classique du développement en termes purement monétaires19. En 1972, le roi Jigme Singye Wangchuck a précisé que le PIB ignorait le besoin fondamental de chaque être humain : le bonheur20. La célèbre citation du roi le confirme : « Le Bhoutan ne se soucie pas des biens matériels de son peuple, mais de son bonheur ». Ainsi, dans une perspective visionnaire et holistique, il a introduit le concept de bonheur national brut BNH (Gross national happiness en anglais). Plutôt que de se concentrer uniquement sur les indicateurs économiques, cet indice mesure la prospérité en accordant une importance aux aspects non-économiques du bien-être, tout en intégrant  l’équilibre entre le progrès matériel et la croissance durable. Le BNH est constitué de quatre piliers fondamentaux : la bonne gouvernance, la promotion durable du développement socio-économique, la préservation de la culture et la conservation de l’environnement21. Il comprend neuf domaines qui sont également soutenus par les 33 indicateurs. Le BNH est aussi un principe directeur de la constitution du pays qui donne au monde naturel une place centrale quant à l’élaboration des politiques publiques et de protection de l’environnement.

Actuellement, les indicateurs alternatifs au PIB se multiplient. L’indice de la planète heureuse met en avant le bien-être durable soutenu par des indicateurs sur l’espérance de vie, la qualité de vie et l’impact de la vie sur la planète22. Le Bhoutan est classé n°56 (d’un total de 140). Ainsi, dans l’ avant dernier classement international du bonheur (2017-2018) Bhoutan se place dans le numéro 95/156, bien que les responsables du document indiquent une sous-estimation du score23.

Costa Rica

Classé premier pays au monde selon le Happy Planet Index24 et 15 selon le dernier classement international du bonheur25, le Costa Rica est un pays d’Amérique centrale réputé pour la qualité de vie qu’on y trouve. Dans ce dernier indice, le pays occupe les premières places dans des catégories telles que le bien-être subjectif, les perspectives optimistes et la prévalence des émotions positives.

N’ayant plus d’armée depuis 1949, le budget militaire a été redistribué dans les domaines de l’éducation et de la santé. Le taux d’alphabétisation avoisine les 100%, et l’espérance de vie est proche de 80 ans26. La stabilité politique et sociale du pays lui vaut le surnom de “Suisse d’Amérique centrale”, et participe grandement à la hausse du niveau de bonheur constant depuis plusieurs années.

La culture du pays participe également à cette qualité de vie27. Les Costaricain-e-s ont des liens sociaux importants et ne cherchent pas spécialement la hausse du profit, ce qui participe à leur bien-être.

Un tableau pas si rose

Bien qu’il soit un pionnier de la biodiversité, l’empreinte écologique du Costa Rica révèle qu’il ne fait pas figure de bon élève28. Il utilise également plus de pesticides par hectare que n’importe quel pays au monde29. Son système de taxation ne redistribue pas les richesses de façon optimale, ce qui crée des inégalités de revenus particulièrement hautes. La pauvreté et le chômage, qui concernent un cinquième de la population actuelle, menacent de doubler sous l’effet combiné de l’immigration et de la pandémie mondiale: actuellement 10% des moins de 24 ans sont au chômage.

Le Bhoutan a également des problèmes avec le traitement de ses minorités ethniques30. Les Lhotshampas, réfugiés népalais, sont victimes de xénophobie tandis que les ONG travaillant sur les droits humains sont interdites. En outre, les violences faites aux femmes et aux enfants sont monnaie courante.

La modernisation, les changements sociodémographiques (rajeunissement de la population,  augmentation des migrations internes ) et les nouvelles dynamiques économiques dans le pays (comment les croissants constructions dans les centres urbains et la création de nouvelles industries) sont des vecteurs de pression sur les stocks de ressources31. Les pratiques traditionnelles de gestion des forêts s’effacent progressivement de la société bhoutanaise dont la demande accrue du bois pourrait menacer les efforts de durabilité réalisés dans ses forêts32. Paradoxalement, l’exigence inscrite dans la constitution du pays quant à la conservation de la couverture végétale a entraîné une augmentation des populations d’animaux sauvages. Par ailleurs, son inscription géographique le rend vulnérable aux conséquences du changement climatique et comme dans de nombreux pays asiatiques le braconnage de la faune sauvage est en augmentation.

Si de nombreuses questions sont restées sans réponse, il est certain que le Bhoutan et le Costa Rica  sont des exemples reconnus en matière écologique au regard de leurs compromis adoptés en faveur de l’environnement  et de leurs citoyens. Derrière les différents engagements adoptés par les deux pays se dessine un sens de vie, où le bien être individuel et social repose sur l’épanouissement des libertés individuelles en harmonie avec les limites écologiques de la planète. Bien que le tableau ne soit pas toujours rose, les deux pays ont opté pour un récit alternatif (avec des effets potentiellement positifs à long terme) à la non-durabilité du modèle de développement actuel.

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