Grands événements sportifs, à quel prix ?

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Héberger de grands événements sportifs tels que les Jeux olympiques ou la Coupe du monde est devenu, depuis le début du 21e siècle, une pratique courante pour les pays en voie de développement, faisant partie des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Ces pays ont acquis, dernièrement, une grande puissance économique et ils essayent en même temps de s’affirmer sur la scène mondiale à travers le business de méga-événements sportifs[1]. Mais, lors d’occasions d’une telle envergure, la pression internationale augmente et les gouvernements des pays concernés ont tout intérêt à se montrer prêts au défi, afin d’être à la hauteur des attentes mondiales[2].

En effet depuis 2008 les pays émergents ont hébergé la plupart de grands meeting sportifs. Après les Jeux olympiques de Pékin, les Jeux du Commonwealth à Dehli, les JO d’hiver à Sotchi et la Coupe du monde de football au Brésil, cette année c’est à nouveau la « Cidade Maravilhosa » de Rio de Janeiro qui sera la ville hôte des Jeux olympiques.

Cependant, la situation du Brésil semble aujourd’hui plutôt complexe : le pays vit sa plus grave récession depuis 1931, avec un déficit de 800 millions de dollars en 2015. A présent, l’État n’a pas suffisamment de fonds publics pour gérer le système sanitaire national et les hôpitaux du pays sont forcés à fermer des parties entières de leurs structures et à renvoyer de nombreux patients par manque de moyens. De plus, les coupes dans le budget public, nécessaires pour financer les Jeux, affectent surtout des secteurs comme la santé, la sécurité et les transports et touchent principalement les milieux sociaux les plus défavorisés[3].

Pourtant, en ce qui concerne l’avancement dans la construction des structures des Jeux, le Comité olympique international déclare que les temps et les dépenses prévus ont été respectés[4].

Alors que les rapports officiels du Comité en matière de budget ne peuvent cacher qu’en petite partie les changements drastiques en matière financière, il n’en est pas de même en ce qui concerne les violations de droits humains.

Activists demonstrate in front of riot police outside the Mane Garrincha National Stadium in Brasilia June 15, 2013. Protests continued in Brasilia over the government's economic policies and the hosting of major sporting events as Brazil's national soccer team prepared to play Japan in the Confederations Cup opening match. REUTERS/Ueslei Marcelino (BRAZIL - Tags: SPORT SOCCER CIVIL UNREST) - RTX10OWU
Une protestation contre les JO de Rio 2016, 5 Août 2015. AFP PHOTO/TASSO MARCELO

Selon le rapport du World Cup and Olympics Popular Committee[5] de novembre 2015, les deux méga-événements sportifs qui se sont déroulés au Brésil entre 2014 et 2016 ont un lien étroit avec les récentes et croissantes violations des droits humains.

En effet, selon ce rapport, même si le gouvernement a systématiquement évité de donner des explications, nous estimons qu’au moins 4120 familles ont été expulsées de leur maison et actuellement environ 2400 sont menacées de subir le même sort pour des projets directement associés avec les événements sportifs de cette année. Les familles menacées, qui aujourd’hui luttent violemment contre la police pour pouvoir rester dans leur propre maison, sont souvent issues des milieux sociaux des plus sensibles, comme notamment celui de la Favela Vidigal, destinée à accueillir le futur village olympique.

Et pour se présenter au mieux aux yeux des médias sportifs du monde, la ville a également mis en place des travaux de nettoyage dans les quartiers les plus touristiques. Voilà la raison pour laquelle les « meninos de rua » (enfants de la rue) qui vivaient dans les favelas de Rio ont tout simplement disparus ou ont été envoyés dans des centres éducationnels où ils subissent souvent des violences et des humiliations[6].

Cependant le cas du Brésil n’est pas ce qu’il y a de plus récent. En effet, selon un rapport publié par Amnesty International en mars 2016, les travailleurs migrants qui se trouvent au Qatar pour construire le Stade Khalifa de la Coupe du monde de 2022 sont au service d’entreprises, sous-traitantes de grandes sociétés, qui parfois ne veillent pas au respect des droits de ces personnes. Apparemment, une multitude d’atteintes aux droits des travailleurs migrants, telles que le non-paiement des salaires, des conditions de travail très difficiles et des conditions de logement choquantes, sont à l’ordre du jour[7].

Or, les violations des droits humains, en particulier envers les populations locales, semblent être le fil rouge des Jeux, comme le démontre le cas de la Chine où, au moment de la construction des infrastructures pour les JO de 2008, environ 1,5 millions de personnes ont été expulsées de leur maison.

Voulant trouver une explication, voire un lien, entre grands événements sportifs et pays émergents, plusieurs experts en la matière soulignent le fait que les événements de cette ampleur sont de rares occasions d’attirer des bénéfices économiques sans précédent, mais trop souvent les bénéfices directs sont plutôt insignifiants. Les possibles impacts comme le tourisme sont très limités et les structures mises en place lors de telles occasions finissent par ne plus jamais être utilisées (comme dans le cas des infrastructures mises en place pour les JO de Pékin en 2008[8]). De plus, les bénéfices indirects, comme l’image positive du pays dans le monde ou le développement urbanistique, sont encore plus difficiles à atteindre et si ces méga-événements assurent l’attention médiatique pour un certain temps, la plupart des activités prévoit une participation très limitée de la part de la population locale[9].

Finalement, nous pourrions nous demander si ce n’est pas uniquement du profit économique au détriment des populations locales. Tout est toujours officiellement en règle, tous les projets sont en accord avec les déclarations du Comité olympique, alors que derrière la façade formelle les rapports sur les droits humains se multiplient. Le président, Thomas Bach, avait annoncé au cours de la 70ème session de l’Assemblée générale de l’ONU que « les valeurs de tolérance, de solidarité et de paix sont au cœur de l’héritage que Rio de Janeiro offre aux Brésiliens. Ces Jeux seront les Jeux de l’inclusion – ils nous donneront l’occasion unique de démontrer que le sport est un instrument clé de paix, d’inclusion sociale et de tolérance[10]».

Peut-être vaudrait-il mieux rappeler des valeurs tels que responsabilité sociale et le respect des principes éthiques fondamentaux universels qui ont inspiré la charte olympique. Si la préparation d’événements sportifs de cette envergure se déroulait dans des conditions optimales, cela pourrait réellement contribuer au bon déroulement de Jeux qui sont toujours l’occasion de réunir des sportifs du monde entier. Pourrions-nous arriver enfin à de vrais « Inclusion Games » ?

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