J’accuse… mais qui ?

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L’affaire Dreyfus, défendue par Emile Zola, est restée célèbre ; mais aujourd’hui c’est Roman Polanski qu’on accuse. Le fameux réalisateur est fortement mêlé au hashtag MeToo (1). L’année dernière, en plein scandale, il sort un film sur l’innocence d’un homme accusé à tort.

En 1894, parmi des soldats indissociables, le capitaine Dreyfus, jugé coupable du crime de haute trahison, à savoir l’espionnage militaire (2), est publiquement dégradé, et ce sous les yeux du commandant Picquart. Ce dernier, bien que peu proche des Juifs, doute de la culpabilité du capitaine Dreyfus. Alors que ce dernier est expatrié sur l’Île du diable, le commandant Picquart commence à creuser l’affaire et à y découvrir des éléments que certains gradés ont préféré taire. En effet : accuser un Juif, ça arrange tout le monde et l’affaire est réglée. D’autant plus que le vrai traître n’est pas Dreyfus, mais le commandant Esterhazy. Seulement, lorsque le commandant Picquart souhaite le faire savoir, il ne se heurte qu’à des refus, et voit sa carrière dans l’armée dangereusement menacée s’il persiste dans sa quête de la justice. En effet : « emporter un secret dans la tombe est l’essence même de notre profession » (3), à savoir l’armée.

L’affaire Dreyfus conduit plusieurs personnes à la barre du tribunal, et divise ceux qui sont persuadés de son innocence de ceux qui ne le sont pas. Le film se concentre sur les démarches et recherches du commandant Picquart, suivant l’affaire sous ses yeux, et risquant de rejoindre le capitaine Dreyfus sur l’Île du diable s’il échoue. Le film prend parfois des allures de documentaire, approchant l’histoire avec un très grand sérieux. Certaines résonances ont lieu entre l’antisémitisme de l’époque, lié à la xénophobie d’aujourd’hui. Et dans cette histoire, des personnes ont osé prendre le risque de dénoncer l’injustice, comme Emile Zola : dans le film, plusieurs voix off lisent l’article rédigé par ce dernier, rythmé par l’anaphore « J’accuse » (4). Car au XIXe siècle, c’est le Juif qui paie. Et pour le libérer, il faut retrouver des lettres déchirées, des morceaux à assembler, se battre avec les rumeurs qui surgissent, analyser des écritures. Mais parfois, cela ne suffit pas. 

Si l’on dissocie l’auteur de l’œuvre, J’accuse est un bon film, enrichissant et fidèle à la réalité historique, quoique très conventionnel dans la réalisation. Cependant, Jean Dujardin excelle dans tous types de rôles, y compris celui du commandant Picquart. Mais la plus grande question et l’important débat que ce film a suscités reste : faut-il séparer l’homme de l’artiste?

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