La situation progresse quotidiennement. Le matin du 7 février, un peu plus de 31’500 personnes sont recensées comme porteuses du nouveau coronavirus (2019-nCoV) et 638 en sont déjà décédées selon le dashboard établi par l’Université Johns Hopkins [1]. Le virus, apparu en Chine au cours du mois de décembre provoque des symptômes à s’y méprendre avec les troubles respiratoires d’une grippe saisonnière [2]. Dans les cas aigus, le pronostic vital peut être engagé. Ces chiffres exponentiels, cette apparition du virus en Chine rappellent l’épidémie mondiale du SRAS en 2003. D’autant plus que le nouveau virus est de la même famille, celle des coronavirus.
Le virus préoccupe à juste titre. Le jeudi 30 janvier dernier, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a qualifié la situation d’ « urgence de santé publique de portée internationale » et a appelé à une action internationale rapide et coordonnée [3].
Pour l’instant, plus de 95% des cas se trouvant en Chine, la situation ne relève pas d’une pandémie, dans laquelle l’épidémie toucherait de larges zones géographiques au-delà des frontières nationales. Mais c’est l’ombre de cette menace qui plane sur la communauté internationale : près de trente pays sont déjà touchés [4]. A ce stade, les engrenages de la coopération internationale sont enclenchés. L’émergence du nouveau coronavirus permet d’esquisser les nouvelles limites d’un monde global interconnecté.
Le risque de crise diplomatique
Pour les pays voisins de la Chine, le risque de transmission du virus par voie navale, routière, ferroviaire et aérienne a petit à petit poussé la Russie, la Corée du Nord, le Népal, le Kazakhstan, la Mongolie, Singapour et Hong-Kong à prendre des mesures protectionnistes. En Russie, par exemple, les étranger.ère.s contaminé.e.s se voient refouler aux frontières.
Pour la plupart des pays européens, la première préoccupation a été de s’assurer de la santé de leurs ressortissant.e.s domicilié.e.s en Chine et principalement aux alentours de Wuhan. De nombreuses compagnies aériennes ont suspendu leurs liaisons vers la Chine, à l’image de Swiss [5]. Aux Etats-Unis, en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Israël, les étrangers ayant séjourné en Chine au cours des quatorze jours précédant leur entrée se sont retrouvé.e.s interdit.e.s de séjour [6].
Enjeu global est synonyme de méfiance globale. Sur l’échiquier de la politique extérieure, les mesures ont été disparates selon les Etats. Certains pays ont agi en collaboration avec la Chine, comme la Russie, qui aurait du mal à contrôler seule ses 4200 km de frontières avec son voisin. A l’inverse, les Etats-Unis ont fermé temporairement les frontières aux personnes provenant de Chine. Cela arrive alors même que les relations diplomatiques et économiques s’étaient pacifiées entre les deux pays.
Les experts de la géopolitique considèrent que cette mesure de l’administration étasunienne s’inscrit dans la continuité de la politique extérieure de Trump. Ce dernier souhaiterait ainsi pointer du doigt le « danger chinois » en insistant sur le fait que les autorités chinoises sont incapables de contrôler la situation et représentent un risque pour la communauté internationale. Cependant, les présidents Trump et Xi ont communiqués par appel téléphonique le 7 février et un représentant de la Maison Blanche a affirmé sa « confiance quant à la force de résilience de la Chine face à l’épidémie ». [7]
En réponse au virus, les autorités chinoises se sont attelées à des mesures drastiques. Et face aux reproches concernant leur inaction de la part de leur propre population, elle se sont efforcées à démontrer qu’elles sont compétentes. Alors deux hôpitaux ont été tirés de terre en un peu plus d’une semaine à Wuhan. L’hôpital du Huoshenshan aura été construit en 9 jours et accueille désormais 1000 personnes [8]. Le second, l’hôpital de Leishan disposera de 1300 lits. A cela s’ajoute la mise en quarantaine de près de 50 millions de personnes dans 15 villes chinoises. Dans la province du Hubei, plusieurs centaines de virologues ont été mobilisé.e.s, ce qui a permis la diffusion de la séquence génétique du virus aux virologues du monde entier dès le 10 janvier dernier [9]. A présent, le régime chinois fait face à une pression montante de la part de ses propres citoyens, qui dénoncent sa gestion de la crise sanitaire [10].
