Guerre du Haut-Karabakh: un conflit oublié

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Nagorno signifie “montagneux” en russe, kara signifie “noir” en turc et bakh “jardin” en persan. Sans aucun doute, le Nagorno-Karabakh est un territoire compliqué et sous de multiples influences culturelles. Récemment, il a ressurgi en tête de l’actualité, avec la reprise d’un conflit jusqu’alors gelé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

D’un côté, le principe de l’intégrité territoriale, de l’autre, celui de l’autodétermination des peuples. Cette formule n’est certainement pas nouvelle et le Haut Karabakh n’est qu’un des nombreux territoires piégés dans une telle incompatibilité de principes. C’est le cas de la petite région du Caucase méridional, car bien que le territoire fasse officiellement partie de l’Azerbaïdjan, la majorité ethnique de son peuple est d’origine arménienne. Les deux états se sont donc toujours confrontés sur le contrôle de la région: l’Azerbaïdjan sur une base territoriale, l’Arménie sur une base ethnique.

Source: Wikipédia

Historique

Si déjà là, les choses sont assez intriquées, il ne faut pas oublier le passé de la région et les stratégies mises en place par le gouvernement soviétique pour la déstabiliser et mieux la contrôler, voire le divide et impera stalinien. En 1921, on décide de donner l’autorité sur la région à la République Socialiste Soviétique d’Arménie, car elle est peuplée à 94% d’Arméniens. Le lendemain, la roue tourne en faveur de la République Socialiste Soviétique d’Azerbaïdjan par la primauté du principe territorial.[1]

Vers la guerre

Avec l’ouverture et la modernisation de l’Union Soviétique dans les années 1980, la question investit l’espace public et, en 1988, les Arméniens demandent la cession du territoire à l’Arménie. Cela provoque une série de réactions : manifestations contraires à Bakou, clameurs favorables à Erevan et violences inter-ethniques dans les deux pays. Ce build up historique, auquel s’additionne une auto-proclamation d’indépendance de la Région du Haut Karabakh en 1991, escaladent en véritable guerre entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie.

Il faut rappeler que la Région du Haut Karabakh, bien que soutenue financièrement et militairement par Erevan, n’est pas reconnue à l’international. Le conflit fait entre vingt et trente mille victimes, 1 million de réfugiés et perdure jusqu’en 1994, jusqu’à ce que les deux pays, grâce à une médiation co-présidée par la Russie, la France et les Etats-Unis, signent un accord de cessez-le-feu. Les négociations sont encadrées par le Groupe dit de Minsk créé en 1994 par l’actuelle Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE; alors nommée Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe), avec le but de rapprocher les parties et favoriser le dialogue pour trouver une solution pacifique au conflit. Toutefois, la question du désarmement n’a jamais été abordée et la région est restée une poudrière durant ces vingt dernières années, avec d’occasionnelles escalades de violence. [2]

Point d’actualité

Les 26 et 27 septembre 2020, l’Arménie et l’Azerbaïdjan en sont retourné aux méthodes armées avec l’emploi de missiles et le déploiement d’attaques à l’arme explosive lourde, et cela également en zones urbaines. Selon les données de l’agence Reuters mises à jour le 2 octobre, le conflit a causé 158 morts et plusieurs centaines de blessés, parmi lesquels des civils. En avril 2016, le conflit avait déjà repris brièvement, causant 200 victimes, un bilan lourd si l’on considère la durée des affrontements (l’épisode a été renommé “guerre des quatre jours”).

Vu l’évolution de la situation et le présage de la naissance d’une nouvelle guerre, le Caucase pourrait être déstabilisé et l’on pourrait s’attendre à l’intervention de la Russie et de la Turquie, la première en soutien de l’Arménie et la deuxième de l’Azerbaïdjan. La Russie soutient l’Arménie car cette dernière fait partie de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) et possède deux bases militaires en Arménie (pour se défendre d’une pression en provenance de l’Azerbaïdjan), tandis que la Turquie soutient l’Azerbaïdjan, car elle n’a aucune relation diplomatique avec Erevan, à cause du différend du au génocide des Arméniens. L’enjeu pour les deux pays est à la fois celui de renforcer leur position de puissances régionales, mais aussi de protéger leurs intérêts économiques et sécuritaires. Il ne faut pas non plus oublier l’Iran, qui, après des années d’isolationnisme, cherche à inscrire sa place comme leader régional, aux côtés de la Russie et de la Turquie. En cas de guerre, le pays aurait aussi des soucis regardant la sécurité de ses frontières.

Selon les chercheurs Neil John Melvin et Ekaterina Klimenko du Stockholm International Peace Research Institute, l’Iran et la Turquie pourraient contribuer de manière constructive à la sécurité de la région en offrant d’accueillir des processus de paix et un dialogue. En effet, jusqu’à la fin des années 1990, l’Iran était liée de manière informelle au groupe de Minsk. Le rétablissement du rôle de Téhéran dans le processus de paix pourrait bien avoir un effet positif. La Turquie, qui fait déjà partie du groupe de Minsk, pourrait jouer un double rôle en normalisant les relations entre l’Arménie et la Turquie d’une part et en facilitant les communications de retour entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan d’autre part. [3]

Nargono-Karabakh: Forteresse d’Askeran (Adam Jones)

De son côté, le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, dans un communiqué du 27 septembre, se dit préoccupé par la reprise des violences dans le territoire et demande un arrêt des violences et la reprise des négociations. Le CICR et des ONG comme Amnesty International le rejoignent, enjoignant un respect du droit humanitaire et de la protection des civils.

Dans une déclaration du 5 octobre, les ministres des affaires étrangères des trois pays à la co-présidence du groupe de Minsk exhortent les parties à un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel. Ils condamnent également le caractère disproportionné des attaques, qui ont, rappelons-le, visé des installations civiles hors de la zone de contact. Ils se disent “déterminés à remplir pleinement le mandat qui leur a été confié par l’OSCE et par la communauté internationale” pour la reprise du processus de dialogue et de règlement des différends.

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