Rencontre avec Romain Boillat, ancien président de l’AESPRI

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C’est quoi l’esprit de l’AESPRI pour toi ? (sans faire de mauvais jeu de mots)

L’AESPRI est une association particulière. Après en avoir fréquenté plusieurs, que ce soit dans le milieu universitaire ou civil, je dois bien admettre que l’AESPRI détient quelque chose d’assez singulier. Tout comme un pays, une personnalité individuelle ou collective, la particularité de notre association est tirée de son histoire. Fondée par nos « ancêtres » politologues[1], l’AESP s’est transformée en AESPRI avec la division de la licence en relations internationales et l’insertion de son bachelor dans le Département de science politique. Plusieurs années plus tard, malgré le transfert du BARI au Global Studies Institute, l’AESPRI a fait le choix de ne pas modifier sa structure malgré les demandes fréquentes des institutions universitaires. Ce maintien s’explique par le fait que l’esprit de notre association réside en cette division et dans les structures établies il y a bien des années par l’Association des Étudiants en Science Politique. Nous sommes le mélange d’une faculté et d’un institut, au travers d’étudiants et d’étudiantes évoluant dans des domaines autant juridiques qu’historiques, politiques ou économiques. Ces derniers sont constitués en une structure horizontale[2] où chacun, qu’importe son ancienneté, ses opinions politiques ou sa vision du monde associatif, a sa voix, son importance et son rôle. Bien que chaque génération apporte sa pierre à l’édifice, l’esprit de l’AESPRI réside bien dans cette multiplicité de points de vue qui, bien qu’entraînant d’interminables débats sur la découpe de cheveux en quatre, nous caractérise dans notre fonctionnement et dans notre manière d’appréhender le milieu universitaire.

Est-ce que l’association a de nouveaux projets pour cette année ? Est-ce que tu as hâte d’être à un évènement en particulier ?

Je dois bien avouer qu’ayant décidé de ne pas me représenter au poste de président afin de pouvoir me concentrer sur la politique universitaire, je ne suis pas le mieux placé pour parler des projets de l’année prochaine. Néanmoins, l’été a été riche en idées de toutes sortes que je me ferai un plaisir de relater ici.

Comme Topo n’est pas sans le savoir, l’an passé l’AEPSRI a entamé une grande restructuration interne que j’avais initiée en arrivant à la présidence[3]. Les résultats de cette réforme se faisant gentiment sentir, nos membres ont pu planifier de nombreux projets qui pourront voir le jour. Notre nouveau site Internet devrait être mis en ligne incessamment sous peu et ainsi devenir d’une part la base de l’interaction entre l’étudiant et nos activités, mais aussi (dans un partenariat en cours avec l’administration) un forum aux questions et conseils dans l’orientation académique des étudiants. Cette nouvelle fonctionnalité de notre site web devrait assez rapidement dans l’année être accompagnée de la réouverture de nos permanences-conseils et orientation.

Une autre nouveauté des plus intéressantes est la reprise de la connue plateforme Baripédia par l’AESPRI. Avec l’aide de son fondateur, nous avons travaillé cet été au relooking et à la remise à niveau de Baripédia sur un tout nouveau serveur dédié. La reprise de cette plateforme promet d’être des plus passionnantes pour notre équipe en charge, tant elle est riche en défis de toutes sortes et en opportunités pour les étudiants.

En termes politiques, nous avons travaillé cet été à un projet visant à promouvoir la transparence et l’accessibilité de la politique universitaire. Les accusations et promesses réciproques des deux listes aux élections universitaires ayant énormément fait rire les plus politologues d’entre nous, nous nous sommes empressés de mettre sur pied ce projet “PôleUni“[4] que nous espérons proposer aux associations et Faîtières au plus vite l’année prochaine.

Quant à nos évènements, comme chaque année nous avons un forum en perspective (grande nouveauté), plusieurs voyages prévus, des projections de notre cinéclub en cours de préparation, une édition de notre journal sur le point de paraître et bien entendu de nombreuses et riches soirées qui n’attendent qu’une multitude d’étudiants pour les illuminer !

Quelle est la pire chose / la plus difficile que tu as dû faire pour l’AESPRI ?  La meilleure/plus intéressante ?

