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Nauru: un avertissement écologique

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Situé à l’ouest de la Papouasie Nouvelle Guinée, Nauru est un État constitué d’une seule île d’à peine 21km², à peine plus qu’un arrondissement parisien. Ce pays de quelques milliers d’âmes prit son indépendance de l’Australie en 1968, et est ainsi devenu le plus petit État disposant d’un siège à l’ONU.

Lors de son accession à l’indépendance, le pays a nationalisé la seule compagnie minière chargée d’extraire le phosphate de l’île. Le phosphate est principalement utilisé dans la fabrication d’engrais et l’île en regorge. De par sa population assez faible et d’importants revenus issus de ses mines,  Nauru se voit propulsé en tête des pays au plus haut PIB par habitant. Ainsi en 1974, l’île fait près de 225 millions d’euros de bénéfice et devient le 2ème pays avec le plus haut PIB par habitant au monde.² Pour s’assurer une pérennité à long terme et notamment préparer la fin du phosphate, le pays investit dans différents programmes, notamment immobiliers, censés garantir la pérennité de l’île [1].

Hélas durant le tournant des années 1990, le pays commence à décliner. Sur le plan économique d’abord, l’île ayant de moins en moins de ressources voit ses revenus diminuer. Du fait d’une mauvaise gestion financière et de mauvais placements, le fonds souverain ne parvient pas à combler le manque et périclite à son tour.  Sur le plan sanitaire ensuite, les habitants ont en effet radicalement changé leurs modes de consommation du fait de leurs nouveaux revenus (nourriture plus riche et en plus grande quantité). Cela se reflète par un taux de 80% d’obésité morbide et de 40% de diabétique de type II sur l’ensemble de la population.

Et enfin sur le plan écologique, deux aspects sont à mentionner. D’une part, cette surconsommation due aux hauts revenus des habitants fait augmenter l’importation de biens de toutes sortes (climatiseur, voiture, télé…) provoquant une pollution (plastique et aérienne) de l’île , notamment car celle-ci est isolée et renvoyer des déchets sur le continent coûte plus cher qu’ailleurs. D’autre part, l’exploitation minière qui aura foré sur près de 80% de la surface insulaire a provoqué une importante déforestation et la fragilisation de la faune et de la flore. Le pays se retrouve ainsi avec un désert de roche qui recouvre une immense partie de son territoire, déjà exigu, rendant ses chances d’une reconversion économique, dans le tourisme par exemple, peu probable [2][3].

Le cas de Nauru peut être considéré comme un exemple en accéléré de ce qu’un État au territoire et ressources limitées peut devenir si ses ressources économiques et écologiques sont mal gérées. Ce pays a dû faire face aux défis d’une isolation géographique ainsi que d’une faible diversité de ressources naturelles, un problème souvent propre aux îles du Pacifique et des Caraïbes. A ces défis s’ajoute la menace climatique. En effet selon la Banque Mondiale, les îles du Pacifique vont être les plus frappées par les effets du changement climatique [4].

L’exemple le plus marquant est sans doute celui des Kiribati. Cette république du sud du Pacifique, à 900 kilomètres carrés de terres émergées, est dispersée sur plusieurs dizaines d’îles où vivent plus de 100 000 habitants [5]. Le réchauffement climatique qui provoquera une montée des eaux risque de faire disparaître une partie de son territoire. De plus, l’explosion démographique mal contrôlée a provoqué une érosion des côtes du fait d’une mauvaise gestion des nouvelles constructions, aggravant la vulnérabilité de l’atoll face à la menace climatique. Dès 1989, les Nations Unies alertent d’un risque de disparition, et l’on craint que le pays ne devienne inhabitable si rien n’est fait. Les Kiribati, relativement pauvres, ne pourront pas lutter seules face à la montée des eaux. En vue d’une possible disparition, le pays avait même acheté 20km² de terres sur l’archipel des îles Fidji pour faciliter une migration de la population appelée « migration dans la dignité » [6][7].

