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Elections européennes : Interview de Anne Zanditénas (Lutte Ouvrière, France)

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Anne Zanditénas, enseignante et candidate sur la liste Lutte Ouvrière (source : twitter)

Le 26 mai 2019, les citoyens européens éliront leurs députés au Parlement européens (le nombre exact dépend du Brexit). La France en élira entre 74 et 79 (selon le Brexit). Les compétences du Parlement européen, qui siège à Strasbourg (France), sont moins importantes que celles d’un parlement national : il valide la composition de l’exécutif européen (Commission européenne) et vote les lois qu’elle propose, mais ne peut pas en proposer.

Toute liste qui dépasserait 5%, en France, enverra un ou plusieurs députés européens (qui sont répartis à la proportionnelle). Chaque citoyen français, ou binational ou citoyen européen résidant en France, peut voter soit dans son bureau de vote en France soit, s’il est domicilié à l’étranger, dans un consulat ou ambassade française.

Comme à chaque élection depuis plusieurs dizaines d’années, le parti d’extrême gauche Lutte Ouvrière présente une liste, menée cette année par Nathalie Arthaud (candidate aux présidentielles de 2012 et 2017). Anne Zanditénas, candidate en 17e position, nous en dit plus sur le projet de ce parti communiste révolutionnaire.

1) Pouvez-vous vous présenter et présenter votre parti ?

Je m’appelle Anne Zanditénas, je fais partie des 79 candidats de la liste Lutte ouvrière aux élections européennes de mai 2019. Je suis enseignante en lycée professionnel et j’habite une ville de l’Aisne [département du nord de la France ] de près de 60 000 habitants. Lutte ouvrière est une organisation communiste révolutionnaire. Nous sommes trotskystes. Trotsky est un des dirigeants de la révolution russe de 1917 qui s’est battu dès les années 1923 contre la montée du stalinisme. Il a aussi donné une explication de ce qui s’est passé en URSS, de la révolution à l’instauration de la dictature stalinienne. Être communiste révolutionnaire signifie s’inscrire dans l’histoire du mouvement ouvrier, s’appuyer sur ses expériences et partager les idées de Marx, Engels et d’autres révolutionnaires qui leurs ont succédé. J’y milite depuis l’âge de 18 ans.

2) En Suisse, en France et dans de nombreux autres pays les jeunes manifestent pour le climat. Quelles réponses, notamment au niveau européen, avez-vous à apporter à cette mobilisation ?

Nous sommes solidaires de ces mouvements de la jeunesse qui cherchent à mettre les gouvernements devant leurs responsabilités. Il est effectivement choquant qu’aucune décision ne soit prise depuis que les scientifiques alertent des conséquences du réchauffement climatique en lien avec les émissions de gaz à effet de serre et de l’ensemble des pollutions dévastatrices pour la planète. Aucune tentative d’imposer une mesure n’aboutit, elles sont toutes bloquées par les capitalistes. Finalement la lutte contre les pollutions et le réchauffement climatique se réduit pour les gouvernements à faire payer la population avec la taxe carbone par exemple et à dénoncer les choix individuels comme laisser couler l‘eau lorsqu’on se lave les dents. Lutter contre le réchauffement climatique nécessite de renverser le capitalisme. Cela impose de s’opposer à la mainmise des groupes financiers et industriels sur l’économie. Le système capitaliste suppose, pour fonctionner, de toujours produire plus, vendre plus quelle que soit la production, nuisible ou pas, utile ou inutile…Il suffira de citer le choix d’Amazon et de toutes les grandes enseignes de détruire ce qu’ils ne vendent pas. Le réchauffement climatique dépasse les frontières de l’Europe et, dans une société mondialisée comme la nôtre, discuter de cette question doit nécessairement se faire à l’échelle de la planète. Répondre aux besoins en limitant l’impact sur la nature demande une collaboration internationale et une gestion rationnelle et planifiée des ressources énergétiques à l’échelle de la planète. Cet objectif est contrecarré par la concurrence entre les États, chacun se faisant le champion de ses groupes nationaux, eux-mêmes en concurrence les uns avec les autres.

3) De manière générale quelle est votre opinion et votre projet à propos de l’Union Européenne et de ses institutions ?

