Mercredi 7 décembre une centaine d’étudiants (selon les organisateurs) se sont réunis dans les locaux du rectorat de l’Université de Genève, à UniDufour. La manifestation menée par « Stop la Hausse » a réussi à faire plier le rectorat sur la question des frais d’inscription (lire l’article « Le rectorat plie face aux manifestations »). Les responsables de l’alma mater ont accepté de geler la hausse des frais d’inscription et de prolonger les négociations à travers la création d’une commission de travail qui se créera pour l’occasion. Certains représentants étudiants ont fait part de leurs inquiétudes suite à l’attitude du rectorat. C’est le cas de Léonard Truscello, représentant étudiant élu à l’Assemblée de l’université qui s’inquiète que le rectorat refuse d’écouter l’AU et plie face à la contestation. Pour lui, cela fragilise une tradition de négociation avec le rectorat et promeut des méthodes qu’il juge plus manichéennes. Explications.
L’Assemblée de l’université(AU) – dont tu es membre – possède 10 sièges pour les représentants étudiants, divisés en deux listes ayant chacune 5 membres. Tu es membre de la « liste 1 », est-ce qu’il y a une différence de point de vue de manière générale sur la politique universitaire entre les deux listes ?
De manière générale, je dirai non, car la majorité des sujets amenés à l’Assemblée de l’université concernent les autres corps de l’Université (professeurs, PAT et des collaborateurs de l’enseignement et de la recherche). Dans ces moments, généralement, l’ensemble des représentants du corps étudiant suit l’avis général ou s’abstient.
En revanche sur des sujets qui concernent les étudiants, nous pouvons noter principalement une différence sur l’approche de la politique universitaire à la fois sur le genre de questions posées au rectorat ainsi que sur les prises de paroles lors de l’assemblée. Certains sujets vont plutôt interpeller les étudiants de la « liste 2 » et d’autres ceux de la « liste 1 ».
De mon point de vue, je dirai que la « liste 2 » s’intéresse principalement aux questions syndicales ; i.e : stage, logement, discrimination de toutes formes ; alors que la « liste 1 », dont je fais partie, s’intéresse principalement sur les fonctionnements universitaires ; CGTF, services de l’université, application smartphone, etc… ainsi que sur le fonctionnement institutionnel de l’université.
En général, nous arrivons à bien fonctionner ensemble, même s’il arrive que certains sujets ne reçoivent pas le même accueil. C’est le cas avec la question des frais d’inscription. Ça l’avait aussi été lorsque la « liste 1 » proposa de créer une commission afin de revoir les statuts et le fonctionnement de la CGTF. Étant donné que la « liste 2 » est rattachée à la CUAE, la modification de la CGTF peut directement modifier le statu quo financier de la CUAE, il était donc tout naturel que des étudiants de la « liste 2 » soient en faveur de repousser la création de cette commission, sans pour autant être contre sa légitimité. Le sujet sera d’ailleurs a priori travaillé pour être mis à l’ordre du jour le semestre prochain.
Une attitude similaire de défense d’intérêts se retrouve dans le corps des collaborateurs de l’enseignement et de la recherche. En effet, Ignace Cuttat et Marine Girardin, anciens membres de la CUAE, ont souvent des points de vue identiques / très proches de ceux du syndicat.
Et concernant la question des frais d’inscription ?
Concernant la question des frais d’inscription, il est nécessaire de distinguer deux parties prenantes : l’Assemblée de l’université et la Plate-forme « Stop la hausse ». Aucune ne mandate l’autre, en revanche, il y a des étudiants qui participent aux deux en même temps.
Du point de vue des représentants étudiants à l’AU, nous avons réussi à nous mettre d’accord, non sans mal, sur une motion que nous avons présentée, conjointement avec le corps intermédiaire, à l’AU, motion qui a été amendée puis votée majoritairement par l’AU.