Outre le changement climatique, la pollution plastique atteint également des sommets sur certaines îles où l’évacuation et le traitement de ceux-ci coûtent cher notamment à cause du transport. De plus, les courants océaniques peuvent charrier d’immenses quantités de déchets sur d’immenses distances traversant les frontières maritimes sans aucun contrôle. Par exemple, l’île Henderson, dans le Pacifique, fut inscrite en 1988 au patrimoine mondial de l’UNESCO du fait de son écologie pratiquement intacte. Celle-ci ne compte aucun habitant et est très éloignée des continents voisins. Du fait des courants océaniques l’île dispose de nombreux nutriments amenés par les eaux qui lui permettent d’avoir un écosystème luxuriant. Pourtant ce territoire est dévasté par les déchets plastiques [8]. Du fait de ces mêmes courants salvateurs l’île accumule d’importantes quantités de plastiques, qui, sous l’effet des vagues, peuvent se désagréger et former des particules de plastiques ingérées par la faune locale. En 2019, une chercheuse australienne a organisé un ramassage de déchets sur les plages qui a permis de récolter près de 6 tonnes de déchets en 2 semaines. Ceux-ci provenaient de nombreux pays très distants de l’île tels que le Canada, l’Argentine, le Chili et même l’Allemagne [8].

Cette concentration de déchets dans les océans a fini par donner naissance à ce que certains appellent « le 7ème continent », formé de déchets plastiques, qui s’étend sur près de 3,5 millions de km² du Pacifique nord soit près d’un tiers de la superficie de l’Europe [9].

Cette situation particulière des États du Pacifique les pousse à une mobilisation pour faire pression sur la communauté internationale pour accélérer les efforts en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. C’est dans ce sens qu’un sommet virtuel du Forum des Îles du Pacifique a été organisé en décembre dernier [10].

Au sein même de ces territoires insulaires, des efforts ont déjà été engagés pour la cause climatique. Ainsi, en 1993, est créé le Programme régional océanien de l’environnement (PROE). Cette organisation intergouvernementale regroupe 26 membres dont 21 sont des territoires insulaires du Pacifique.  Elle est mandatée pour promouvoir la coopération dans la région, elle doit apporter son aide à la protection écologique et pérenniser un développement durable. Ainsi ses objectifs sont la surveillance de l’environnement, la gestion des déchets, le changement climatique, la biodiversité et la gestion des écosystèmes  [11].

En plus de cet engagement régional, des États mènent individuellement des politiques en faveur de l’environnement. L’un des États insulaires les plus représentatifs d’un engagement fort en faveur du climat sont les Fidji qui ont été félicitées en 2019 par le secrétaire général des Nations-Unies pour leur engagement. Cet État, qui vient de se faire élire à la présidence du Conseil des droits de l’homme à l’ONU, est comme Nauru et les Kiribati situé dans le Pacifique sud. Sa population d’un peu moins d’un million d’habitants est contrainte au risque du changement climatique.

Même si cette donnée n’est pas encore mesurable, il est probable que le réchauffement climatique rende les cyclones moins fréquents mais plus puissants [12]. Cela pourrait poser des problèmes, notamment aux Fidji qui ont déjà été touchées à plusieurs reprises par des zones de basse pression intense. Fin 2020 par exemple, où le cyclone tropical Yasa a causé d’énormes dégâts [13].

Les Fidji sont ainsi devenues en 2017 le premier marché émergent à émettre une obligation verte souveraine. Ces obligations sont censées permettre de financer ses projets contribuant à la transition écologique [14]. Le pays a également lancé une campagne d’électrification rurale pour réduire les émissions issues des générateurs diesel. C’est le premier État à avoir signé l’Accord de Paris sur le climat et à avoir entrepris un examen national de la mise en œuvre des Objectifs de développement durable (ODD). Ces objectifs, qui sont au nombre de 17, visent à donner une marche à suivre pour parvenir à un avenir plus durable autant socialement qu’écologiquement  [15][16][17].

Du fait de leurs fortes vulnérabilités vis-à-vis du changement climatique et d’importants défis logistiques pour maîtriser la pollution à l’intérieur de leur territoire, les États insulaires gardent un rôle non négligeable dans la lutte contre le changement climatique. Étant parmi les premières victimes pressenties du réchauffement climatique, ils ont également une crédibilité accrue face à des États moins impactés par les dérèglements du climat et de la pollution humaine en général.

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