La diffamation, le dernier recours de l’incompétence

Avatar de Tristan Boursier

ddr

À lire aussi : la tribune d’Ignace Cuttat « Élections universitaires et nouvelle faîtière : intérêts privés, intérêts politiques« 

On aime les histoires qui commencent par « il était une fois » et qui se poursuivent par « tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes ». On aimerait une histoire où la jungle étudiante serait florissante et où la bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe. Or, cette histoire n’a ni crapaud ni colombe ; elle commence par un déversement de rancœur au détriment de tous. Il était une fois la mauvaise foi… Que peut-on espérer d’un discours qui ne sert qu’à attaquer les individus et conforter une idéologie auto-suffisante ?

Dans une tribune récente de Topo, nous avons pu faire la lecture d’un texte masturbateur dont les arguments lacunaires ne sont compensés que par un étalage de citations masquant une réalité déformée et occultant la majorité des faits. Le lecteur en est à peine au deuxième paragraphe que l’on frôle le point Godwin aux dépens de Mauriac qui est aussitôt accusé d’être heureux d’avoir deux Allemagne. En effet, cette phrase, n’ayant probablement jamais été prononcée par le prix Nobel, est connue pour refléter la méfiance des années 50 d’une hégémonie allemande, préférant qu’il y ait deux Allemagne plutôt qu’une domination communiste. Mais plutôt que de sombrer dans la facilité de l’attaque personnelle, laissons de côté ce que l’on veut nous faire croire et prenons plutôt le temps de nous pencher sur ce qui n’est pas dit.

Une fois de plus, l’Association Faitière de l’Université de Genève (AFU) est prise pour cible et sa structure, autant que ses idées, est déconstruite pour n’être réduite qu’à un ersatz de la réalité permettant de satisfaire une propagande difficile. Accusée de ne pas être démocratique, l’AFU possède pourtant une structure inspirée du modèle fédéral suisse. Les étudiants choisissent leurs représentants au sein de leurs associations. Les comités de celles-ci nomment des délégués pour les représenter à l’AFU. Si le modèle suisse n’est pas assez démocratique au goût de certains, on accuse l’AFU de prendre des décisions à huis clos, loin du regard méfiant de l’étudiant. L’auteur, que j’aurai la décence de ne pas nommer dans une tribune publique, mais qui semble avoir épluché en détail la brochure expliquant le modèle proposé par l’AFU, nous partage le plaisir de sa lecture, nonobstant toutefois un aspect essentiel. Dyslexie ou déficit de l’attention, il est pourtant clairement écrit que le bureau de l’AFU est un exécutif. Par définition cela écarte toute possibilité de prise de décision, ne laissant d’autre choix au bureau que d’appliquer les décisions prises en assemblées des délégués – les mêmes délégués mandatés par les associations, elles-mêmes élues par les étudiants – la garantie de la représentativité étant un objectif essentiel de l’AFU. Si on comprend l’accusation instinctive de la division pour mieux régner, on comprend encore mieux l’importance pour certains d’être seuls pour régner en toute tranquillité.

Qu’à cela ne tienne ! L’AFU est forcément une source de chaos auprès des associations pour avoir voulu exister. Malgré de longues négociations menées afin de trouver une entente commune, il eût peut-être été préférable de préserver un masque d’unité en acceptant le diktat proposé à l’issue de celles-ci et ignorant le trois-quarts des revendications, préservant ainsi la vieille institution représentante des étudiants ? Non, vraiment, ignorons la loi des nombres et défendons la bannière « le changement, c’est mal ».

Que dire de plus ? Devrions-nous aussi creuser le favoritisme dont l’autre faîtière souffrirait ? Les « nouveaux » projets associatifs d’ampleur universitaire – développés à l’extérieur de ladite faîtière – bénéficieraient de moyens considérables et du soutien inconditionnel des autorités universitaires. Il serait alors approprié de mentionner les sommes colossales dont la CUAÉ profite grâce à la part des taxes fixes qui lui est reversée, et qui a encore été augmentée récemment. Tandis qu’on se demande ce qui advient de cette somme on ne peut que constater l’absence de projet profitant à l’ensemble de la communauté étudiante financé par l’argent étudiant et déplorer le fait que les seuls événements remplissant ces critères doivent naître d’initiatives indépendantes de la part des étudiants eux-mêmes. Précisons tout de même que les Welcome Days – organisés pour l’accueil et l’intégration des nouveaux étudiants – ont existé trois ans sans soutien financier de l’Université, et qu’UniParty – créé pour rassembler la communauté étudiante autour d’un événement festif commun – a reçu une aide ne représentant que 10% de ses dépenses jusqu’à devenir autonome à l’heure actuelle. Quant aux menues récompenses, je ne mentionnerai que la présence de l’auteur de la tribune précédente au Dies Academicus, et de son discours qui précéda le mien. Je lui souhaite d’avoir amplement profité de notre « privilège » commun.

Je relève encore un trouble du jugement temporel, l’auteur nous précisant qu’il écrit ces lignes alors que l’AFU n’existe pas, mais nous fait le récit un paragraphe plus haut de l’assemblée générale constitutive du 19 mai dernier – assemblée de laquelle il s’est soustrait dès les premiers instants. Confondre la création d’une association avec un lieu de débat est aussi navrant que de confondre liberté avec propagande, mais je suis rassuré de voir que sa voix a su trouver le chemin de la presse écrite afin de dénouer le nœud s’étant formé dans sa gorge en nous quittant.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur cet article prolifique en accusations, mais cela m’obligerait à m’enliser dans un débat stérile déviant inévitablement sur les allégeances politiques et l’obligation de défendre un camp, sinon d’être un hypocrite. Hélas pour ces fervents défenseurs de belles idées – que je ne remets pas en question, contrairement aux méthodes employées – l’Université restera ce qu’elle est, une communauté d’étudiants de tous les horizons. Il est illusoire de croire représenter et défendre l’ensemble des étudiants en défendant une vision unique du monde. La richesse du monde étudiant est sa diversité. L’ignorer équivaut à tomber dans l’obscurantisme. Au cours de ma vie associative passée, j’ai souvent été confronté à des visions divergentes de la mienne, mais je me suis toujours fait un devoir de les respecter, voire même de les défendre, afin de garantir le droit de chacun de contribuer à la vie étudiante.

On ne sait que trop bien que la vie étudiante est un univers à part. On sait au fond de nous que cela veut dire créer une communauté et on invente même des mots comme « communautarisation » pour s’encourager. On oublie cependant que tout écosystème est fragile et, s’il est désuni, il finira morcelé et attisera les différences plutôt que la coopération. Être fédérés cela veut aussi dire savoir s’écouter les uns les autres et parfois se taire pour se rassembler. Le dénominateur commun des étudiants restera toujours la vie associative.

Tagged in :

Avatar de Tristan Boursier

Laisser un commentaire