Football : l’arbitre assisté par vidéo (VAR), révolution ou gadget ?

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Pour les fans de football, l’attente touche à sa fin. Encore quelques mois et la Coupe du Monde de la FIFA (Fédération Internationale de Football Association) régalera ses millions de fans avec une soixantaine de matchs de haut niveau répartis sur un mois.[1] Le nombre de téléspectateurs, qui explose à chaque édition (3,2 milliards sur 7,3 milliards d’êtres humains pour l’édition sud-africaine en 2010[2]), en fait l’évènement sportif le plus suivi au monde au, coude à coude avec les Jeux Olympiques d’été.[3] Malgré le succès de cette manifestation qui déchaîne toutes les passions, il demeure une ombre au tableau (une parmi tant d’autres, les reproches envers la FIFA ne manquant pas) : les erreurs d’arbitrage.

En effet, le spectacle sportif s’est vu plus d’une fois entaché d’erreurs fatales de la part de l’arbitre, faisant parfois basculer la rencontre en faveur d’une équipe sans réel mérite sportif. Les anecdotes en la matière sont légion. De la « main de Dieu » de Diego Maradona[4] à celle de Thierry Henri en match de barrage de la Coupe du Monde 2010[5] en passant par d’innombrables hors-jeux non signalés, les irrégularités font couler beaucoup d’encre. C’est donc pour contrer les critiques que la FIFA a récemment pris la décision de réagir. Pour elle, la solution est simple et tiens en trois lettres : VAR. De son nom complet Video Assistant Referees, le système de l’arbitre assistant vidéo prétend permettre à l’arbitre d’avoir recours à une assistance vidéo On estime ainsi pouvoir apprécier l’action au ralenti, sous un angle différent, et surtout sans précipitation afin de prendre la décision correcte et nécessaire. Sur le papier, tout semble parfait…

Déjà présent dans certains championnats européens et testé lors de la Coupe des Confédérations en 2017, le système est pourtant loin de faire l’unanimité et cela malgré la grande satisfaction exprimée par les hauts dirigeants de la FIFA.[6] Ses détracteurs regrettent en effet la relative lenteur du processus dans lequel l’arbitre doit stopper le jeu, attendre les instructions d’assistants installés dans une « salle de contrôle » et s’il veut s’assurer du verdict lui-même, il doit se diriger vers un écran au bord du terrain afin d’analyser la vidéo, avant de donner enfin sa décision[7]. Ces quelques minutes de flottement étrangères aux matchs traditionnels ne plaisent pas à certains, qui estiment que le football devrait rester spontané. Les partisans du dispositif préfèrent eux à cela les principes d’égalité et de justice qui seraient selon eux mieux protégés, écartant de cette manière une marge d’erreur inhérente à l’être humain. Le même argument était à l’origine du Goal line technology (GLT), qui en français se traduit par « technologie sur la ligne de but » et qui est utilisé depuis la Coupe du Monde 2014. Néanmoins, la FIFA elle-même reconnaît les défauts du VAR.[8] En effet, personne ne peut affirmer que le système est parfaitement au point. Au-delà de la fluidité, il a offert des situations plutôt cocasses comme par exemple dans le championnat portugais, où un arbitre qui l’avait sollicité n’a pas pu l’utiliser en raison d’un drapeau agité par un fan devant la caméra.[9] Même en allant dans le sens des dirigeants en invoquant la notion de justice, là non plus le VAR n’est pas infaillible. L’arbitre central est en effet totalement libre de demander à ce qu’il soit utilisé ou non, selon s’il considère l’action comme douteuse ou non. Et dès lors que la décision appartient à l’arbitre lui-même, les erreurs et les injustices sont inévitables. Il suffit de constater les « dégâts » auquel le VAR a donné lieu dans la demi-finale de la Copa Libertadores (équivalent sud-américain de la Ligue des Champions) entre Lanús et River Plate. Pour plusieurs actions douteuses et cruciales, l’arbitre ne demande qu’un seul VAR, ne siffle qu’un seul penalty et c’est une rencontre de plus qui bascule, indépendamment du jeu en lui-même.[10] Et même lorsqu’elle est demandée, la vidéo n’apporte pas toujours une solution. Le football comporte une marge d’appréciation : une action douteuse peut le rester même en vidéo. La finale de la Coupe de la Ligue de 2018 en France illustra bien ce problème : Radamel Falcao, qui vit son but annulé, exprima une frustration compréhensible pour un hors-jeu aussi polémique en réalité qu’en vidéo et un temps additionnel peu suffisant pour contrer la lenteur technologique [11]. Pourtant, cette incursion technologique dans le football, jeu populaire par excellence, serait malgré tout profitable au sport lui-même, selon Gianni Infantino, président de la FIFA, des améliorations technologiques étant envisageables et la justice étant l’argument le plus important.[12]

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http://remezcla.com/film/american-futbol-two-gringos-filmed-their-trip-through-the-americas-en-route-to-the-world-cup/

Mais est-ce vraiment de ça dont il s’agit ? Est-ce ce qu’attendent réellement les milliers de spectateurs et les milliards de téléspectateurs d’unevingtaine de jeunes hommes courant après un ballon (malgré ma passion pour ce sport, je ne peux nier que c’est de ça qu’il s’agit) ? Une notion de justice à tout prix ? On peut s’étaler sur l’image d’égalité planétaire que peut refléter un tournoi mondial comme celui-ci, où des pays comme le Mexique tiennent tête aux États-Unis. On peut argumenter au contraire sur les intérêts financiers qui touchent un sport qualifié de corrompu. Mais au final, on ne pourra nier les émotions qui soulèvent tout un peuple, lorsque par un enchaînement de circonstances qui relève parfois quasiment du miracle, le ballon se loge dans le but adverse (vos connaissances habitant le quartier de Plainpalais pourront sûrement vous renseigner sur ces mouvements de foules et ces explosions de joie). Ce sont ces sentiments qui peuvent soulever, comme un seul homme, une nation toute entière. Que ce soit dans un Maracaña bondé ou sur le terrain synthétique du quartier, le football est avant tout un symbole de cohésion. Une intrusion trop grande de la technologie dans le jeu viendra forcément ternir, avec de nouvelles injustices, cette passion qui avant tout rassemble des êtres humains. Le VAR laisse de côté les spectateurs pour donner une place privilégiée à des hommes en costume, enfermés dans une salle sombre, devant une vingtaine d’écran, qui pensent le football sans le vivre. Un simple rectangle dessiné dans les airs met les cris de joientre parenthèses. On retient son souffle et, aucune information partagée plus tard, l’arbitre scelle l’action, qui a entre-temps perdu sa saveur. Le douzième homme se retrouve ainsi sur le banc de touche. Le football est bien entendu imparfait, mais les analyses sans fin, les polémiques et mêmes les frustrations font partie du jeu qui nous fait tant vibrer. Laissons pour une fois de côté les gadgets technologiques et profitons du plus beau sport du monde (rien que ça !), avec ses qualités et ses défauts.

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