Ce qui est à la fois intéressant et pour le moins paradoxal, c’est que les évènements les plus complexes et difficiles se retrouve souvent être à mes yeux les plus passionnants et dignes d’intérêt. Pour simplifier l’exercice, je n’en citerai que trois qui m’ont particulièrement marqué:

Lors de ma première année, la démission anticipée de notre présidente fut accompagnée d’une terrible semaine des longs couteaux. Cette semaine fut très difficile. Une association étant avant tout une équipe d’amis réunis pour le plaisir, il fut déboussolant de voir la tournure des évènements et le caractère personnel que ces derniers prirent. Pourtant l’exercice fut passionnant et très enrichissant pour beaucoup d’entre nous. C’est dans ces moments difficiles que l’on perçoit la véritable nature des personnes qui nous entoure et que l’on en apprend le plus sur la sienne.

Le second évènement marquant fut la négociation des plans et des règlements d’études du BARI. Longues de plusieurs mois, ces négociations furent des plus complexes de par la diversité des intérêts en jeu et leur nature à la fois idéologique, politique, académique ou personnelle. Il fut donc passionnant de jongler avec les différents groupes d’intérêt autant chez les étudiants que chez les professeurs, les assistants ou les PATs[5]. Le plus difficile fut d’accepter et de mettre en place les consensus parfois les « moins pires« , tout en étant convaincu que ce n’était pas la bonne voie à suivre. À la fois passionnant et difficile je suis très content d’avoir pu participé à cette réforme du BARI qui fut autant prometteuse qu’enrichissante.

Le dernier évènement marquant fut les négociations entre ce qui n’était à l’époque que le groupe AFU[6] et la CUAE[7], durant lesquelles je fis office de médiateur. Ayant à la fois été formé en politique universitaire par des membres et sympathisants de la CUAE et ayant suivi depuis le quasi-départ du projet AFU, il fut particulièrement intéressant de tenter d’unir ces deux visions de l’université pour les faire œuvrer ensemble. Bien qu’ayant des opinions politiques de centre droit, l’AESPRI m’a appris à travailler avec des multitudes de points de vue et d’opinions pour les raisons que j’ai développées à la question 1. C’est pourquoi j’étais (et je reste) persuadé que nous pouvions unir ces deux groupes pour qu’ils puissent, de part leurs différences et leur singularité respective, apporter un nouveau dynamisme et une nouvelle force à la vie estudiantine. Les réunions de négociation et leurs préparations furent donc des plus intéressantes, car elles visaient à unifier deux groupes qu’a priori tout séparait, mais qui au final visaient un objectif commun : offrir aux étudiants un parcours universitaire formateur et de qualité autant sur les questions de vie étudiante, que de conditions d’étude et de qualité académique. Bien qu’ayant échoué dans cette tentative d’unification, j’ai énormément appris sur les raisons de l’incompréhension d’acteurs ou de parties dans des domaines politiques ou autre. J’espère vivement que l’année à venir me permettra de retenter un rapprochement entre ces deux faîtières afin que l’université ne soit pas qu’un terrain d’adversité, mais aussi un terrain d’écoute, de respect et d’apprentissage mutuels.

Qui sont-ils ? Des commentaires ?

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À gauche, il s’agit bien sûr de notre cher recteur: monsieur Yves Flückiger. J’ai passablement travaillé avec monsieur Flückiger quand il était vice-recteur, notamment sur les questions de consécutivité au BARI et sur les questions de l’IHEID. À chaque fois, il a fait preuve de pragmatisme et a su traiter nos demandes avec considération. Je ne suis pas en accord avec toutes ses visions ou positions, mais c’est quelqu’un avec qui l’on peut travailler et dialoguer en toutes circonstances. C’est une très bonne chose qu’il ait été élu recteur et j’espère avoir l’occasion de réitérer les collaborations avec lui cette année.

Au centre, il s’agit de Pascal Sciarini, actuel directeur du Département de science politique. En ce qui le concerne, je vais simplement m’abstenir de tout commentaire dans la mesure où je n’ai eu que très peu de contact avec lui depuis sa nomination. J’ai plus traité avec ses deux prédécesseurs et attends donc de pouvoir me faire un jugement objectif avant de pouvoir le formuler.

À droite, René Schwock, directeur du Global Studies Institute. Encore une fois je n’ai pas encore eu beaucoup l’occasion de traiter avec monsieur Schwock en tant que directeur. J’ai beaucoup plus traité avec monsieur Nicolas Levrat, son prédécesseur. Néanmoins, je siège à ses côtés depuis un an au bureau de l’assemblée participative du GSI, que monsieur Schwock vice-préside. Durant cette année, nous avons beaucoup collaboré et je dois dire que sa proximité avec les étudiants et son caractère sympathique réjouissent notre association pour sa direction à venir.

