Les pornographes et l’université

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La semaine dernière j’étais dans le parc des Bastions avec un ami. Nous profitions d’un moment de répit entre deux cours pour revoir une dernière fois les rayons du soleil avant la fin de journée. L’herbe était encore fraiche de la dernière pluie et les arbres finissaient de perdre leurs feuillages. Si le paysage semblait lyrique notre conversation l’était moins. Comme la plupart des jeunes hommes de notre âge nous avons parlé de sport, de réussite professionnelle, de filles et …de porn. Ne soyez pas surpris car vous aussi vous en avez probablement visionné au moins une fois, comme 80% des hommes et 52% de femmes  (CSA, 2004). Ne soyez pas choqué non plus car vous trouvez ça certainement amusant ou plaisant lorsque vous en regardez, comme 82% des hommes (CSA, 2004). Mais restez, vous ne vous êtes pas trompé vous lisez bien TOPO.

La pornographie est un sujet éminemment politique. Et par politique j’entends d’abord invoquer des notions de domination et de pouvoir. D’abord parce que c’est devenu un produit commercial à large diffusion mais qui reste tabou. Ce qui en fait un vecteur idéal pour implanter des normes et des comportements sans pouvoir les remettre en cause (par la discussion quotidienne). Les étudiants en genre ou en postcolonial studies ne diront pas le contraire. Il suffit simplement de regarder qui fait quoi, avec qui, et dans quel contexte pour voir que les films X peuvent contenir un message politique qui ne transparaît pas directement mais qui existe bien si on prend la peine de réfléchir. D’ailleurs, de nombreuses études sur la question existent. Autant d’études qui montrent les différents axes d’analyses qui peuvent être pris pour aborder la question.

Tout d’abord, il y a les approches genrées classiques. Celle développée dans les années 1980 par A. Dworkin et McKinnon, définit la pornographie comme étant en elle-même une marque de domination masculine sur les femmes (Dworkin, 1980). L’idée est simple : les films pornographiques représentent de manière stéréotypées des hommes viriles qui s’approprient des femmes, elles aussi stéréotypées : fragiles, pulpeuses et dont le comportement est assimilé à des provocations sexuelles à chaque geste. Cette littérature a notamment accusé les films X de faire du « non » de la femme un « oui » pour l’homme : « no means yes » et ainsi d’être responsable de viols.

Néanmoins, ces études ont depuis été fortement critiquées, notamment parce qu’elles ont une définition restrictive de la pornographie comme étant un acte « d’asservissement sexuel des femmes par des images ou par des mots qui les représentent comme des objets prenant plaisir à être humiliées […] ». Tout d’abord, elle exclut les films destinés aux femmes qui peuvent montrer des hommes humiliés. D’autre part, cette définition exclut les films gays. Enfin, pas tous les pornos mettent en scène une humiliation quelconque.

De plus, la pornographie a une autre dimension que celle du genre : elle est aussi racialisée. Les hommes blancs regardent plus souvent du porno fait par des Blancs pour des Blancs et vice versa. Même si la pornographie pour les Blancs met en scène des Noirs, alors ils correspondent souvent à des clichés coloniaux. Vous-même vous avez certainement en tête le cliché sur la taille du pénis de l’homme noir, ou sur la sexualité débridée des femmes noires … On peut y voir une forme d’orientalisme dans lequel l’occident fantasme sur une certaine vision de « l’exotisme » (Said, 1980). Cette dimension raciale n’est pas toujours directe et est souvent entrecroisée d’une domination de classe sur une autre. Par exemple en France se développe la « pornographie beurre », mettant en scène des jeunes de banlieues dans des caves avec une mise en scène qui correspond à un certain cliché de l’ex-immigré issu d’une des anciennes colonies du pays (Cervulle, 2006).

Enfin il existe une approche post-coloniale militante de la pornographie qui veut promouvoir d’autres formes de pornographies pour combattre les films X traditionnels marqués par la domination masculine, les clichés racistes et de classes. Pour plus d’informations sur cette forme, voir l’ouvrage de Wendy McElroy (1995). L’analyse de Judith Butler est également intéressante car elle nuance la première approche développée plus haut (celle de Dworkin et McKinnon) en montrant que la pornographie ne réalise pas l’identité sexuelle des femmes et peut ne pas être offensante (Butler, 1997).

Rendez vous dans une semaine pour une nouvelle chronique

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