Ablation partielle ou complète de la partie externe du clitoris, des petites lèvres, infibulation. Ce sont quelques-uns des types de mutilations génitales féminines (MGF) répertoriés par l’Organisation mondiale de la santé auxquels plus de 200 millions de femmes (aujourd’hui vivantes) ont été soumises.[1] Bien que le Liberia, le Mali et la Sierra Leone soient les seuls pays à ne pas avoir de base juridique pour interdire explicitement les MGF, les pratiques de mutilations sont encore déployées dans le monde entier.
Les zones les plus touchées sont les régions de l’ouest, de l’est et du nord-est de l’Afrique, mais aussi certains pays d’Asie et du Moyen-Orient. Selon les données de l’UNICEF, le Moyen Orient et l’Afrique du Nord représentent un quart de tous les cas de MGF dans le monde3.
C’est en particulier au Mali, en Somalie, au Soudan à Djibouti, en Erythrée et en Egypte que les taux de MGF sont élevés. Toujours selon l’OMS et l’UNICEF, les raisons de ces pratiques sont culturelles, sociales ou religieuses (tant chrétiennes que musulmanes). La plupart du temps, les MGF sont considérées comme faisant partie intégrante du processus de croissance d’une fille et sont liées au contrôle sexuel. Elles peuvent causer des douleurs et conditionner la sexualité d’une femme et sont également considérées comme un moyen de dissuasion tant pour la perte de la virginité que pour les relations hors mariage. Dans un reportage de 2017 réalisé par la RTS4, les témoignages des femmes qui ont subi des mutilations génitales convergent: pour une grande partie d’entre elles, la société de leur pays d’origine considère une femme ou une jeune fille non excisée comme impure. Selon cette perspective, une femme non-excisée est une honte pour sa famille.
La situation en Suisse
Selon les estimations du Réseau suisse contre l’excision, environ 15 000 filles et femmes qui résident en Suisse ont été victimes de mutilations génitales féminines5. Dans le rapport du Conseil Fédéral sur les mesures contre les MGF de décembre 2020, on reprend la même méthode de calcul et « on peut estimer à 22 410 le nombre de femmes et de filles touchées ou exposées résidant en Suisse en 2018. La plupart d’entre elles viennent d’Érythrée, de Somalie, d’Éthiopie, d’Égypte, d’Indonésie, de Côte d’Ivoire, de Guinée et du Soudan »6.
Le problème touche principalement les femmes originaires de pays où les taux de MGF sont élevés et qui résident désormais dans le pays. Cependant, il s’agit « simplement d’une valeur statistique calculée sur la base de la population étrangère résidente et liée aux taux de prévalence des pays d’origine », explique l’Organisation.
Une étude est en cours pour établir un chiffre plus précis, mais le problème réside dans la collecte des données. En Suisse, le codage diagnostique des mutilations par les hôpitaux n’est pas optimal, ce qui rend le suivi de la situation plus difficile. Seuls les hôpitaux de Genève et de Neuchâtel prennent en compte ces détails depuis quelques années, mais il y a un manque général de directives sur les comportements des professionnel.le.s de la santé. La docteure Jasmine Abdulcadir, responsable de l’Unité des Urgences Gynéco-Obstétricales et de la consultation MGF des HUG, nous précise qu’à Genève il existe une récolte de données à fin de recherche et des dossiers informatiques avec des cas spécifiques pour les antécédents de MGF.
« Il y a un manque d’institutionnalisation d’une structure qui puisse soutenir les médecins. En fait, les médecins ont souvent du mal à déterminer le type de mutilations dont il s’agit, principalement parce qu’ils peuvent être formés d’un point de vue théorique , mais pas nécessairement d’un point de vue pratique» explique Marisa Birri de Terres des Femmes. La docteure Serena Bellaminutti, de l’hôpital régional de Lugano, confirme ce problème : « Il serait essentiel pour nous, professionnels, de pouvoir utiliser des chiffres de référence transversaux capables d’assurer aux patients une prise en charge complète et à nous un service de conseil valable. » Au Tessin, les cas ne sont pas nombreux; cependant, contrairement à d’autres cantons, il n’existe pas de centres de consultations spécialisés avec un soutien psychologique et des médiateur.rice.s culturel.le.s.
À ce propos, à Genève une consultation spécialisée et multidisciplinaire (composée de médecins et de soignant.e.s formé.e.s à ce sujet) est offerte au sein des HUG depuis 2010. « La consultation est conduite par une gynécologue formée aux aspects médicaux et chirurgicaux, ainsi qu’aux spécificités culturelles. Elle offre des soins et prestations personnalisées, respectueux et culturellement sensibles »8. En 2019, 290 patientes ayant subi une MGF ont bénéficié de ce service. Un chiffre, souligne la docteur Abdulcadir, qui a vu une évolution stable depuis 2010, quand il n’y avait qu’un après-midi de consultation par mois (actuellement les jours de consultations sont de deux par mois). Dans le cadre des recherches cliniques de l’Hôpital, les données récoltées entre 2010 et 2017 montrent que les femmes concernées provenaient de 21 pays, surtout d’Afrique (en premier on y trouve l’ Erythrée et la Somalie). « Des études montrent qu’avec la migration, il y a un changement d’attitude des familles migrantes » explique la docteure Abdulcadir, qui ajoute : « Aux HUG on n’a jamais été confronté à des excisions effectuées sur le territoire suisse ».
Comment améliorer le suivi des MGF ?
En matière de prévention, les HUG s’adressent tant aux patientes qu’au personnel soignant ayant des formations spécifiques. De son côté, le Canton de Genève a perfectionné des programmes de formation de médiatrices et de sages-femmes.
À la question de savoir si en Suisse, la situation des MGF est gérée de manière suffisante, la docteure Abdulcadir répond que « beaucoup d’améliorations ont été faites ces dix dernières années, mais on peut toujours faire mieux : plus de formations et de sensibilisation, un meilleur système de mise en réseaux entre hôpitaux et cantons, une amélioration dans la récolte des données afin de mieux orienter les politiques publiques et, à ne pas oublier, une inclusion des hommes dans les programmes. »
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