,

Prix Genre: quand la recherche se libère de la domination masculine

Avatar de Webmaster de Topolitique

Au sommet de l’imposant bâtiment gris anthracite d’Uni-Dufour, dans le hall du 4ème étage, se tenait lundi 30 septembre dernier un extraordinaire conciliabule.

Une table en guise de tribune, un écran spectral, deux haut-parleurs sombres, une quarantaine de personnes réunies tant bien que mal dans les couloirs, les yeux rivés sur la femme tenant le micro.

Il s’agit de la remise du Prix Genre de l’Université de Genève. Les regards pétillent, avides de la suite. L’assemblée est suspendue aux lèvres de Brigitte Mantilleri, directrice du Service égalité, qui ouvre la cérémonie.

L’objectif du Prix Genre est de « rendre visible, promouvoir, inciter et récompenser les travaux de recherche ou les projets proposant une approche genre ». Le « genre » n’est pas considéré comme une discipline en soi, mais comme une approche transversale à tout domaine scientifique permettant de mettre en lumière certains aspects liés à cette problématique I.

Ce prix vise à encourager les étudiant-e-x-s à travailler sur ce paradigme, à valoriser leurs efforts et à diffuser le résultat de leurs recherches . Il existe depuis 2016, date à laquelle il a été lancé par le Service égalité de l’UNIGE. Il a depuis récompensé 28 étudiant-e-x-s pour leurs travaux, à mesure de 6 à 9 lauréat-e-x-s par anII.

Les critères retenus pour la sélection des travaux sont : la centralité de la problématique de genre, la qualité des références ainsi que l’originalité.

Sur cette base, un jury inter-facultaire de 13 personnesIII, présidé par Yasmina Foehr-Janssens (Faculté des lettres, études genre), a sélectionné six lauréat-e-x-s, qui se sont vu remettre le Prix Genre de cette édition 2019, doté d’un un montant de 450 CHF.

La vice-rectrice, Brigitte Gaillot, précise lors de la cérémonie que ce Prix vise à rétablir les injustices commises aux chercheuses et scientifiques tombées dans l’oubli. Elle rappelle que l’impact du genre a profondément nui à la recherche, et réaffirme le nécessité de la reconnaissance des femmes*IV dans le processus de lutte contre la discrimination d’autres minorités.

L’édition 2019 a vu concourir 25 candidats, dont 21 femmes* et 4 hommes*, provenant de différentes facultés : celles des Sciences de la société, des Lettres, de Psychologie et sciences de l’éducation, ainsi que celles de Traduction et de Droit.

Les six lauréat-e-x-s de cette année étaient les suivant-e-x-s :

1) Julie Bévant (Faculté des lettres), Mémoire de master

Pour son travail d’édition de texte médiéval sur Sœur Johanne de Malone, remettant en question l’exclusivité masculine des auteurs et copistes au Moyen-Âge. Le manuscrit qu’elle analyse dans son mémoire témoigne de l’activité intellectuelle et d’écriture féminine dans la France de la fin du XVe siècle.

2) Alexia Bonelli (Faculté des sciences de la société), Travail de master

Pour son travail sur l’économie féministe et orthodoxe, pointant les principales critiques d’économie féministe adressées à l’économie néoclassique dominante dite « mainstream ». D’après ses recherches, la critique majeure serait théorique, et aurait trait au cadre conceptuel foncièrement genré, sexiste et donc biaisé de l’économie mainstream. Celle-ci est donc dénoncée comme insuffisante pour saisir par exemple les enjeux de genre, de race ou de classe.

3) Iona d’Annunzio (Faculté des sciences de la société), Mémoire de bachelor

Pour son travail sur le lien entre genre, anorexie et femme*. Iona d’Annunzio démontre que le genre impacte l’assignation de cette maladie, son diagnostic, ainsi que son interprétation publique et politique à travers les médias. L’anorexie, une maladie touchant aussi bien les hommes* que les femmes*, devient ainsi la maladie des femmes*.

4 ) Quentin Markarian (Faculté de droit), Travail de master

Pour son travail d’analyse juridique et administrative du contexte universitaire sur la situation des personnes LGBT à l’Université de Genève, dénonçant des pratiques étant vecteur d’exclusion ou de discrimination. Son travail proposait une énumération des problématiques mises en cause ainsi que des propositions de solutions pour y remédier. Dans son discours lors de la remise du prix, Quentin Markarian a déploré le manque d’action de la part de l’UNIGE, qui n’a toujours pas adopté les nombreuses solutions proposées dans le but de créer un cadre universitaire plus inclusif et ouvert envers les personnes dont l’orientation sexuelle, l’identité et/ou l’expression de genre diffèrent de la norme dominante.

5) Olivia Vernay (Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation), Mémoire de master

Pour son travail d’analyse sociohistorique de l’évolution des institutions de placement au regard du prisme du genre, en particulier l’institution genevoise de la Pommière entre 1960 et 1980. Olivia Vernay montre comment l’élaboration genrée des politiques publiques de l’enfance a abouti à des différences de traitement et en définitive à une distribution inégale des ressources entre mineur-e-s filles et garçons en faveur de ces derniers. Elle illustre ceci notamment à travers le concept de délinquance genrée : la délinquance étant considérée comme moins dérangeante chez les femmes, les jeunes délinquantes sont alors délaissées et mise à l’écart du système de prise en charge et de réinsertion.

6) Kara Wulf (Centre interfacultaire en Droits de l’Enfant), Mémoire de master

Pour son travail sur la perception du genre à l’école primaire, du point de vue des élèves eux-mêmes. Elle questionne de leur perception et appréhension de la discrimination et des stéréotypes de genre dans leur environnement, et les aide à se sensibiliser aux préjugés qui les entourent et à les déconstruire. Elle conclut que les perceptions divergent.


Cinq des six lauréat-e-x-s de l’édition 2019 du Prix Genre, avec, de gauche à droite : Quentin Markarian, Iona d’Annunzio, Julie Bévant, Olivia Vernay, Alexia Bonelli.
 

Chaque lauréat-e-x-s reçoit solennellement son prix, et a l’occasion de présenter en quelques mots son travail, pour le plus grand intérêt de l’assemblée. Celle-ci a même droit à une présentation vidéo de Kara Wulf, qui ne pouvait être présente physiquement !

La partie officielle de la cérémonie s’achève par une invitation à un délicieux buffet et au « réseautage ».

Déjà fourmillent les préparatifs de l’édition 2020 du Prix Genre, dont le délai de participation est fixé au 28 février 2020V. Avec l’espoir d’une multitude de travaux continuant sur cette brillante lancée, transcendant et ouvrant les frontières du genre.

Avatar de Webmaster de Topolitique

Laisser un commentaire