Le voyage annuel de l’AESPRI est réputé à l’Unige. Pour toi, qu’est-ce qui fait le succès de cet évènement ? Une anecdote ?

Quarante étudiants d’horizons différents, une semaine sur un thème d’actualité, un nombre incalculable de rires et de discussions, une ville inconnue et souvent insolite, une semaine de soirées mémorables, voilà les clés de la réussite de ce célèbre voyage ! Souvent les bruits qui en reviennent sont exagérés ou déformés, mais il est inutile de nier que l’enthousiasme commun d’autant de personnes amène nécessairement à des évènements d’autant plus singuliers qu’embarrassants… Nous avons coutume de dire que ce qui se passe au voyage reste au voyage, mais vu le nombre de personnes au courant, je ne ferai que confirmer l’inconfort des commissariats roumains et la dangerosité de fêter son anniversaire cette semaine-là ;).

L’AESPRI organise chaque année de nombreuse d’activités. Outre ses fameuses soirées, l’association organise,  entre autres, des projections de films, des conférences, publie un journal (International Ink), gère un wikipédia de cours pour les étudiants en relations internationales (Wikibari) et co-organise la fête de l’Escalade à l’Unige. Est-ce qu’il y a des évènements qui t’ont marqué / que tu préfères ?

Chaque évènement apporte ses particularités et ses différences. Les soirées sont les lieux de rencontres, de bon vivre, de discussions, parfois de détente (souvent d’excès). Les projections et les conférences offrent des perspectives différentes sur de nombreux sujets et ouvrent le dialogue avec les réalisateurs ou les personnalités liés. Notre journal est le lieu d’expression d’idées et de points de vue. Les journées à thème comme l’Escalade ou le journalisme sont l’occasion de mettre en avant des sujets et passer de bons moments. Mais je dois avouer que l’évènement qui m’a beaucoup marqué est notre forum thématique. Pas nécessairement pour ce qu’il est en ce moment, mais pour les opportunités qu’il apporte et pour ce qu’il pourrait devenir. Une semaine de conférences, de projections, de débats et d’activités sur un thème. C’est comme un condensé de nos activités en une seule semaine, c’est passionnant. Il est vrai que souvent nous ne sommes pas assez préparés pour cet évènement et pourrions faire beaucoup plus, mais il apporte des perspectives extrêmement enrichissantes que j’ai personnellement beaucoup appréciées.  

L’AESPRI est très présente dans la politique universitaire, notamment grâce à son groupe de travail qui lui est consacré. Les étudiants en première année peuvent parfois être effrayés par ce domaine. Qu’est-ce que tu aurais à leur dire pour les inciter à s’y intéresser ?

C’est une très bonne chose que vous posiez cette question. En effet, la politique universitaire est un sujet complexe et difficilement abordable. De plus, jusqu’à l’année passée, notre fonctionnement était difficile à aborder pour les nouveaux venus et souvent très décourageant. Heureusement notre « GroupePo »[8] est désormais doté d’une nouvelle organisation[9], plus inclusive et plus appréciable pour les non-initiés. Pourquoi faire de la politique universitaire ? Pour comprendre cela, il faut déjà comprendre de quoi l’on parle ! La politique universitaire (ou affaires universitaires) est la possibilité laissée aux étudiants par notre université de donner leur avis et de participer aux différentes décisions administratives et politiques. Les statuts de notre université prévoient toute une série d’organes, de conseils, de commissions et de groupes de travail afin que tous les intérêts soient pris en compte. Bien que cela paraisse complexe au premier abord, il s’agit en réalité d’un système assez logique, plutôt typique du fonctionnement suisse et rapidement assimilable. Y participer revient donc à donner son avis, proposer des idées, trouver des solutions, en somme façonner la vie universitaire d’une façon que vous auriez apprécié voir en arrivant. À mon sens il est facile de critiquer le fonctionnement des cafétérias, l’absence de prise dans les amphithéâtres, le calcul de votre moyenne ou l’état des toilettes, mais la seule façon d’apporter des réponses suffisamment durables pour que des solutions soit façonnées, c’est que suffisamment d’étudiants viennent participer à la politique universitaire, pour que le mélange d’idées et que l’énergie de groupe nous permettent de proposer, réfléchir et mettre en place l’avenir de notre université.

Les étudiants ont parfois peur de s’investir dans leurs associations. Toi qui es devenu président de l’AESPRI en deuxième année, qu’est-ce qui t’a motivé à t’investir autant ?

