Quel projet politique pour la Bosnie-Herzégovine du 21ème siècle? #2

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Dans la première partie, j’avais introduit le cadre politique très fragmenté de la Bosnie-Herzégovine. Dans cette partie, je présenterai le cas de la ville de Mostar, où les enfants d’ethnies différentes ne se mélangent pas à l’école.

    Avec cette courte explication de la situation en Bosnie-Herzégovine, on arrive à se rendre compte des grands blocages politiques que connaît le pays. Les partis nationalistes qui ne sont pas prêts à faire des compromis, ont pour conséquence une stagnation politique et avec elle, une situation de stagnation économique. Le nationalisme, depuis la période d’avant guerre jusqu’aujourd’hui, semble être le grand fléau de la politique bosnienne. C’est un nationalisme absurde, où les différentes minorités ethniques s’opposent au sein d’une même nation. Cette absurdité et situation terrible pour beaucoup de citoyens, j’ai pu l’apercevoir lors de mon séjour à Mostar, ville du sud de la Bosnie-Herzégovine. Dans cette ville et dans la région environnante, le nationalisme est le quotidien pour beaucoup de citoyens. Mostar est une ville totalement divisée. Ici, les citoyens bosniaques-musulmans réfléchissent deux fois avant d’entrer dans la partie croate de la ville. Malgré la reconstruction du fameux pont de Mostar, censé symboliser la réconciliation entre bosniaques et croates, la division entre ces derniers est flagrante. Bien que tous les citoyens aient la même nationalité, i.e. celle de la Bosnie-Herzégovine, on voit flotter des drapeaux croates sur de nombreux bâtiments dans le secteur croate de la ville. A Mostar, croates et bosniaques ne partagent pas les mêmes hôpitaux, le même système de santé, le même système de distribution d’eau, le même théâtre, la même équipe de football, la même université et la même école. Les enfants ne se mélangent pas et n’apprennent pas la même chose. Les croates ont des cours d’histoires dictés par Zagreb, tandis que les bosniaques suivent des cours dictés par Sarajevo. A Mostar également, la nationalisme et la division qui s’en suit n’aide en aucun cas le processus de décisions politiques. Ainsi, depuis quelques années, la ville peine à voter un budget, faute d’accord et de compromis entre les différentes forces politiques.

            Le fait qu’aujourd’hui en Europe des jeunes d’ethnies différentes dans un pays ne vont pas ensemble à l’école est assez choquant. J’ai pu discuter avec certains de ces jeunes, qui pendant les vacances d’été, participent à des camps organisés par des institutions qui favorisent la mixité ethnique. Ainsi, grâce au contact humain les enfants effacent les préjugés qu’ils auraient pu avoir par rapport à l’autre. Certains de ces enfants m’ont témoigné de leur peur quotidienne quand ils entrent dans les quartiers de l’autre ethnie. D’autres m’ont raconté comment ils s’étaient faits renvoyer d’un restaurant à cause de leur origine ethnique. Heureusement, j’ai vu beaucoup d’espoir dans la jeune génération des bosniens, qu’ils soient d’origines bosniaque-musulmane, croate ou serbe. J’ai eu le sentiment que beaucoup de ces jeunes voulaient tout simplement tourner la page du passé et construire un avenir sans haine. Ils espèrent que ce système d’éducation, qui sépare les élèves par origine ethnique, n’existera plus lorsque leurs propres enfants seront scolarisés.

          Alors, quel projet politique pour cette société bosnienne post-guerre ? Quand on pose la question aux personnes dans la rue, beaucoup expriment leur nostalgie de l’époque communiste sous Tito. Certains ne pensent pas que la démocratie soit possible dans leur pays et ne voient pas comment elle pourrait fonctionner avec les sentiments puissants de nationalisme qui règnent dans l’arène politique. Ils sont fatigués de voir ces partis nationalistes s’affronter, alors que leur situation économique est mauvaise. Un barman m’a expliqué comment son salaire n’était pas suffisant pour vivre de manière décente et qu’il envisageait sérieusement de quitter le pays. « Des personnes comme moi qui veulent quitter la Bosnie-Herzégovine, il y en a pleins. Avec le communisme de Tito, je gagnais assez, j’avais un bon boulot, je pouvais partir en vacances, pas comme aujourd’hui ». Il est vrai que sous le système communiste de la Yougoslavie de Tito, la sécurité de l’emploi était garantie, et il n’y avait pas de place pour les conflits inter-ethniques. Toutefois, beaucoup de libertés n’étaient pas garanties sous le régime autoritaire de Tito. Entre pouvoir subvenir à ses besoins grâce un à travail et pouvoir jouir de libertés fondamentales, certains bosniens avec qui j’ai parlé préfèrent pouvoir subvenir à leurs besoins. Mais d’autres voient l’avenir de la Bosnie-Herzégovine comme démocratique, à condition que le nationalisme cesse et que les politiques rassemblent les citoyens autour d’un projet de société au lieu d’un projet ethnique. Je terminerai en citant en anglais une phrase d’un étudiant de droit à l’Université de Sarajevo et ami : « Forgive but don’t forget. This is my philosophy and my hope for my country ».

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