L’Union européenne est le résultat d’une contradiction dont le capitalisme ne peut sortir : Les capacités de production sont si vastes que les marchés nationaux sont trop étroits. Les forces productives exigeraient une unification du continent européen alors qu’il demeure morcelé en pays concurrents et plus précisément entre trois puissances impérialistes. Chaque industriel, chaque banquier a besoin d’un marché le plus vaste possible et chacun d’entre eux souhaite protéger son propre marché. C’est donc la loi du plus fort qui s’y impose. L’Allemagne et la France imposent leurs choix aux autres nations. Cette contradiction explique aussi les difficultés des européens à se mettre d’accord sur une monnaie unique ou la construction d’un espace de libre échange. Elle explique la fragilité de la construction européenne. Ainsi la crise grecque a failli provoquer sa dislocation, la Grande-Bretagne n’arrive ni à rester, ni à sortir de l’Union européenne. Sur le plan politique, l’Union européenne n’est pas plus démocratique que ne le sont les États européens. Ses institutions sont au service de la minorité de grands bourgeois qui grâce à leurs capitaux orientent la politique économique dans le sens de leurs intérêts. Nous sommes favorables à la disparition des frontières au niveau européen et même au-delà. Les frontières, les barrières douanières, les murs qui se dressent pour empêcher les hommes de circuler sont des archaïsmes, des freins au progrès et au développement d’une humanité responsable et libre. Libérées de la propriété privée de tous les moyens de production, l’Europe et la planète pourront être basées sur des relations égalitaires entre les peuples, sans rapport de domination ni de concurrence.

4) Comment envisagez-vous les relations entre l’Union Européenne et les pays non-membres comme la Suisse ?

Nous sommes un courant politique minoritaire. Cette question ne se pose pas à nous de façon concrète car si nous obtenons des élus, notre ambition sera d’être l’expression des intérêts des travailleurs de toute l’Europe et bien sûr, Suisse comprise. Nous militons pour que les travailleurs prennent conscience qu’ils n’ont pas de patrie pour reprendre la célèbre formule de Marx. Pour l’instant la Suisse est un des pays qui sert aux capitalistes au travers de son secteur bancaire. Une Suisse dirigée, contrôlée par les travailleurs se donnerait de tout autres objectifs et en particulier celui d’instaurer des relations de collaboration égalitaire, d’en finir avec le secret bancaire, commercial qui est la feuille de vigne de toutes les malversations dont les conséquences pèsent sur les peuples. Nous sommes pour une unification réelle, complète de l’Europe à une échelle bien plus vaste, incluant la Suisse aussi bien que la Turquie.

5) Le projet européen se manifeste notamment par Erasmus, que peut faire l’UE de mieux et de plus sur les questions d’éducation et de jeunesse ?

Le programme Erasmus est l’une des rares réalisations de l’Europe qui permet de transmettre un sentiment d’appartenance à l’Europe. Nous espérons que dans le climat de progression du nationalisme qui s’exprime dans tous les pays d’Europe, ces échanges pourront être maintenus.

6) Les élections européennes se tiendront bien évidemment en France mais aussi dans l’ensemble des pays membres, avez-vous des alliés dans d’autres pays ?

Il existe des groupes dans plusieurs pays qui défendent des programmes similaires au nôtre. Cependant la plupart de ces groupes sont très petits et ne se présentent pas aux élections européennes.

 7) Quels sont les thèmes et les propositions que vous allez porter dans la campagne et une fois élu(e) ?

Nous défendons l’idée que pour sortir de la crise, il faut que les travailleurs s’organisent, se défendent contre les réformes du gouvernement mais aussi le patronat. Il est nécessaire que les salariés, les chômeurs et les retraités portent les revendications qui leur sont propres contre la dégradation de leurs conditions de vie (ces revendications sont développées ci-dessous). La défense de leurs intérêts sera en même temps la défense des autres catégories de travailleurs qui ne sont pas salariés mais qui subissent eux-aussi de plein fouet la crise. C’est toute la population qui est empêchée de vivre pour qu’une toute petite minorité continue à s’engraisser quelle que soit la conjoncture économique. La lutte pour empêcher la chute d’une fraction toujours plus importante de la population dans la misère, ne prendra fin qu’avec le renversement du capitalisme et son remplacement par une société sans propriété privée, sans exploitation, où les richesses seront exploitées en commun et partagées entre tous selon les besoins.

8) Et pour finir, en quelques mots, dites-nous pourquoi les français(es) devraient voter pour vous et votre liste ?

L’intitulé de notre liste est : « Contre le grand capital, le camp des travailleurs ». Nous proposons aux travailleurs de se servir de leur bulletin de vote pour exprimer leurs intérêts : Nous y dirons qu’en France comme en Europe, les travailleurs ne doivent pas accepter de faire les frais de l’offensive capitaliste. Nous affirmerons qu’ils doivent mettre en avant des revendications qui correspondent à leurs intérêts. Contre le chômage, l’interdiction des licenciements collectifs et la répartition du travail entre tous sans diminution de salaire. Pour répondre à la hausse de la pauvreté et aux difficultés pour boucler les fins de mois, une augmentation générale des salaires, des pensions et des allocations et leur indexation sur la hausse des prix. Pour le contrôle des comptes des entreprises, des banques par les travailleurs, ce qui suppose la levée du secret bancaire, secret commercial et industriel. Bien sûr, ces objectifs ne sont pas les enjeux des élections mais des combats futurs des travailleurs contre la bourgeoisie qui ne manqueront pas de se produire.

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