En manque de fiction d’espionnage après avoir fini le Bureau des légendes [1], j’ai profité de mon semi-confinement pour regarder la série allemande que vous n’avez peut-être pas encore vue : Deutschland 83. Produite en 2015 par RTL et AMC, cette mini-série raconte les péripéties de Martin Rauch, jeune soldat est-allemand envoyé comme espion dans la Bundeswehr (armée ouest-allemande) en pleine crise des euromissiles. En échange de son engagement pour la République démocratique allemande (RDA), il reçoit la promesse que sa mère, malade, recevra un nouveau rein. Du jour au lendemain, il prend l’identité du Premier-lieutenant Moritz Stamm, nom de code Colibri, et devient aide de camp du Général Wolfgang Edel.
La crise des euromissiles : une période charnière de la guerre froide.

En novembre 1983, le Président Mitterrand est interrogé sur la crise des euromissiles qui frappe le monde. Il y explique la politique de dissuasion suivie par le bloc de l’Ouest.
Le début de cette crise est à chercher en 1979, lorsque l’OTAN, ripostant à l’URSS, installe dans cinq pays européens des missiles nucléaires à moyenne portée. Immédiatement, des négociations sur un désarmement nucléaire s’ouvrent à Genève. Celles-ci patinent pendant quatre ans, jusqu’en novembre 1983(2). A ce moment-là, l’Allemagne de l’Ouest décide d’installer des nouveaux missiles Pershing II, à portée directe de Berlin. Bonn est alors la capitale de l’Allemagne de l’Ouest et sous l’influence des États-Unis, partisans d’une guerre préventive. Cette décision provoque alors le retrait du bloc de l’Est des négociations et une escalade féroce des tensions. L’Europe est plus que jamais aux portes d’une guerre nucléaire et les manifestations pacifistes [2] essaiment.
De nouvelles discussions reprendront en 1985, notamment sous l’impulsion de Mikhaïl Gorbatchev, fraîchement élu Secrétaire général du parti communiste de l’Union soviétique. Finalement, la signature du traité d’interdiction des forces nucléaires intermédiaires, fin 1986, aura pour conséquence le retrait et le désarmement de ce matériel de guerre. (3).
Notre jeune protagoniste se trouve donc chargé de la lourde mission d’infiltrer la base militaire allemande, afin de rapporter à ses supérieurs les manœuvres d’une supposée attaque imminente de l’OTAN.
Une série à l’esthétique pop
Si vous avez étudié l’allemand à l’école, il y a fort à parier que vous avez lu ou vu les œuvres suivantes : Am kürzeren Ende der Sonnenallee, La Vie des Autres ou encore Goodbye Lenin. Et bien rassurez-vous, Deutschland 83 ne déroge pas aux habituels clichés des œuvres de fiction sur l’Allemagne des années 80 : Peter Schilling au générique, 99 Luftballons lors de la première scène, héros découvrant, les yeux ébahis, un supermarché capitaliste aux choix pléthoriques, le walkman et devant, de surcroît, apprendre un nouvel allemand (et oui, à l’Ouest on ne dit pas Kaufhallee, mais Supermarkt).
Les créateurs de la série font le pari d’une esthétique très pop, ce qui la rend dynamique (et aussi parfaitement adaptée au marché international) et s’accompagne d’une bande-son de l’époque, à grand coup de synthpop allemand et classiques américains. Ainsi, à peine arrivé à Bonn, Martin troque velours côtelé pour tee-shirt Puma, jeans Levi’s et Stan Smith.
L’intégration est quelque peu compliquée pour le maladroit Martin/Moritz, qui a bien du mal à décrocher un téléphone à la technologie dont il n’est pas habitué et qui, n’arrivant pas à se décider entre rumsteak, filet et faux-filet, commande un « steak de vache » dans un palace. Une grosse erreur va très vite le désenchanter sur les méthodes utilisées par ses collègues de la Stasi. Lors d’un barbecue organisé par le général, il se fait surprendre lorsqu’il tente de téléphoner à sa petite amie et se retrouve contraint de droguer une femme. Enfin, il manque également de griller sa couverture lorsqu’il fait mention, à des jeunes, de sa rencontre dans un club d’une délégation cubaine.
Toutefois, à mesure que le climat international se radicalise, Martin prend de l’assurance et fait preuve d’un courage dont il ne se soupçonnait pas. Il se transforme en maître de l’espionnage, sert son pays en séduisant une secrétaire de l’OTAN et manie les micros comme s’il avait fait cela toute sa vie.
Si la série ne manque ni de stéréotypes sur l’espionnage, ni de clichés rétro sur l’Allemagne, elle a le mérite d’être très plaisante à regarder. C’est l’occasion parfaite de se plonger dans cette époque de l’histoire allemande (et finalement européenne), tout en profitant de réviser votre allemand. Une suite, Deutschland 86 est sortie en 2017, et le troisième volet, Deutschland 89, prévu pour 2021, narrera les événements ayant conduit à la chute du Mur de Berlin.
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