Je pense qu’il y a de nombreux facteurs qui expliquent l’investissement des étudiants dans le milieu associatif. Déjà il faut une étincelle de départ, une curiosité, quelque chose qui vous intrigue, qui vous dit d’aller découvrir le milieu. Ensuite les deux éléments les plus importants : les individus et le groupe. Une association est à la fois une multitude d’individus avec qui chacun peut développer des affinités quelles qu’elles soient, et c’est aussi un groupe, avec une ambiance, une façon d’appréhender les problèmes, etc. Pour pouvoir s’insérer dans une association, il faut les deux ! Il faut que vous vous liiez d’amitié avec certains de ses membres, et il faut que le groupe vous convienne. C’est à mon sens le plus important et c’est aussi pour cela que je suis resté à l’AESPRI plutôt que dans d’autres associations que j’ai fréquentées. Enfin ce qui fait que vous allez véritablement vous invertir à 100% comme je l’ai fait peut dépendre de plusieurs éléments. Certains estimeront l’investissement utile à leurs compétences, leurs qualifications en somme leur CV,d’autres le font par convictions ou pulsion idéologique. Pour ma part, j’ai surtout toujours aimé les situations complexes à résoudre, les stratégies à établir et mettre en œuvre et les projets à développer, organiser et mener à bien. Bien que j’adore ce milieu et que je suis conscient de ce qu’il peut m’apporter à l’avenir, c’est avant tout la pulsion de la complexité qui m’a motivé et m’a fait aller de l’avant.

Si tu devais dire en trois mots ce que t’a apporté l’association, quels seraient-ils ? 

reSPect et RelatIvité : Comme je le disais à la question 1, l’AESPRI a pour caractéristique d’être formée d’une multitude de positions et opinions. Nos comités sont comme des Agoras où les idées s’entrechoquent tel une joute verbale où les orateurs luttent pour leurs convictions. Ainsi j’ai pu observer une multitude d’idées cohérentes qui parfois ne pouvaient être compatibles. En tant que président, mon rôle était de concilier ces différentes visions mêmes si ces dernières se trouvaient parfois être antinomiques. Au fil de cet exercice, on apprend à relativiser la véracité de propos et à les nuancer pour en faire ressortir des consensus acceptables et pragmatiques. De plus, même si l’on est pas toujours d’accord avec tout le monde on apprend, au fil des erreurs, à respecter les visions de chacun et à les comprendre afin d’en tirer le plus d’inspiration possible.

L’(a)eSPRIt d’équipe : Durant mes années dans l’association j’ai appris qu’un individu, quel qu’il soit, ne vaut rien tant qu’il est seul. Une idée n’a de valeur que lorsqu’elle a été relativisée, un projet n’est bien préparé que lorsqu’il a été revu par plusieurs yeux avisés, une association ne vaut rien tant qu’une multitude d’étudiants n’en forme pas la richesse et la diversité ! Au fur et à mesure des échecs et des réussites dans mon parcours associatif, j’ai compris la force et la puissance d’une inertie de groupe quand celle-ci est bien menée. Quand les forces des uns compensent les faiblesses des autres et que chaque évènement, chaque projet vient consolider les liens qui se tissent, se froissent et se retissent entre les membres. On comprend alors véritablement le sens du proverbe  « l’union fait la force ».

Si tu devais donner des conseils pour un-e première année qui arrive en sciences politiques ou en relations internationales, quels seraient-ils ?

À mon sens le parcours universitaire est bien plus que des cours, des examens et un diplôme. Le parcours universitaire est une expérience multiple qui se vit sous différentes facettes dont il faut savoir tirer parti. Je pense qu’il y a un avant et une après-université et que les principaux éléments qui marquent cette différence se trouvent tout autour de nous, sans que l’on n’y porte une attention particulière. Je parle bien sûr des étudiants. D’ici à quelques années, nous aurons tous oublié la plupart des informations stupidement apprises par cœur et méthodiquement inscrites sur des cartes afin d’en mémoriser l’essentiel avant de les cracher dans les cases d’un QCM. Ce qu’il nous restera sera le vécu, ce seront les gens que nous aurons rencontrés, les idées que nous aurons forgées et les liens que nous aurons tissés. C’est cela qui fait le parcours universitaire de l’étudiant, cela qui fait des années d’université une véritable expérience de vie. Si je devais donc donner ne serait-ce qu’un conseil aux nouveaux étudiants, cela serait celui d’être curieux, d’aller à la rencontre des expériences de l’université que cela soit au travers de conférences, de soirées, d’associations, de débats, de journaux, de politique universitaire, de simulations, de jeux de rôle ou autre. En somme, n’hésitez pas ! Vivez votre expérience universitaire !

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