El Bar

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Pour sa troisième édition, du 20 au 28 octobre 2017, le festival de cinématographie hispanique, Caramelo y Limon, mettait à l’honneur l’Espagne, en présentant 5 films ibériques sur les 8 sélectionnés. Cette mise en lumière a commencé dès la soirée de lancement, dans une salle bondée du cinéma du Grütli, où les spectateurs s’apprêtaient à assister aux enchainements malsains de circonstances, du film El Bar, de Alex de la Iglesia.

Dans une première scène de quelques minutes – plutôt impressionnante car filmée en une seule prise – les personnages nous sont présentés. Elena (jouée par l’actrice Blanca Suarez), la jeune écervelée à la recherche de l’amour, Trini (Carmen Machi), la ménagère addicte aux machines à sous et Israel (Jaime Ordoñez), le sans-abri qui n’a plus toute sa tête. Par le choix de ses personnages, il est pertinent de se demander si la volonté du réalisateur était de nous présenter des stéréotypes souvent moqués et nous méprendre ainsi sur l’issue de l’histoire. Ces clichés ne laissent rien présager de la suite des évènements et mettent le spectateur trompeusement en confiance. Tout ce petit monde se retrouve dans le café de Madame Amparo (Terele Pávez) et par la force d’un destin malin, leurs futurs sont désormais liés. Aussi brefs soient-ils…

Puis vient l’élément déclencheur ; le réveil brutal qui nous rappelle que nous ne sommes pas venus écouter les discussions futiles d’un comptoir madrilène. Alors qu’il sort tranquillement du café, un client reçoit une balle dans la tête. Un autre, essayant de porter secours, est frappé du même sort. C’est la panique.

Retranchés dans le petit café sans réseau téléphonique, les personnages vont être mis à l’épreuve par le renchérissement constant d’éléments étranges. Les cadavres disparaissent, rien n’est commenté dans les journaux télévisés, un client est soudain foudroyé par une étrange maladie… Dans ce huis clos, les esprits s’échauffent et les confrontations ne se font pas attendre. La théorie du complot succède à celle d’une menace terroriste. Seuls au monde, les valeurs de chacun sont ébranlées. CE1-EOE_TheBar-2

Dans cette atmosphère dense, les dialogues cocasses arrivent tout de même à arracher au public tendu des rires sincères. Dans l’adversité, la maladresse des personnages et leurs traits d’humour permettent à l’audience de souffler. Alors que l’on pourrait reprocher une vision peut-être un peu trop simpliste de leur mentalité, on est ravi de reprendre haleine avec la naïveté de Nacho (Mario Casas) – le barbu victime de stéréotypes terroristes – ou la bonté de Sátur (Secun de la Rosa) – le barman attentif à ses clients malgré tout. Même les délires frénétiques d’Israel apporte une légèreté troublante à la situation.

Avec un final en apothéose qui rattrape une légère redondance dans les 10 dernières minutes, ce film reflète avec angoisse les aspects que peut prendre la nature humaine lorsqu’elle est mise à l’épreuve. On observe les décisions drastiques vers lesquelles certains peuvent être poussés lorsqu’ils ne pensent pas avoir le choix. D’un autre côté, on garde espoir, avec la conviction des autres personnages, qu’il est toujours possible de maintenir de la compassion, même dans des situations catastrophiques. Et, tout au long de l’histoire, on se remet en question pour déterminer à quelle catégorie de personnes on pourrait correspondre. Qu’aurions-nous fait à leur place ? La survie doit-elle prendre le dessus sur l’empathie ? La bienveillance est-elle incompatible avec les situations extrêmes ? En même temps que les personnages, on s’interroge sur nos limites. Ce phénomène qui s’apparente à la catharsis, à savoir, la tragédie comme façon d’affronter ses propres peurs, ne laisse certainement pas indifférent. Un malaise s’accroche ainsi au spectateur bien après sa sortie de la salle de cinéma. Cela laisse cependant place à une certaine sérénité lorsque l’on réalise que ce scénario ne se produira vraisemblablement pas dans la vie réelle… Normalement…

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