L’incroyable foire aux questions de la CUAE

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Qu’est-ce que  cette CUAE au juste ?

Il s’agit de la Conférence Universitaire des Associations d’EtudiantEs, association faîtière et syndicat des étudiantes de l’Université de Genève. Elle a pour but de défendre les intérêts des étudiantes tout en offrant un certain nombre de services. Dans ce sens, elle fonctionne comme un syndicat et adopte la ligne et l’opinion de la majorité des gens qui s’y engagent. La CUAE est politiquement indépendante. Ses structures sont démocratiques et elle est ouverte à tout étudiante, et à toute association étudiante de l’Université dont les statuts sont compatibles avec les siens. L’assemblée générale (AG) est son organe suprême qui regroupe toutes les étudiantes membres. Les autres organes sont l’assemblée des déléguées de chaque association membre et le comité élu pour un an par l’AG. La CUAE emploie également trois secrétaires à temps partiel.

En tant qu’association faîtière, nous regroupons la grande majorité des associations d’étudiantes de l’Université de Genève, et nous nous réjouissons d’accueillir chaque année de nouvelles associations qui demandent à adhérer à la CUAE.

Vous voyez-vous comme « le sommet de la hiérarchie des associations d’étudiantes » ?

Absolument pas. Le comité n’exerce en aucun cas un contrôle intrusif sur les affaires des associations membres. Ces dernières sont libres de s’intéresser ou non aux affaires de la faîtière et à la politique universitaire en général.

Nous sommes conscientes qu’il y a de nombreuses manières de faire des choses collectivement au sein et en dehors de l’université. Nous sommes aussi conscientes des limites de la position institutionnelle de notre comité et du fait que tout le monde n’a pas forcément envie de s’intéresser aux mêmes thématiques ou alors d’agir de la même manière que nous. Les étudiantes en sciences sociales n’ont par exemple pas attendu le comité de la CUAE pour se mobiliser contre le projet de scission de la faculté de SES et solliciter son soutien.

Est-ce vrai que vous vous versez des salaires sur les taxes des étudiantes ? 

Les membres élues du comité s’engagent toutes bénévolement !

En revanche, les étudiantes se sont battues pour que l’Université finance des professionnelles pour conseiller les étudiantes et les associations. Trois secrétaires travaillent à 40 % pour l’association à côté de leurs études. Leur cahier des charges leur impose de tenir des permanences quotidiennes. Ces dernières sont gratuites, confidentielles et ouvertes à toute personne ou association pour les aider à faire face à des problèmes administratifs liés à l’Université. Le fait que les secrétaires soient employées par la CUAE plutôt que par l’Université garantit leur indépendance, ce qui est nécessaire pour conseiller loyalement les étudiantes dans des litiges avec l’université en cas d’élimination par exemple.

Le travail des secrétaires de la CUAE est très largement reconnu y compris par les candidates de la liste numéro 1. À ce titre, nous dénonçons la mauvaise foi de certaines, qui d’une part prétendent ne pas remettre en cause le travail des secrétaires CUAE et d’autre part, jettent à la vindicte publique leurs conditions salariales par des sous-entendus sournois. Concernant le salaire, l’argent provient effectivement d’une subvention de l’Université à la CUAE comptabilisée sur les taxes fixes. Cette subvention représente 3.50 CHF sur les 500 CHF des taxes. Elle est garantie par une convention avec le Département de l’Instruction Publique.

Que fait concrètement le comité de la CUAE ?

Le comité a pour but de mettre en œuvre les décisions prises par l’assemblée générale qui définissent la politique syndicale de l’association. Cela va de se solidariser avec une manifestation contre la hausse des taxes à négocier avec le rectorat afin que le problème des examens à la patinoire des Vernets soit mis à l’ordre du jour des rencontres associations-rectorat, en passant par les réponses aux médias ou à une commission du Grand Conseil sur un projet de loi sur les bourses d’études. Un compte rendu de nos activités est mensuellement publié sur www.cuae.ch. Le comité rend également un rapport d’activités annuel à l’assemblée générale.

Au fil des années, les membres bénévoles du comité développent une expertise sur les questions de politique universitaire. Ces compétences sont reconnues par les autorités académiques et par des partenaires étudiants comme l’UNES (association faîtière des étudiantes suisses). Cette reconnaissance a entraîné des avancées concrètes pour les étudiantes, comme par exemple lors des difficiles négociations pour l’obtention de l’espace étudiant autogéré (Nadir) après l’occupation d’un auditoire.

La CUAE est-elle représentative de la communauté étudiante ?

La CUAE est une association faîtière à laquelle les étudiantes et les associations peuvent adhérer librement. Elle n’est donc pas une corporation à laquelle toutes les étudiantes sont automatiquement affiliées, contrairement à ce qui se fait dans la plupart des universités suisses. Son orientation politique et les intérêts qu’elle défend sont définis par ses propres membres. La CUAE ne vise ainsi pas à représenter des étudiantes qui seraient par hypothèse en faveur d’une hausse des taxes universitaires puisque l’assemblée générale a  décidé de s’opposer à celle-ci. De même, nous ne serons jamais les porte-paroles des personnes qui se proposent de dénoncer les sans-papiers à l’école, quand bien même nous savons qu’il y a certainement quelques étudiantes membres de la jeunesse UDC qui pourraient cautionner cette idée.