Un point de vue nous a tous rassemblés : nous jugions que cette mesure était un vice de forme, car prise sans consultation du corps étudiant et de l’AU. En tant qu’autorité représentative, l’AU est un lieu où nous pouvions (selon l’art.5 des attributions de l’AU, http://www.unige.ch/assemblee/presentation/) formuler une recommandation à l’intention du rectorat. Celle-ci a été de demander au rectorat de renoncer à la mesure jusqu’à ce que nous trouvions un accord au terme d’une discussion.
Il y avait en revanche une divergence d’opinions entre les membres des représentants étudiants quant aux raisons du vice de forme – i.e motifs derrière notre volonté de vouloir être consultés ; augmentation des frais universitaires, symbolique d’une inscription payante, frais non adaptés à leur cause (tourisme universitaire, dossier incomplet), discrimination sociale et entre autres discrimination étrangère – ce que nous avons mis de côté pour la création de notre mention.
Et toi, ton avis personnel ?
Personnellement, mes motifs concernant le vice de forme s’appuient sur les faits présentés par le rectorat lors de la réunion entre représentants du corps étudiant et rectorat ainsi que sur la transparence du rectorat vis à vis de ces faits. J’estime que le sujet nécessite une discussion sur la symbolique que représentent ces frais d’inscription à l’université en tant qu’institution publique et une réflexion plus poussée sur le choix des frais en raison des causes soumises par le rectorat.
Voici un exemple concret d’une résolution qui me semble plus satisfaisante que la proposition du rectorat (faute du « bon moment » (i.e : la commission)[1], je n’ai pas encore eu l’occasion de lui proposer cette idée):
Concernant le tourisme universitaire [2]: actuellement les dossiers étrangers coûtent 65 CHF ; somme ensuite déduite de la première taxe. Le frais d’inscription, au-delà d’être un frein pour l’étudiant qui s’inscrit dans plusieurs université, l’encourage à venir chez nous parmi les autres universités qui accepte son dossier car il sera remboursé. Augmenter ces frais, et l’appliquer aussi aux dossiers avec maturité fédérale, permettrait d’augmenter le double bénéfice mentionné dans l’exemple précédent. Pour les étudiants qui viennent effectivement à l’université, les frais seraient déduits des taxes universitaires et donc par définition, il n’y aurait pas de frais !
Concernant les dossiers incomplets : il faudrait mettre une amende. Le prix de l’amende serait moyenné en fonction du coût engendré par l’incomplétude du dossier. Les amendes seraient cumulables. Ceci rembourserait l’ensemble des frais engendré par les amendes et encouragerait – cette fois, concrètement – les postulants à remplir correctement leur dossier pour ne pas/plus avoir d’amendes. L’inscription pour un postulant qui remplirait parfaitement son dossier du premier coup (on ne demande pas la lune quand même) serait gratuite.
70% des dossiers des postulants sont incomplets, c’est trop. La faute ne peut pas être uniquement du côté des postulants. Il faudrait améliorer la qualité du service des immatriculation en simplifiant la création du dossier par le postulant et le traitement du dossier par le service des immatriculations.
Pour les autres motifs :
L’argument sur l’augmentation des frais universitaire ; oui les frais seront augmentés. Cependant, la hausse est négligeable si nous regardons l’impact sur l’ensemble d’un cursus.
Concernant la discrimination sociale, cela rejoint le point précédent, je doute que ces émoluments fassent vraiment une différence. Il y a déjà plein d’autres frais obligatoires, comme les blouses en sciences, les livres scolaires, etc… Si une personne ne peut pas se permettre de payer 50 CHF de frais, elle ne pourra pas se payer le reste et devrait économiser pendant une année pour se permettre de faire des études. C’est regrettable, mais l’influence de ce nouveau frais est concrètement ridicule.
Concernant la discrimination étrangère, certes elle serait présente pour les maturités non fédérales, mais concrètement, du point de vue d’un étranger, l’argument du contexte international est valable. Il faut bien se rendre compte sur la scène internationale que la Suisse, en matière de coûts universitaires, n’est pas chère et donc l’inscription est probablement moins chère (même avec 150fr) que dans leur pays d’origine.
