Après de multiples reports, un changement de gouvernement et d’innombrables tensions entre négociateurs européens et britanniques, les travaux de la première phase des négociations du Brexit se retrouvent au centre des discussions à la suite des dernières annonces de Boris Johnson. En effet, le chef du gouvernement britannique a annoncé à la mi-septembre sa volonté de revenir sur certains points de l’accord signé avec l’Union Européenne (UE) l’hiver dernier. Celui-ci souhaite notamment modifier le statut de l’Irlande du Nord, centre névralgique des tensions depuis le début des négociations avec l’UE et au sein-même du camp conservateur britannique.
Avec un million et demi d’habitants, l’Irlande du Nord concentre une attention toute particulière lors des négociations sur le Brexit. En effet celui-ci a été rongé par des décennies de guerre d’indépendance et de religion, dont le bilan se monte à 3 000 morts et 40 000 blessés. En 1998, l’accord de paix du Vendredi saint a mis fin à ces 30 années de violences. Pour les deux camps, l’Irlande du Nord implique le défi de maintenir la paix sur une île qui constitue la seule frontière terrestre naturelle du Royaume-Uni avec le marché unique européen. Celle-ci soulève donc la question des restrictions douanières qui s’imposeront. Afin d’éviter la mise en place d’une frontière physique pour les marchandises, l’accord signé en octobre stipule que c’est dans les ports d’Irlande du Nord que les contrôles douaniers sur les marchandises seraient effectués, permettant de maintenir une liberté de mouvement entre l’Irlande et l’Irlande du Nord. C’est notamment sur ce point que Boris Johnson souhaite revenir. [1] [2] [3]
Le Premier ministre britannique se dit contraint de prendre cette décision. Selon lui, si le Royaume-Uni n’accepte pas les conditions de l’UE, celle-ci pourrait, en théorie, utiliser une interprétation extrême du Protocole sur l’Irlande et l’Irlande du Nord pour imposer une frontière commerciale. Et imposer non seulement des droits de douane sur les marchandises transitant de la Grande Bretagne vers l’Irlande du Nord, mais aussi restreindre le transport de denrées alimentaires. C’est pour éviter ces restrictions que Boris Johnson a présenté son projet de loi sur le marché intérieur. [4]
Cette annonce a provoqué un certain nombre de condamnations, notamment du côté européen où l’idée d’un retour sur l’accord est jugée inacceptable. Du côté américain, la présidente de la Chambre des représentants, la démocrate Nancy Pelosi, s’est exprimée en insistant sur l’importance du maintien de l’accord sur la frontière Irlandaise mais également la perte de confiance si le 10 Downing Street se désengageait d’un accord international. [5]
Le nouvel accord qui est actuellement en négociation avec Londres a pour but d’établir des règles économiques entre le marché unique et le Royaume-Uni. Cet accord est d’autant plus capital que les échanges de marchandises représentent plusieurs dizaines de milliards d’euros et qu’un « no-deal » représenterait un risque important, tant sur un plan économique que politique, car les règles imposées seraient alors les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce. Un « no-deal » se ferait surtout ressentir au Royaume-Uni, qui exporte 47% de ses produits vers le continent européen. De plus la mise en place de contrôles aux frontières pourrait provoquer d’importants délais de livraison, mais également des procédures administratives supplémentaire avec un surcoût estimé par les douanes britanniques à 15 milliards de livres (16,5 milliards d’euros). Du côté européen, la fin de l’accès aux eaux britanniques fait craindre une baisse importante de revenu pour les pêcheurs français, espagnols danois, belges et hollandais, qui ont l’habitude de pêcher dans ces eaux. De plus, malgré une anticipation au sein des milieux de la finance et des banques, Andrea Enria, le président du Conseil de surveillance prudentielle de la Banque Centrale Européenne, a prévenu qu’un « no-deal » pourrait créer des chocs d’une ampleur peu prévisible à l’heure actuelle. [6]
Les Européens avaient donné à Londres jusqu’à la fin septembre pour retirer ce projet de loi. Sans suite du côté britannique, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a annoncé avoir envoyé une lettre de mise en demeure au gouvernement britannique. Cela marque la première étape d’une procédure d’infraction. [7] [8] [9]
Lors du sommet européen du 15 octobre, les 27 ont exigé des concessions de la part de Londres qui a dès lors annoncé les pourparlers « terminés ». Cela a provoqué près d’une semaine de blocage total des discussions. Néanmoins le Royaume-Uni a décidé de reprendre les négociations le 21 octobre dernier, estimant avoir reçu des assurances suffisantes de la part des européens. [10]
La fin de l’année approchant à grands pas et les négociations devant en théorie aboutir avant 2021, le risque d’un « no-deal » n’a jamais été aussi grand. Comme l’a dit Michel Barnier, chef de la négociation avec le Royaume-Uni, devant les députés européens « Le temps est limité, très limité ». [11]
Pour un retour sur la situation en octobre 2019, lire:
Le Brexit, Boris et les Bâtards: tout ce qu’il faut savoir
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