Face au durcissement des mesures protectionnistes et des déclarations de divers Etats, le directeur de l’OMS, le Dr. Tedros s’est empressé de « saluer le sérieux avec lequel la Chine traite cette flambée »[11]. Son organisation ne soutient pas les mesures protectionnistes à l’encontre des étrangers, considérant que cela nuirait à l’économie globale et risquerait d’engendrer des passages illégaux et risqués des frontières.
« Flambée » est un terme adapté à la situation diplomatique. L’instrumentalisation de cette crise par les Etats-Unis notamment pourrait contribuer à fournir l’étincelle nécessaire à une flambée des relations diplomatiques Chine-USA.
Inégalités flagrantes des systèmes de santé
Des hôpitaux qui sont arrachés de terre en neuf jours représentent des exploits de mobilisation. La mise en quarantaine de 50 millions de personnes peut paraître d’échelle surhumaine. Interviewée à la télévision française, Astrid Varbet, cheffe du service de virologie du CHU de Caen a salué le rôle de la mise en quarantaine pour permettre aux autres pays de se préparer en toute sérénité [12]. Comme elles, les spécialistes de la virologie prévoient que le virus se propage vers un nouveau foyer d’infection dans un pays dans lequel les mesures sanitaires sont insuffisantes pour contenir la propagation. C’est l’ombre de la pandémie qui plane sur la communauté internationale. Et c’est cette anticipation qui pousse à l’embrasement de l’action.
Face à ce risque de propagation par-delà les frontières, les pays dont le système de santé est relativement performant peuvent déployer des mesures spécifiques: lignes de renseignement par téléphone, mise en quarantaine de tous les cas suspects, etc… Mais le risque se trouve surtout dans les pays dont le système de santé est inexistant voire bancal. Sous de telles latitudes, un foyer d’infection serait d’autant plus désastreux. La Chine, qui avait déjà revu son système de santé post-SRAS souffre déjà d’un manque de lits [13]. Quant à la prise en charge du financement par les autorités, celle-ci serait difficilement assurée dans des pays qui peinent déjà à assurer des prestations de santé. Les virologues nuancent toutefois: il faut prendre les conditions climatiques en compte lors de l’étude de la transmission du virus.
Quels risques pour l’économie mondiale?
Dans une perspective économique, les conjoncturistes y sont allés de leurs théories sur l’impact du virus sur le commerce mondial. Le 4 février, le quotidien français Le Monde titrait « Le coronavirus, un démon dont l’impact économique est difficile à évaluer ». Le jour-même, la Bourse de Shanghai avait dévissé de 7,7% malgré l’annonce de la banque chinoise d’injecter des liquidités pour rééquilibrer le marché.
Selon les prévisions du CIO de Lombard Odier, l’épidémie aura des conséquences macroéconomiques sévères sur l’économie chinoise à court terme [14]. L’activité économique chinoise représente près de 17% du PIB mondial. Les prévisions optimistes se basent sur le scénario de 2003: après la crise du SRAS au premier semestre, l’économie chinoise était parvenue à reprendre une croissance à deux chiffres dès le second semestre de la même année. Le SRAS avait coûté 50 milliards de dollars, une somme minime par rapport au PIB mondial.
Du côté des pessimistes, on s’appuie sur les chiffres d’Oxford Economics qui table sur un recul de la croissance mondiale, dont la Chine représente la pierre angulaire [15]. En effet, la province du Hubei est gelée dans ses activités high-tech, automobile et métallurgique, qui sont destinées à l’exportation.
Ces différentes perspectives se rejoignent toutes sur un point: en comparaison avec 2003, les facteurs non-économiques se sont fait une place de choix dans le commerce mondial.
Préserver la communication
Ces derniers jours, de nombreuses informations erronées ont circulé sur internet concernant le virus. Parmi ces dernières, certaines sont dues à des précipitations de la part de la communauté scientifiques, d’autres sont de véritables théories du complot [16] .
D’autres facteurs peuvent être aggravés par une mauvaise communication: le racisme, la xénophobie et la psychose. Consciente de ces enjeux, l’OMS a notamment enclenché un partenariat avec Google pour assurer que ses communications soient valorisées dans les moteurs de recherche. Face à une urgence de santé mondiale tous pour un, il est aisé de sombrer dans la crise de l’information dans une logique tous contre un mais chacun pour soi.
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