Mercredi 7 décembre, suite à une manifestions menée par « Stop la hausse », le rectorat a accordé un gel de sa position sur les émoluments administratifs et la création d’une commission de travaille sur la question. Quelle a été ta première réaction suite à cet événement ?
En apprenant ce qu’il s’est passé, j’ai été choqué et scandalisé par cette manifestation et par la décision du rectorat. Cet événement m’a profondément troublé dans ma perception du fonctionnement institutionnel de l’université et m’a incité à questionner le rectorat afin d’avoir une réponse claire sur le sujet. Normalement, je recevrai ma réponse lors de la prochaine assemblée, je ne peux pas m’avancer sur sa position, mais je peux vous présenter mes doutes et mes craintes.
L’Assemblée de l’universitéavait proposé des mesures similaires lors de la réunion qui a précédé cette manifestation. Est-ce que cela signifie que le mouvement « Stop la hausse » a permis d’obtenir par une forme de force ce que l’AU n’a pas réussi à obtenir par la négociation ?
L’ Assemblée de l’université vote sa motion, le rectorat refuse. La Plate-forme manifeste, le rectorat accepte de renoncer. Je crains que cette dernière décision remette en cause la crédibilité de l’AU en tant qu’autorité représentative de la communauté universitaire[3], qu’elle remette en cause la crédibilité des représentants du corps étudiants[4] en tant que représentant du corps étudiants, qu’elle remette en cause le moyen d’action utilisé (discussion vs manifestation), qu’elle remette en cause la crédibilité du rectorat dans sa prise de décision, qu‘elle valide la contestation et donc la création d’un contexte manichéen au sein de l’université, ce qui irait à l’encontre de notre charte éthique et de déontologie. Je crains aussi qu’indirectement, cela associe aussi l’opinion de l’ensemble des étudiants de l’université à cette minorité manifestante ce qui n’est pas fondé.
De mon point de vue, il y avait un petit problème de fond (celui des frais) qui impliquait un petit vice de forme, nous avons fait une recommandation au rectorat qui a été refusée, soit. Mais maintenant qu’elle est acceptée vis-à-vis de ces manifestants, nous nous retrouvons potentiellement avec un gros problème de fond sur le fonctionnement institutionnel universitaire, ce qui, à mon sens serait beaucoup plus grave que le problème des frais initialement avancé.
Le rectorat semble concerné par la suppression des aides cantonales pour les logements de la Cité Universitaire. Est-ce que cela signifie que les étudiants de l’AU travaillent main dans la main avec le rectorat sur ce sujet ?
Le rectorat a en effet mentionné ce sujet (sujet beaucoup plus contraignant pour les étudiants) lors des discussions sur les émoluments en précisant qu’il défendait les étudiants auprès des instances politiques, mais qu’il souhaitait que les étudiants se mobilisent pour aider le rectorat et déplorait que ce ne soit pas le cas. Concrètement, ce genre de dossier fait partie des dossiers où le rectorat n’a nullement besoin de demander un quelconque préavis à l’Assemblée de l’Université. Qui voterait favorablement à l’augmentation de 140fr/mois pour les loyers étudiants à l’Assemblée de l’uni ? Personne ! De notre côté, nous ne pouvons pas faire de recommandations autres que ce que fait déjà le rectorat. De ce point de vue, avec la casquette de représentant à l’assemblée de l’université, nous ne pouvons rien faire, car ce n’est plus de notre ressort et que nous soutenons le rectorat. Dans ce genre de cas, je pense que c’est au syndicat (ndlr : la CUAE) de prendre position de ce sujet et d’aider les étudiants ; ici en collaborant avec le rectorat. D’ailleurs, à ce jour, il me semble que le syndicat vient de commencer à agir. J’ai reçu des tracts en passant vers Unimail cette semaine. Espérons que tout se passe pour le mieux pour nos logements.
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