Ne serait-il pas mieux que la faîtière soit apolitique pour représenter le plus d’étudiantes possible ?

Lutter pour les intérêts des étudiantes implique nécessairement des prises de positions politiques.  Vouloir des meilleures conditions d’études et un accès facilité à celles-ci sont des prises de postions politiques. Il s’agit de les défendre et pas de plaire à tout le monde.

Cependant, la CUAE est indépendante politiquement et ne roule pour aucun parti. Cela n’empêche pas le comité de décider qu’il peut être intéressant à un moment donné de se solidariser et de travailler avec un groupement quelconque tout en conservant son autonomie.

Ainsi, l’idée d’une structure « apolitique » nous paraît être un cache-misère qui masque la docilité par rapport aux personnes qui détiennent réellement le pouvoir à l’Université et dans la cité.

Cependant, vous avez tendance à prendre position sur toutes sortes de sujets politiques, pas seulement concernant l’uni. Par exemple, pourquoi est-ce que vous vous intéressez à la hausse des taxes dans les HES et dans les EPF alors que cela ne concerne pas les étudiantes de l’UNIGE?

L’Université de Genève n’est pas une île au milieu de la société. Elle est traversée par de nombreux rapports de pouvoir et différents intérêts s’y affrontent, notamment les hautes sphères des milieux politiques et économiques. La politique universitaire ne peut se comprendre qu’ainsi. Les étudiantes font bien de s’intéresser aux politiques de l’emploi, du logement ou migratoire pour la simple raison que ces politiques s’occupent – fort mal – d’elles.

En ce qui concerne plus précisément la tendance à l’augmentation des taxes universitaires qui touche toute l’Europe, le sort des étudiantes de l’Université de Genève est intimement lié à celui des autres étudiantes en Suisse. D’une part la loi sur l’Université relie explicitement le montant des taxes à Genève avec celui des autres hautes écoles (art. 16 al. 2). D’autre part, une opposition efficace à la hausse ne peut se concevoir que par la solidarité étudiante. Observer passivement les taxes augmenter dans les HES genevoises au prétexte que cela ne nous concerne pas est peut être critiquable d’un point de vue éthique, mais c’est plus certainement une erreur politique, car nous aurons besoin de l’aide de ces étudiantes lorsque notre tour viendra.

Je trouve les méthodes du comité de la CUAE trop agressives, est-ce qu’il ne serait pas plus constructif de ne pas être systématiquement dans l’opposition ?

Nous sommes convaincues que nos méthodes portent leur fruits. L’expérience montre que  pour faire entendre sa voix face à tout pouvoir,  il faut imposer un rapport de force.   La hausse des taxes dans la HES serait, par exemple, passée comme une lettre à la poste sans les manifestations de la coordination d’étudiantes « Stop la hausse ».

Il faut aussi se rendre compte que les actions spectaculaires du comité de la CUAE sont celles qu’on retient le plus mais que l’essentiel de notre action consiste en un travail de discussion. Les victoires obtenues autour des conditions d’exonérations des taxes et des bourses proviennent aussi de négociations autour d’une table. Lorsque le comité envisage une action « coup de poing » comme l’occupation des bureaux du recteur pour exiger que la police des étrangères ne soit pas présente à l’uni pour contrôler les étudiantes, c’est parce que de nombreuses tentatives de négociation n’ont pas donné satisfaction.

Êtes-vous des « militantes anticapitalistes exacerbées » ?

Statutairement, la CUAE a pour but de promouvoir une alternative à la vision capitaliste de l’éducation et de la recherche scientifique. Cette disposition provient d’une réflexion sur la réforme de Bologne et de ses effets néfastes constatables par toutes aujourd’hui. Toutes les formations ont leur place à l’université, y compris les moins « rentables ».

Nos adversaires qui parlent d’anticapitalisme seraient-elles des promoteuses d’une vision capitaliste de l’éducation ? Sans doute qu’à force de pratiquer le trading au sein de clubs d’investissement, certaines s’imaginent que tout s’achète et se vend : crédits ECTS, filières de formations et établissements d’enseignement supérieur. Ce n’est pas notre cas et nous pensons que l’exacerbation est de leur côté.

Pourquoi est-ce que vous féminisez toujours tous vos textes ?

Parce que l’académie française a dit qu’il fallait tous les masculiniser et qu’on trouve que Jean d’Ormesson a beaucoup perdu de son swag. On fait néanmoins une exception concernant Zofingue.

Plus sérieusement, le but est d’attirer l’attention sur une discrimination systématiquement banalisée et d’interpeller les lectrices. D’autres instances de l’université en font de même, comme par exemple les facultés des SES et de droit. Et comme ça dérange pas mal, on se dit qu’on a pas tort et on continue.

C’est aussi une manière d’étendre la lutte contre le sexisme, qui n’est que trop présent à l’Université comme ailleurs.

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